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Citations de Robert McLiam Wilson (286)


Ils te font le coup de la décence, les vieux. De la décence. Oui oh oui. Ça me tue, cette histoire de décence. Ça me flanque par terre. Difficile à croire, mais vrai. Imagine-moi ici, marchant dans cette rue. Grand, fort, d'une beauté qui se flétrit, aussi dangereux qu'un serpent. J'ai beau être un vagabond, j'incarne la jeunesse et l'énergie triomphantes. Je suis sarcastique. Je suis vicieux, capricieux, je n'aime que moi. Je suis le grand prêtre de l'église de la jeunesse acide. Il n'y a qu'une chose qui tue : la décence. Ce calme souverain, cette putain d'équanimité. Colle-moi contre un type vraiment décent, une médiocrité rondouillarde d'âge mûr et au petit-cul, doté d'un découvert en banque et de deux filles adolescentes et maigrichonnes, et je me liquéfie littéralement. Je suis massacré par toute cette douce sagesse, cette charité et cette expérience impitoyables. La considération, le tact, l'acceptation placide. Dieu du ciel, la bonté et le désintéressement de ces gens me flanquent par terre ! Plus jeune, je les dérouillais salement, je me tapais leurs femmes et je pissais sur leurs perruques, ce genre de truc. Mais ça ne m'a jamais avancé à grand-chose. J'avais toujours le sentiment qu'ils remportaient régulièrement le trophée du tournoi. je trouvais ça répugnant. Avec leur brioche et leur cou flasque, que possédaient-ils donc de plus que moi ?

Ne réponds surtout pas !

C'est ça, l'âge. C'est ça qu'ils avaient de plus que moi. Drôle de truc, l'âge. Tout comme la mort, j'essaie de ne pas trop y penser. Mais, bordel, il va venir vite et que deviendrai-je alors ? Ah, ce fossé. Ce mur infranchissable qui sépare les jeunes et les vieux. Ils nous détestent et nous les détestons. Ils règnent néanmoins sur le monde et sur toute la jeunesse. Tous ces chefs d'État séniles qui font tourner notre petite planète fiévreuse. Que savent-ils du monde moderne ? Ils ont franchi le cap de l'andropause pendant la Seconde Guerre mondiale. Dépassement de la date limite. Produit périmé. Ils sont hors service, putain !

(D'un autre côté, je ne voudrais pas qu'un petit morveux à la gomme dirige le pays en appliquant les recettes de l'expérimentation juvénile. Ce ne serait pas très malin. Problème délicat, sans aucun doute.)

L'emmerdant chez les vieux, c'est qu'ils sont vieux. Ils sont pompeux, intolérants, acariâtres. Ils n'ont ni spontanéité ni vigueur. L'âge les rend très sentimentaux.

L'emmerdant chez les jeunes, c'est qu'ils sont jeunes. Ils sont têtus, prétentieux, insolents. Nous n'avons ni sagesse ni jugement. La jeunesse nous rend très sentimentaux.

Tu sais, je crois qu'au fil du temps j'apprendrai sans doute très bien à devenir vieux. D'ailleurs, je n'ai pas le choix, non ? Pête-sec et distingué j'espère. Je ne me suis pas encore décidé pour la vieillesse. Je ne suis pas gérontologue. J'y penserai davantage quand je serai un peu plus vieux...

Perry m'a donné un peu d'argent ce matin. Un petit billet de dix bien craquant. Il l'a manifestement glissé dans la poche de mon manteau pendant que je regardais ailleurs. ( Ah, la diplomatie aux doigts légers... Cet homme est un saint, sans blague.) Je dois reconnaître que ça m'a fait un choc. Ma dignité en a pris un coup. Et de dignité, il ne m'en reste pas suffisamment pour faire comme si de rien n'était. Comprends-moi bien. Ce pognon ne me gêne pas le moins du monde, mais ce qui reste de ma fierté en a pris un coup. La fierté ! Que je conserve un reste de ce vice véniel, n'est-ce pas là une merveille de ténacité ? Mendigoter auprès d'un infirme miséreux, à mon âge ! Je suis vraiment sur la mauvaise pente. Je devrais prendre ça avec davantage de fatalisme. revendiquer le caractère inévitable de ma situation. Honorer mes tribulations...
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Identifiés, anonymes. Présents à la mémoire, oubliés. Ils ont tous fait le grand saut, spécialité des morts. Qu'ils aient décédé aussitôt, presque aussitôt ou plus tard, tous ont fait le grand saut. Quitter le monde des vivants pour se transformer en cadavre: la transition la plus rapide du monde.
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Mamie faisait son âge, mais Matt ne l'avait jamais vue ainsi. Il lui vouait un culte hilarant. Après quarante ans de vie commune, il débordait encore de lubricité pour elle. Matt ne réussissait jamais à se convaincre que sa femme avait plus de soixante ans. Il voyait toujours la jeune femme de vingt-deux qu'il avait épousée. Il me faisait penser à Pierre Bonnard. L'artiste français peignit sa femme pendant cinquante ans, debout dans sa baignoire, allongée sur un tapis. A soixante-dix ans, il la peignait toujours comme si elle en avait dix-neuf. J'avais toujours eu un faible pour les vieillards sentimentaux. C'était d'ailleurs une de mes ambitions. Un jour, pensais-je, je finirais sans doute en vieillard sentimental.
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Cette gloire soudaine perturba Chuckie. Elle ébranla cet amour de la célébrité qui ne l'avait pourtant jamais quitté. Si quelqu'un d'aussi peu évolué que Chuckie lui-même pouvait accéder à la gloire, même brièvement, alors la notoriété ne valait pas le coup. Et cette constatation confortait curieusement son expérience de l'Amérique. Le moteur de cette nation marchait à la célébrité. Telle était la véritable devise spirituelle des Etats-Unis. En Amérique, les acteurs et les actrices étaient des dieux, la population buvait la moindre de leurs paroles. Les émissions de variétés contenaient les discours de ces êtres supérieurs qui proféraient ainsi leurs diagnostics pour le peuple.
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Il faisait très chaud. Une vraie canicule. Les gens marchaient éberlués par ce baume si peu belfastien. Les hommes retiraient leur chemise et décidaient que se promener tout rouges et bouffis de soleil faisait très chic. Les filles portaient des tenues étonnamment réduites et exhibaient leurs charmes, soulignant ainsi l’injustice de la répartition de la beauté parmi les sexes en Irlande du Nord. Les hommes tout rouges et bouffis de soleil les draguaient et elles draguaient les hommes tout rouges et bouffis de soleil.
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Ce qui fait une ville n’a pas grand rapport avec sa taille. C’est lié à la vitesse à laquelle ses citoyens marchent, à la coupe de leurs vêtements, au son de leurs cris.
Mais surtout, les villes sont des carrefours d’histoires. Les hommes et les femmes qui y vivent sont des récits, infiniment complexes et intrigants. Le plus banal d’entre eux constitue un récit plus palpitant que les meilleures et les plus volumineuses créations de Tolstoï. Il est impossible de rendre toute la grandeur et toute la beauté de la moindre heure de la moindre journée du moindre citoyen de Belfast. Dans les villes, les récits s’imbriquent. Les histoires se croisent. Elles se heurtent, convergent et se transforment. Elles forment une Babel en prose.
Et parfois, tard dans la nuit, quand la plupart dorment, la ville semble s’arrêter et soupirer. Elle semble exhaler ce récit, le restituer comme la chaleur emmagasinée par la terre en été. Ces nuits-là, si vous écoutez bien, vous entendrez peut-être les fantômes des histoires qu’on chuchote. Il y a de la magie dans tout cela, une magie impalpable qui se dissipe pour un rien.
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Je suis bien plus qu’un simple vagabond. Je suis un claustrophobe, un ermite, un prophète, un perdant, une nullité, un message chiffré ! Nom de dieu, je suis un symbole de notre époque.
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Il se sentait moins que léger, plus qu'aérien.
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La sexualité était un acide corrosif. C'était une chose qui empêchait les gens d'être bons.
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.....Ainsi marcha Chuckie, presque sur la pointe des pieds, comme une autruche bouffie, enjambant à chaque pas les fils tendus par sa peur.
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J'étais bouleversé d'entendre des projets aussi complexes dans la bouche de gens aussi blessés par la vie. Ils sont gênants, mais également d'une étrange dignité. Dieu sait que j'entretiens moi aussi des rêves mégalomaniaques concernant mon avenir. Lauréat du Prix Nobel, joueur de cricket vedette de l'équipe d'Irlande, orateur, génie, dieu du sexe. En fin de compte, les rêves concoctés par ces gens étaient aussi admirables que n'importe quels autres. Leur imagination refusait de se laisser écraser par l'acceptation de leur statut de victime.
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Il y avait trois versions fondamentales de l'histoire irlandaise : la républicaine, la loyaliste, la britannique. Toutes étaient glauques, toutes surestimaient le rôle d'Oliver Cromwell, le vioque à la coupe de cheveux foireuse. J'avais pour ma part une quatrième version à ajouter, la Version Simple : pendant huit siècles, pendant quatre siècles, comme vous voudrez, c'était simplement tout un tas d'irlandais qui tuaient tout un tas d'autres irlandais.
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Samedi matin je suis allé faire des courses, simplement pour que quelqu'un me parle, simplement pour avoir une raison de remercier quelqu'un.
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Dans l'immédiat, l'essentiel était d'attraper mon chat et de le tuer. Je l'avais presque coincé entre une étagère et un canapé quand la sonnette de ma porte a retenti. Je me suis figé. J'ai pensé que la SPA allait me tomber dessus à bras raccourcis. J'ai regardé la grosse horloge à mon mur. Il était minuit passé. Belfast n'est pas la ville idéale pour ce genre de visite tardive et, tout en marchant vers ma porte d'entrée, j'ai vécu les fameuses quinze secondes d'angoisse en me disant que deux hommes en blouson d'aviateur et Doc Martens, le doigt sur la détente d'un automatique Browning, attendaient de l'autre côté de ma porte avec un objectif politique bien précis. J'ai écarté cette pensée, comme d'habitude, et j'ai ouvert.
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- Saviez-vous que j'étais juif ? demanda-t-il.
Le sourire de Garth grandit jusqu'à occuper tout son visage.
- Saviez-vous que j'étais noir ?
Manfred éclata d'un grand rire, d'un très grand rire.
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Page 269 : Nous autre Irlandais, nous sommes tous des putains d'imbéciles. Aucun autre peuple ne rivalise avec nous pour l'absurde sentimentalité dans laquelle nous nous vautrons. Nous et l'Ulster. Putains d'Irlandais chouchoutés par Dieu, ainsi qu'ils aimeraient le croire. Comme peuple, nous sommes une catastrophe ; comme nation, une honte ; comme culture, des casse-pieds... et pris individuellement, nous sommes souvent repoussants.
Mais nous aimons tout ça, nous autres Irlandais. C'est pour nous un vrai régal. Pires nous sommes, plus nous aimons ça. Nous adorons la vieille Irlande et elle nous adore.
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Il avait une théorie sur tout. Il avait une Théorie de la Poésie. Une Théorie de la Fête. Une Théorie de l’Histoire. Une Théorie de la Coupe de cheveux. Il me les a toutes exposées. Mais aucune de ses théories n’incluait la Théorie de Ne Pas Être Casse-Couilles.
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Dans les circonstances présentes, Belfast était une ville Vraiment célèbre. Quand on refléchissait qu'il s'agissait de la capitale sous-peuplée d'une province mineure, le monde semblait vraiment la connaître excessivement bien. Personne n'ignorait les raisons de cette gloire superflue. Je n'avais pas beaucoup entendu parler de Beyrouth avant que l'artillerie ne s'y installe. Qui connaissait l'existence de Saigon avant que la cocotte-minute n'explose?
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C'est le problème quand on ment. Si on ne vous croit pas , vous vous méprisez; et si on vous croit, vous méprisez l'autre.
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Les pages qui suivent s’allègent de leur perte. Le texte est moins dense, la ville plus petite.
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