Citations de Robert Neuburger (138)
... se séparer, c'est rendre sa liberté à l'autre.
Pourquoi est-il si difficile aux couples de se déprendre de cette passion culpabilisante ? D'une part, la charge de rage contre le coupable peut être considérable et c'est là un moyen efficace de se décharger sur l'autre, mais d'autre part, paradoxalement, ces échanges sont dans une certaine mesure rassurants malgré l'inconfort, voire les souffrances, car, familiers et répétitifs, ils entraînent un blocage du temps. Tant que l'on est dans les échanges de tentatives de culpabiliser l'autre, aucune solution ne se profile, pas même la séparation, et le temps paraît immobile.
Les paroles ne sont pas toujours le meilleur moyen de communication dans un couple, en particulier lorsque chaque parole de l'autre éveille des sentiments de culpabilité.
... proposition ... a été de leur demander de ne plus discuter, mais de tenter de se retrouver autour d'activités communes où chacun se sentirait respecté par l'autre. Ils ont choisi la musique. Ce choix s'est opéré sous mes yeux, a été réciproque, immédiat, et touchant, car à ce moment cet homme et cette femme se sont regardés amoureusement, la musique étant ce qui les avait rapprochés au début de leur relation.
Force est de constater que s'entreculpabilisant rend rarement le couple créatif et apte à dépasser les crises, que celles-ci soient "patriotiques" ou "nationalistes".
Ce constat de la fréquence de l'échec du but poursuivi par le culpabilisant ou celui qui est vécu comme tel pourrait faire douter de l'efficacité de tels procédés et même conduire à un abandon des pratiques culpabilisantes. Cela n'échappe pas aux couples, mais chacun a souvent le sentiment d'une absence d'alternative et ne sait comment faire passer des revendications qu'il ressent comme légitimes.
... une guerre picrocholine opposant deux êtres qui deviennent, pour des raisons de plus en plus obscures, des adversaires qui peut se poursuivre un temps variable.
La conséquence de l'utilisation de la technique fraternelle est un prêté pour un rendu : "Ce que tu m'as fait, je te le fais et tu verras comme c'est agréable !"
Toute situation pathologique, pour autant que l'on prenne le temps de mettre le sujets en confiance, offre la clé des difficultés et les raisons d'un symptôme de perdurer.
Un symptôme n'est jamais qu'un comportement normal, mais pathologisé par sa répétition.
Souvent dans les jeunes couples, les revendications sont exprimées sur le mode de la culpabilisation fraternelle, quel que soit le grief : "Depuis que nous sommes installés ensemble, tu n'as pas passé une seule fois l'aspirateur alors que tu le faisais chaque semaine chez toi", "Tu es libre de faire ce que tu veux, mais j'aimerais que tu me préviennes un peu plus tôt quand tu décides de passer une soirée avec tes copines !", alors que le lieu de la souffrance se situe du côté de l'amour. Peut-être cela tient-il au fait que la fraternité, l'égalité, le partage sont devenus des valeurs majeures dans la mythique des jeunes couples, l'engagement étant considéré comme relatif et l'amour ne pouvant être revendiqué.
Le choix de l'outil de culpabilisation se fait donc, semble-t-il, plus en fonction du modèle culpabilisant qu'a subi celui qui exprime ses frustrations qu'en fonction de ce qui est réellement en cause dans le conflit. Cela rend la situation encore plus opaque puisque celui qui est visé peut ainsi ne pas comprendre le problème ou faire semblant de ne pas le comprendre.
Menacer d'un retrait d'amour
C'est toujours le fait du type maternel [de culpabilisation]
[...]
Et les bouderies...
Le type paternel [de culpabilisation] fait toujours appel à un tiers (la morale, l'engagement, la parole donnée, la norme psychologique ou médicale, etc.) ...
A l'évidence, le couple est le lieu idéal pour obtenir de la part de son partenaire des réactions sadiques.
... Freud disait : "C'est toujours le sentiment de culpabilité qui transforme le sadisme en masochisme."
... la relation culpabilisant-culpabilisé peut s'érotiser. Dans certains couples, la moindre scène de reproches est comprise comme un jeu préliminaire à une relation sexuelle, chacun sachant que la réconciliation se fera sur l'oreiller. Il y a donc parfois une jouissance à culpabiliser l'aitre et une jouissance à être culpabilisé.
Le produit de l'éducation est ce qu'on appelle la socialisation, à savoir la capacité d'intérioriser les limites à ne pas dépasser, d'adopter des comportements souhaitables ou attendus d'un adulte, pour autant qu'il veuille rester dans le cadre de la société qui l'accueille.
La culpabilisation nous structure. Elle offre une sorte de pilier mythique qui crée un certain nombre de convictions sur ce qui est bien ou mal, en sachant que notre libre arbitre jouera d'autant mieux que l'on disposera de repères clairs que l'on pourra décider de suivre ou de transgresser. Cette culpabilisation éducative ou éducation culpabilisante, au choix, joue également dans le rapport que nous instaurons avec les autres : rapport altruiste, égoïste.
Quant aux thérapeutes, qu'il me suffise de reproduire la réponse que l'un d'entre eux, psychanalyste, fit à une patiente qui lui exprimait son souhait d'interrompre le traitement : "Tout le monde n'est pas analysable." L'effet culpabilisant de ces mots, qui masquaient difficilement une déception, n'a pas échappé à la patiente.