Citations de Robert Neuburger (138)
La culpabilisation paternelle engendre la capacité à s'engager. Cela correspond à l'intériorisation de la Loi. On peut se sentir responsable de ses actes, être apte à respecter les engagements, en particulier celui qui correspond à la décision de s'engager dans un couple, à respecter la parole donnée.
La différence entre les deux types de culpabilisation est bien illustrée par les deux propositions suivantes : "Si tu me quittes, je te tue" (culpabilisation paternelle) : "Si tu me quittes, je me tue" (culpabilisation maternelle).
La fonction ultime d'une thérapie est de relier le sujet à lui-même, donc de lui redonner sa dignité d'être humain, ce qui se confond avec la notion de liberté, qui signifie à son tour la capacité de choisir son destin et non d'être guidé par lui.
Comme le dit la philosophe Hannah Arendt, "la dignité de l'homme exige qu'il (chaque être singulier parmi nous) soit vu sans sa particularité et perçu, en tant que tel, comme le miroir du genre humain". Chaque cas rencontré est donc particulier, il est une petite énigme qu'il convient de déchiffrer.
... le véritable enjeu des psychothérapies : lutter contre l'idée du destin irrémédiable que serait une "maladie psychique", montrer que tout symptôme, pour autant qu'on veuille l'entendre, est un langage et, je le répète, a un sens et une fonction pour le sujet qui en témoigne - et pour lui seul.
Il est des situations où l'on sent que la neutralité du psychothérapeute n'est pas du côté du silence. Être neutre ne signifie pas nécessairement ne pas intervenir, surtout quand on sent qu'une grande fragilité psychologique peut mettre quelqu'un en péril. Un rappel à la réalité peut avoir un impact chez quelqu'un qui est trop dans un monde imaginaire, au point de s'y enfermer et de se mettre en danger. Entrer dans le rêve est relativement facile, en trouver la sortie est plus ardu...
Vous savez, les enfants de gens très perturbés sont en général hypernormaux.
De façon générale, la peur de ne pas être normal est une source d'angoisse fréquente. Mais qu'est-ce qu'être normal ? Le fait de répérer, chez Sophie, qu'un parcours de vie atypique ou chaotique, voire un passé de violence, a pu développer chez elle des capacités de résilience et des compétences hors du commun n'en fait pas un être anormal. Bien sûr, un trajet de vie inhabituel, des traumatismes, par exemple, peuvent être des obstacles pour communiquer avec des personnes ayant un passé plus ou moins violent. Si thérapie il y a, et je pense que cela est justifié dans le cas de Sophie, le but en sera moins une normalisation, pour ne pas dure une banalisation, qu'une meilleure aptitude à vivre ses qualités propres et à se sentir enfin heureuse. Le passé ne doit pas être oublié, certes, mais il ne sert à rien de vivre dans le passé.
Les patients expriment souvent leurs angoisses sous une forme qui ne comporte pas de solution, et c'est la raison pour laquelle ils tournent en rond.
Les victimes de la vie
Si le névrosé a tendance à crée son propre malheur, il y a ceux à qui la vie n'a pas fait de cadeaux, tous ceux qui ont été ou qui sont confrontés à des injustices, à des violences, des humiliations, à des traumatismes. Pour ceux-là, l'urgence n'est pas de se comprendre -car, à ce niveau, ils n'ont pas de difficultés-, mais plutôt de trouver ou retrouver une dignité d'humain, une reconnaissance de leur valeur. Le silence du thérapeute, dans ce cas, n'est plus un signe de neutralité. Il s'agit de montrer que l'on a reconnu leurs blessures. Cette reconnaissance peut se concrétiser par des propositions pratiques allant dans le sens d'une restauration de la dignité de ces victimes de la vie.
Mon sentiment est qu'il est difficile, voire dommageable de cumuler des thérapies [de couple, individuelle...].
Le couple, c'est comme la Bourse : si l'on investit peu, on n'a aucune chance de gagner, mais si l'on investit beaucoup, on risque de perdre ! Ici, les deux cas de figure sont illustrés par des rencontres avec des couples en souffrance du fait de leur couple et des hommes, des femmes souffrant d'un manque de couple...
Il semble donc que l'on puisse souffrir du couple aux deux bouts : par manque et par trop-plein ! Cela n'en fait pas moins une institution passionnante et fragile... ou passionnante parce que fragile.
Joséphine [une patiente]. Je me suis sentie un peu soulagée après la séance, mais rien de plus. En fait, j'étais intimidée par le docteur Neuburger et je n'ai pas pu lui dire tout ce que j'avais envie de raconter. Bien sûr, il a éclairé mon problème, même si je savais déjà d'où il venait. Au final, cela ne m'a pas tellement aidée. Il m'a donné les coordonnées d'un autre psy, mais je n'ai pas encore fait la démarche. J'y réfléchis. Je verrai plus tard.
Vous savez, ce qu'il y a de plus difficile pour tout le monde, c'est de renoncer à ce que l'on n'a pas eu.
... intérêt de considérer un symptôme [...] à la fois comme un problème, puisque source de souffrance, mais aussi comme une solution. Un symptôme se présente comme des poupées russes : il y a l'apparence puis, en arrière-plan, des problématiques qui s'enchaînent. Pour Isabelle, en surface, la peur d'un nouvel abandon, et, plus en profondeur, l'expression d'une rage légitime, véritable "antidépresseur", qui démontre la capacité que cette jeune femme a à rebondir face à une situation vécue comme injuste et violente, en l'occurrence cette trahison de la part de son ancien ami.
Vous savez, le contraire de la dépression, c'est la rage. Et c'est mieux.
1. Les névrosés sont le sel de la terre
On appelle les névrosés le "sel de la terre", car ce sont les êtres au monde qui sont le moins suffisants, le plus disposés à se remettre en question et à questionner ce qui les entoure. Ce sont ceux à qui l'on doit les plus belles créations littéraires, artistiques, scientifiques, et ce, malgré (ou grâce à) leurs souffrances. Pour eux, les psychothérapies et principalement la psychanalyse sont une aide considérable afin qu'ils puissent s'entendre, se retrouver, s'estimer, s'aimer. On peut même se poser la question : est-ce Freud qui a inventé la psychanalyse, ou est-ce la première patiente qui lui a fait comprendre l'écoute dont elle avait besoin ? Les onze "premières séances" ici rapportées en témoignent.
Mais une question se pose : pourquoi plusieurs enfants ?
Effectivement, si certains conçoivent qu'une famille puisse ne contenir qu'un seul enfant, d'autres ne peuvent imaginer une famille si elle ne comporte pas une fratrie. Pourquoi une fratrie ?
Certaines motivations des parents sont purement narcissiques. (...) afin d'éviter une relation "fusionnelle" avec le premier ou pour avoir un enfant de sexe différent.
D'autres motivations font apparaître un désir spécifique : que l'enfant puisse acquérir un sens social, un sentiment de fraternité qui se développerait au sein d'une fratrie. (...)
Pourtant, la relation fraternelle ne paraît guère être le lieu où on l'observe le plus de fraternité, où elle est le plus évidente.
Si la fraternité ne semble pas exclue des relations fraternelles, on observe bien plus souvent une gamme de sentiments qui vont de l'indifférence feinte ou vraie à la jalousie, à l'envie, au désir d'exclure, voire de faire disparaître ou tuer l'autre.
Ou inversement, des liens d'amour qui n'ont rien de "fraternel" dans leur nature, où le sexuel le dispute au passionnel.
Les enfants nous témoignent quotidiennement que le sens de la fraternité s'acquiert plus souvent avec les camarades d'école plutôt qu'en famille, avec les frères et sœurs. (...)
Une banale tromperie est dangereuse justement parce que banale et banalisant le couple, mettant en doute sa différence, son identité.
Ce besoin de reconnaissance dans une identité sexuée est central dans ce qui nous confère un sentiment d'exister.
(...) L'un des changements actuels est l'importance de la place qu'a prise le couple dans ce processus d'acquisition d'une identité sexuée.
Il semble que le groupe d'hommes ou de femmes auquel chacun appartenait remplissait ce rôle de façon plus importante dans le passé, en particulier du fait de la sexualisation des professions. On pouvait se sentir exister en tant qu'homme parce que l'on était médecin ou plombier et en tant que femme parce que l'on était infirmière ou institutrice.
En raison de l'introduction d'une égalité dans le choix des professions, cet élément ne joue plus un rôle majeur, il est même de moins en moins important.
De ce fait, il revient essentiellement au couple de nous soutenir dans ce processus qui peut s'avérer vital.
Le support de ce que chacun attend de son ou sa partenaire ne se résume donc pas à l'expression d'un désir sexuel. Non pas que l'exercice d'une sexualité plaisante pour les deux partenaires soit négligeable, mais ce n'est pas suffisant.
Chacun attend un ensemble de comportements qui signifient que l'autre nous reconnaît dans notre identité sexuée. On peut appeler cela la séduction. (...)
Séduire, du latin seducere, c'est conduire à soi. Mais il y a plusieurs façons de conduire à soi. Ici, il s'agit de montrer du respect, de la considération, des attentions, une valorisation, bref de témoigner dans ses comportements que l'on reconnaît l'autre et le renforce dans son identité sexuée.