- En résumé, n'est-ce pas, vous n'êtes bonne à rien !
- J'en ai peur, gémit la pauvre Hélène.
- Bon, ce point nettement établi, la route à suivre est toute tracée…
- Vraiment ? dit Hélène.
- Sans doute ! vous allez prendre la carrière politique…
- Mais…
- Puisque vous ne montrez pas d'aptitudes particulières, puisque vous ne vous sentez pas de dispositions pour autre chose ! Après tout, la carrière politique est une carrière comme une autre et même la plus commode ! c'est la plus belle conquête de 89, mon enfant !... Avant la grande Révolution, on n'avait pas cette ressource, et quand on manquait d'aptitude pour un art, une science ou un métier quelconque, dame, on restait forcément Gros-Jean comme devant !… Maintenant, cette bonne politique est là, qui tend les bras à ceux qui ne pourraient réussir dans une autre carrière…
Toutes ces prétendues conquêtes, nous les voyons rejetées l'une après l'autre, au nom du vrai progrès, lequel doit avoir pour but, avant tout, le vrai bonheur de l'homme et le réel embellissement de la vie, bonne et simple vérité trop longtemps méconnue ou perdue de vue.
— Revenons à notre affaire, reprit Philox Lorris voyant que la conversation menaçait de s’égarer, les trop grandes agglomérations humaines et l’énorme développement de l’industrie ont amené un assez triste état de choses. Notre atmosphère est souillée et polluée, il faut s’élever dans nos aéronefs à une très grande hauteur pour trouver un air à peu près pur.— Vous savez que nous avons encore à 600 mètres au-dessus du sol, 49 656 microbes et bacilles quelconques par mètre cube d’air.— Nos fleuves charrient de véritables purées des plus dangereux bacilles, dans nos rivières pullulent les ferments pathogènes ; les établissements de pisciculture ont beau repeupler régulièrement tous les cinq ou six ans fleuves et rivières, les poissons n’y vivent plus ! Le poisson d’eau douce ne se rencontre plus que dans les ruisselets et les mares au fond des campagnes lointaines. Hélas, il y a encore une autre cause à notre triste dépérissement ; elle tient aux mœurs modernes et aux universelles et impérieuses nécessités pécuniaires, tourment de notre civilisation horriblement coûteuse.
L'Électricité, c'est la Grande Esclave. Respiration de l'univers, fluide courant à travers les veines de la Terre, ou errant dans les espaces en fulgurants zigzags rayant les immensités de l'éther, l'Électricité a été saisie, enchaînée et domptée.
C'est elle maintenant qui fait ce que lui ordonne l'homme, naguère terrifié devant les manifestations de sa puissance incompréhensible; c'est elle qui va, humble et soumise, où il lui commande d'aller; c'est elle qui travaille et qui peine pour lui.
À six heures un quart les opérations commençaient.
La mobilisation avait donc demandé une heure quinze minutes, ce qui était un beau résultat, le précédent essai ayant pris une heure dix-huit minutes.
Les officiers de l’escadre aérienne faisant virer leurs hélicoptères regagnaient rapidement leurs postes ; on vit aussi une nuée d’éclaireurs torpédistes à marche accélérée s’élancer en avant en décrivant une sorte d’éventail dans le ciel et disparaître bientôt perdus dans les lointaines vapeurs. Derrière, les grosses aéronefs, sur une seule ligne, dont les intervalles s’élargissaient de plus en plus de façon à embrasser le plus possible d’horizon, marchaient plus lentement, toutes prêtes à pivoter sur un point au premier signal, dès que l’escadrille ennemie serait aperçue.
Les forces terriennes pendant ce temps-là s’étaient ébranlées aussi, un train spécial du tube transportait quelques bataillons de mitrailleuses jusqu’au trentième kilomètre, où le tube était censé coupé par des éclaireurs ennemis.
Le premier contact était pris ; les éclaireurs repoussés, l’ennemi fut signalé en train de se concentrer à 16 kilomètres de là. Les bombardes roulantes électriques arrivant par les routes de terre à 10 h 45 commencèrent l’attaque en refoulant les bombardes ennemies.
- Enfin, ma chère Hélène, jurisprudence à part, vous voici bachelière ès lettres et ès sciences !
- Oh ! Vous savez qu'il n'est pas bien lourd, le bachot ès lettres. Pour faciliter et abréger les études littéraires, on a inventé les cours de littératures concentrées... Cela ne fatigue pas beaucoup le cerveau... Les vieux classiques sont maintenant condensés en trois pages...
- Excellent ! Ces vieux classiques, ces scélérats grecs et latins ont donné tant de mal à la pauvre jeunesse d'autrefois !
- L'opération qu'on leur a fait subir les a rendus inoffensifs, tout à fait inoffensifs : chaque auteur a été résumé en un quatrain mnémotechnique qui s'avale sans douleur et se retient sans effort... Voulez-vous la traduction concentrée de l'Iliade avec la notice sur l'auteur ?
La voici :
HOMÈRE, auteur grec. Genre : poésie épique. Signe particulier : aveugle.
Sous les murs d'Ilion, dix ans passés, hélas !
Les Grecs ont combattu, conduits par Ménélas,
Ulysse, Agamemnon et le fils de Pelée.
Hector, fils de Priam, périt dans la mêlée.
les tours de Notre-Dame, la vieille cathédrale, surmontées d’un transparent édifice en fer, simple carcasse aérienne de style ogival comme l’église, portant, à 80 mètres au-dessus de la plateforme des tours, une seconde plate-forme avec bureau central d’aéronefs omnibus, commissariat, restaurant et salle de concert de musique religieuse.
A peine eut-elle commence à frotter cette lampe, qu'en un instant, en présence de son fils, un génie hideux et d'une grandeur gigantesque s'éleva et parut devant elle