Citations de Rose M. Becker (129)
- Pose ton bouclier, Billie.
- Je…
- Laisse-toi aller…
– Oui, j’ai pris tes dessins en même temps. Il ne reste que le matériel là-haut, des choses qu’on peut remplacer.
– Elio, c’est de la folie !
– Je sais que rien ne compte davantage que ton travail. Tu es une artiste jusqu’à la moelle, Elena.
Je secoue la tête.
– Bien sûr qu’une chose compte plus que mon travail : toi !
Je sens son cœur cogner contre ma poitrine, à toute allure. Comme moi, il est encore sous le choc.
– Tu vaux plus que quelques bouts de papier !
Et nos lèvres se joignent tandis que je l’embrasse passionnément, intensément, éperdument – comme une femme qui a failli perdre l’homme qu’elle aime.
Je devine la joie, la peur, le soulagement, la confusion mêlés. Une seconde plus tard, j’aperçois son magnifique visage… en trois exemplaires.
Trois fois plus d’Elio ? Je ne vais pas me plaindre !
Le temps de quitter l’appartement, de monter dans l’ascenseur et d’embarquer dans la voiture, trente minutes se sont écoulées. Je suis sur les rotules. J’ai l’impression de garder une classe de maternelle déchaînée par un visionnage intensif de Dora l’exploratrice. Sauf que je m’occupe de deux grands dadais alcoolisés. Et ils ne me rendent pas la tâche facile. À peine ai-je fourré Alice sur la banquette que Luca tente de s’échapper, prétextant avoir oublié un truc chez son ami.
Nos regards se croisent dans la semi-pénombre au moment où il freine à un feu rouge. Sans doute a-t-il reçu des ordres précis de son employeur. Me déposer chez moi saine et sauve. Je le fixe, suppliante. Mes yeux ressemblent à deux flaques d’eau alors que j’entrelace mes doigts en une prière muette. Visiblement ému, il secoue la tête et finit par lâcher un gros soupir. Les yeux du Chat potté, ça marche toujours.
Après l’exposition et ma rupture avec Elio, je suis directement rentrée à mon appartement. Enfin… peut-on parler de rupture pour une relation qui n’a jamais vraiment commencé et qui n’était pas officielle ? Je n’ai pas pensé à regarder dans Le Guide des histoires foireuses.
Il ne semble pas agressif. Plutôt pugnace, ce qui est infiniment pire ! Il ne doit pas être du genre à lâcher sa proie lorsqu’il la tient entre ses mâchoires. Et sous ses dehors décontractés, je devine le journaliste opiniâtre, prêt à tout pour obtenir un scoop.
Je ne pose jamais une question dont je connais déjà la réponse.
Elles sont nombreuses, les petites arrivistes aux dents longues dans votre genre. Elles n’hésitent pas à user de leur charme pour attirer un homme puissant dans leur lit, puis elles le piègent et tentent de lui soutirer de l’argent par tous les moyens.
Jamais je n’aurais eu une aventure avec Richard si j’avais su qu’il n’était pas en instance de divorce et ne comptait absolument pas quitter son épouse. Comme une idiote, j’ai gobé tous ses mensonges à l’époque. Je n’étais qu’une maîtresse de plus sur sa liste. Éblouie par son charisme, fascinée par son ascension, je n’étais pas encore immunisée contre les hommes de pouvoir – une caste que j’ai prise en horreur depuis cette histoire sordide.
Profil patricien, coupe courte et gonflée digne de Jacky Kennedy, minceur de mannequin… elle est la nouvelle coqueluche des médias, qui voient en elle la première dame idéale. Elle est aussi la femme que j’ai rendue cocue à mon corps défendant.
J’aimerais lui sourire, mais je parviens seulement à grimacer, les yeux humides. Il est en train de forcer mes défenses, il est en train de faire tomber le barrage si soigneusement érigé au fond de ma mémoire. Avec ses mains trop douces, ses yeux trop tendres, sa voix trop persuasive, il entre dans mon territoire.
Il règne une ambiance électrique dans la classe à l’approche de l’examen qui sanctionnera notre cycle d’études. Tous les élèves ne parlent que de ça. Et je ne peux pas donner tort à madame Johnson. Simplement, le thème imposé me déstabilise. L’érotisme. C’est si intime, si personnel. Non que je manque d’inspiration – ce serait plutôt le contraire… à cause d’Elio. Simplement, j’ignore comment me dévoiler.
Je sais qu’elle m’aime bien… mais qui aime bien châtie bien.
L’endurance humaine a ses limites. Je préfère lire le dernier Stephen King et dormir, à demi assommée par les antidouleurs.
– Je t’aime plus que tout…
Ces mots me transpercent comme des flèches. Non, non, je dois être en train de rêver. L’esprit au ralenti, je reste paralysée par son aveu, par la douleur, par le choc. Je flotte toujours entre deux mondes sans savoir si cette scène est réelle. Je ne sais plus rien. À part qu’il caresse mon visage, mes cheveux. À part qu’il est là pour moi, comme personne avant lui.
Le désir grimpe, grimpe. Comme la température.
Ce n’est pas parce qu’un phénomène est inexpliqué qu’il n’existe pas, qu’il est impossible.
Curieusement, moi et les blouses blanches n’avons jamais été très copains. Je ne jure que par la phytothérapie, persuadée que les plantes sont plus efficaces que ces médicaments dont certains laboratoires veulent nous gaver. Je préfère encore manger des tiges de fleurs que gober ces petites pilules de toutes les couleurs. D’autant que je fais très attention à mon hygiène de vie – pas d’alcool, pas de cigarette, un peu de sport (un peu, hein, un tout petit peu), et une alimentation végétarienne. Parce que j’aime trop les animaux pour les manger. Mon seul péché mignon ? La caféine. J’avoue, je suis accro.
Je soutiens son regard arctique. Cela doit cesser. Tout de suite. Avant que je ne perde un peu plus le contrôle. Avant que mes sentiments naissants ne deviennent trop puissants. Parce que je suis en train de tomber amoureuse, de baisser ma garde. Parce qu’il est en train de percer ma cuirasse. Parce que je viens de franchir la ligne blanche, celle qui m’expose et me met en danger.