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Critiques de Sami Tchak (30)
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Ainsi parlait mon père

Découverte merveilleuse de cet écrivain-sociologue togolais....pleine d'amour pour son père , relatant toutes les paraboles, fables, conseils qu'il prodigua à son fils, dans la forge de son enfance. L'unique forgeron du village, infirme, boiteux... mais rempli de sagesse et d'humour...et si fier de son garçon, devenu très instruit et écrivain !!



"Va, Abou, va , mon fils, jusqu'au bout du monde. Mais où que tu ailles, où que tu t'installes, n'oublie pas ce village où tu es né, n'oublie pas cette forge, notre forge, qui fut le lieu de tes apprentissages (...), n'oublie pas les premières paroles qui ont fait nid dans ta tête et dans ton coeur. Va, mon fils, va, mais en esprit, reste arrimé à ton passé. Tu danseras d'autant plus fièrement même dans la tempête que tu seras à la fois aérien et enraciné. (p.8)"



A la fois attirée par la simplicité lumineuse du titre et le quatrième de couverture très explicite quant aux thématiques. Hommage absolu de l'auteur à son père. Premier fils de sa famille à savoir lire, et écrire, à poursuivre des études... les terminant à Paris par un doctorat de sociologie...



Une petite pépite que cet ouvrage où nous abordons frontalement le choc des émotions, comme le choc des cultures...



" Je suis un ignorant. Mais, chaque fois que je me rappelle que tu es mon fils, je me sens riche de ton immense savoir acquis à l'école et sur les sentiers du monde. Cependant , Aboubakar Sadamba Tchakoura, tu ne deviendras réellement, à ton tour, mon père que si, de cet immense savoir,

tu parvenais à m'offrir la clé d'une énigme : où vont les larmes des poissons ?" : ainsi parla mon père pour se moquer de tous les livres que j'avais exposés sur ma table, dans ma chambre, au village, au cours de ce mois de vacances. " (p. 53)



Un texte qui peut paraître répétitif...avec trois parties distinctes: la première ressuscitant la PAROLE du Père, chaque anecdote, souvenir, fable, racontés, se terminant par "Ainsi parla mon père..."; la seconde partie donne la parole à l'auteur, cette fois, s'adressant à son propre fils, la précieuse transmission paternelle continuant à cheminer...et s'intercalent souvenirs, réflexions , questionnements personnels, enthousiasmes littéraires , passion absolue pour les livres de Sami Tchak .



"Tous ces livres qui, dans ma bibliothèque, ignorent comme je les aime ! Ou peut-être, n'ont-ils pas besoin de se savoir aimés, ils se suffisent à eux-mêmes. Enfin, pour eux, je gravirais La montagne magique de Thomas Mann, et, une fois au sommet, même si une maladie là-bas m'empoignait, je pourrais crier que grâce aux livres je vole, m'envole, en étant solidement

arrimé à ma condition de mortel insignifiant. "(p. 246)



Tous les sujets de l'existence sont abordés: La Vie, la Mort, la transmission de la Parole,le savoir, la religion, la foi, la fraternité, le racisme, l'avenir de la planète, Le Progrès... la Famille, l'amour paternel et filial, etc.; parallèlement à ces leçons de vie paternelles, on se familiarise avec les usages et coutumes du Togo, où les esprits des morts ainsi que la sorcellerie

sont en bonne place dans les rites du quotidien !...



Un hommage filial bouleversant, émotionnant, à maints égards... dont cette complicité étonnante et admirable du Père, lorsque le fils-écrivain lui fait partager ses lectures, tant littéraires que philosophiques, le père participe allègrement, partage et se réapproprie ces nouvelles connaissances apportées par le fils....



Ce père courageux, forgeron de son état, souvent humilié car infirme, boiteux, ... mais aussi à cause de l'absence du fils quelques années, ce dernier étant considéré comme indésirable, car il était en désaccord avec le pouvoir politique en place...On s'en est donc pris au Père...qui

vaillamment continua à vendre les objets qu'il forgeait, avec à côté, fièrement, les livres écrits par son fils.!!...



Celui-ci lui offrit deux pélèrinages à La Mecque, il ne reviendra pas du second. Il mourut, surpris dans sa prière...Ce qui fait dire au fils... que si l'existence de son père a été parsemé d'épreuves et de douleurs, il aura réussi magnifiquement "sa mort", son départ... !



Subsiste un gros nuage sombre persistant pour l'écrivain: autant il adula son père-forgeron, qui fut pour lui un vrai sage, autant il ne sut pas aimer sa mère....décédée prématurément...

Leur relation restera malheureusement froide et inachevée....



"Le feu de la forge de mon père ne s'éteint pas dans ma mémoire. Mon village, si minuscule, est devenu ma lucarne pour regarder le monde. "(p. 107)



Cette lecture restera un moment fort d'émotions et de plongée dans un univers mental et géographique, des plus dépaysants... même si l'ensemble des questionnements, analyses, observations , offert reste UNIVERSEL!!

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Place des Fêtes

Place des fêtes, c’est un long réquisitoire contre… contre quoi? Eh bien, tout et rien. La vie en France pour un fils d’immigrants africains? Non, pas vraiment. Enfin, peut-être un peu. Contre l’idéal du retour au pays d’origine? Et encore. C’est la diatribe d’un type qui se raconte, qui s’exprime. Qui parle avec ses tripes. En effet, il en a beaucoup à dire et tout sort comme ça vient, à grands coups de « putain ». C’est que ce mot est partout. D’ailleurs, on le retrouve en tête de chacun des quelques septante chapitres qui composent son bouquin. Mais aussi dans le corps du texte, le ponctuant.



Depuis tantôt, j’écris « il » et « son bouquin ». De qui s’agit-il? Difficile à dire, l’identité du narrateur demeure un mystère. Est-ce l’auteur Sami Tchak lui-même? Peut-être. Dans tous les cas, il nous titille à ce sujet. « Je vous ai déjà dit mon nom? Très bien. Quel vilain nom! » (p. 11). Fils d’immigrants togolais, dans tous les cas.



Ainsi, il commence son histoire avec sa « putain » de vie en France. Sa famille, le clan au complet avec les cousins et cousines, leur situation, le racisme, les Blancs, etc. Bref, le genre de propos qu’on a déjà lu chez Mabanckou, Monénembo et tant d’autres, les grossièretés en plus. Ceci dit, ce langage cru et vulgaire qui ne m’interpelle pas en temps normal, eh bien, ici, dans Place des fêtes, non seulement il ne me dérangeait pas mais je le trouvais étrangement approprié. Mieux, il donnait un rythme à la lecture. Ça et tous ces chapitres brefs (de deux à six pages environ, rarement plus).



Ceci dit, n’allez pas croire qu’il s’agit d’un réquisitoire contre la France et la pauvre condition des Noirs. Tout n’est pas mal. Et heureusement parce que, ça aurait été assez lourd. Je veux bien croire que la vie des immigrés n’est pas facile et qu’il est important de le faire savoir. Peut-être pas s’éterniser en longueur, toutefois. Le narrateur aborde des sujets aussi variés que la banlieue, les promenades au bois, les ruptures, les relations avec les Arabes et les Juifs, etc. De plus, les siens ne font pas figure de martyrs : ils sont en partie responsable de leur sort (en particulier ses cousines), ils fuguent ou tombent enceinte, prennent des mauvaises décisions, empirent leur cas.



Aussi, la vie au Togo (ou dans d’autres pays d’Afrique) en prend un coup et n’est pas montré sous un jour meilleur. Le narrateur est assez lucide pour s’en rendre compte. Il dénigre son père attaché à des traditions dépassées qui ne signifient rien aux yeux du narrateur qui a grandi en France. « Pauvre papa! Maintenant loin de l’Afrique, il prétend que l’Afrique, c’est le paradis, c’est l’éden et tout le charabia idiot […] » (p. 17). Ce père, il voudrait que ses enfants retournent au Togo, dans leur pays natal, celui de leurs ancêtres. Mais ce n’est plus leur pays : la France joue ce rôle maintenant. Ce n’est peut-être pas mieux, mais il est trop tard pour revenir en arrière. « Tu nous as largué dans cette impasse d’où nous n’avons pas les moyens de nous tirer même quand la gueule de l’agonie fonce sur nous un char en Tchétchénie. » (p. 21)



Cette comparaison est claire. Aussi, elle donne le ton. C’est un exemple parmi tant d autres de ce style si vif, si incisif et percutant qui a su capter mon attention et la garder pendant cette lecture. Je suis maintenant curieux du reste de l’œuvre de Tchak.
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Le continent du Tout et du presque Rien

[Choisi ce lundi 15 novembre 2021- Librairie Caractères / Issy-les-Moulineaux ]



Un nouvel ouvrage que je débute avec grande curiosité, de cet auteur togolais, après un premier coup de coeur pour son récit autobiographique, « Ainsi parlait mon père », où il mettait aussi à l'honneur l'Afrique noire, ainsi que le Togo et surtout son père, forgeron, homme de bien qui a encouragé ses enfants dans la poursuite des études…Un livre bienveillant et rendant tous les honneurs et la reconnaissance à ce père, figure positive et inspirante…lui racontant les légendes, les fables de sa terre natale…



Là, notre écrivain se met dans la peau d'un Blanc, ayant étudié, allant observer et analyser les comportements des Africains, afin de rédiger un doctorat…récit des plus déroutants qui mélangent des grandes figures réelles de l'anthropologie, de l'ethnologie et d'autres inventées… de même pour les écrivains africains et artistes européens, ayant été inspirés par le continent Afrique. Une mine d'informations et d'auteurs à lire, pour prolonger cette immersion togolaise !



Un ENCHANTEMENT que la première moitié de ce roman incitant à de multiples questionnements, et à travers le parcours d'un jeune ethnologue, Maurice Royer, marqué par la lecture, à seize ans , de « L'Afrique ambiguë » de Georges Balandier… nous découvrons « une » Afrique plurielle, avec la mise en abîme de l'ambiguïté de tout regard ethnologique ! Et de tout regard de « Blanc » !...



Un roman où nous suivons dans la première partie, le périple et les recherches progressives de ce jeune ethnologue, Maurice Royer, qui nous raconte ses aventures, ses lectures, ses observations quotidiennes vécues dans un petit village du Togo. Il y restera plus de deux années. Les deux figures puissantes qui marqueront son séjour : le chef du village, et l'Imam, l'étranger qui a été bien accueilli par le chef du lieu, car cet imam, ayant fait des études universitaires à Paris, apporte avec lui tout un prestige, rejaillissant sur ce village. Vivant assez reclus avec sa femme et sa fille, il est respecté, écouté, mais reste toutefois, à l'écart, par sa manière de vivre, et reste donc un Etranger, comme notre jeune ethnologue… qui apprendra à connaître cet imam, celui-ci devenant son ami. Cet imam, un sage… et un personnage qui marquera à jamais « notre » ethnologue.



Dans cette fiction alternent à ses observations, expériences vécues, des lettres écrites à son mentor, le célébrissime anthropologue, Georges Balandier…qui lui prodigue conseils et avis sur la complexe tâche et responsabilité morale de l'Observateur, du travail d'analyse d'un ethnologue : l'occasion de parler des méfaits de la colonisation qui pervertit les jugements, les appréciations. . le racisme, la difficile pénétration et compréhension d'une civilisation totalement « autre »…



Ce roman se divise donc en deux parties : la première, très vivante, où on évolue avec ce jeune étudiant blanc, partant vers Tiédi, où en brefs chapitres, il narre ses découvertes, ses mésaventures, joies et déceptions au quotidien…ses rencontres, sa progression dans ses recherches et ses notes, ou au contraire, se retrouvant dans une stagnation intellectuelle…



La seconde partie, est nettement plus austère , éclatée et désabusée , que j'ai trouvée personnellement plus frustrante de par trop de discours et de polémiques, alors que la première partie déborde de vie, par la description des traditions, usages, la vie communautaire régie par des rituels déroutants, tour à tour, pleins de sagesse ou de cruauté (auxquels les femmes sont malheureusement les premières victimes) ; notre jeune apprenti-ethnologue, revient en France, rédige sa thèse sur les Tèdiens, poursuit ensuite une carrière universitaire, où , à son tour, il « dirige » des futurs thésards, étudiants blancs et africains, mélangés…



Ce séjour africain l'aura marqué définitivement, à tel point qu'il choisira de ne pas y retourner, souhaitant certainement conserver l'intensité vécue de cette expérience de sa jeunesse !



Un patchwork de questionnements, d'interrogations, de doutes, de pessimisme en constatant les barbaries commises au nom de la « colonisation », les images imprécises, folkloriques ou réductrices de ce continent africain, que tout un chacun fantasme !

… s'ajoutent dans cette seconde partie les pensées de notre « ethnologue » vieillissant, Maurice Royer, faisant le bilan de sa carrière de chercheur et d'enseignant, sa vie intime, le temps qui passe…ses amitiés, les dissensions de perception quant à l'Afrique avec ses confrères et à cette « profession » si ambivalente d'ethnologue… Est sous tendue une mise en garde constante, « éternelle » de risque d'arrogance du Blanc sur l'homme de couleur !...



Passionnée, captivée par l'ethnologie depuis très jeune, j'ai lu avec d'autant plus d'attention l'esprit très critique de l'auteur quant à cette science, qu'il fait transparaître très vivement dans le prologue…



« (...) En vérité, l'ethnologie faisait partie des barbelés spirituels que nous avions dressés autour des peuples dominés, nous les avions enfermés à l'intérieur de nos systèmes des savoirs qui portent l'ombre de notre vision positiviste et hiérarchisée des civilisations. L'ethnologie est la forme élégante de notre domination intellectuelle sur les autres."

"je ne sais pas si je t'ai compris, mais je vais tenter de résumer ce que tu viens de m'expliquer: tu as fait partie, par ce que tu as considéré comme une science, l'ethnologie, d'une armée d'hommes et de femmes de bonne foi qui s'en allaient au loin étudier les autres pour montrer que leur humanité valait la nôtre, que notre universalité n'était qu'une forme des universalités possibles, que les autres, que nous cherchions à comprendre, appartenaient à la même Histoire humaine que nous. Ce que j'ai compris, papa, c'est que ta science, l'ethnologie, a été une forme d'humanisme au coeur du mépris que nous avions eu pour les autres.

Ses mots m'émurent mais moi je savais ce que je savais : l'ethnologie est fille de la verticalité coloniale et elle a débouché au mieux sur un humanisme ambigu. » (p. 12)



Moment de lecture très fort, même si mon ressenti est au final assez « mélangé »… Je reste toutefois très curieuse des autres écrits de cet auteur-romancier-sociologue… le prochain ouvrage de cet auteur que j'aimerais aborder est « La Couleur de l'écrivain « …





******N.B : Une précision que j'ajoute après avoir fait des recherches complémentaires sur les autres écrits de Sam Tchak… J'ai découvert que la première partie de ce roman a eu une première version publiée en 2013, par un autre éditeur, intitulée « L'Ethnologue et Le Sage »…

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Les fables du moineau

Fables racontées par un oiseau (Tchichika) et garçon (Aboubakar) ayant fait un pacte de ...souvenirs.

On s'imagine très bien assis sous ce baobab, écoutant un griot nous contant des historiettes sur le monde animal, la vie, la mort, la nature, et le cercle infernal et impitoyable de la chaine alimentaire.

Je regrette d'avoir lu ce livre si vite. Je vais donc le garder à porter de main et picorer de temps en temps une de ces petites tranches de vie, afin d'en savourer un peu plus la philosophie.

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Les fables du moineau

Pouvons nous écouter la voix du moineau.

Il nous chante un apologue de la vulnérabilité de l'être vivant.

Brutale ou insidieuse, la mort impact, s'entremêle à la vie.

La violence omniprésente de l'homme sur l'homme mais surtout sur le royaume animal dont il fait parti, peut-être l'a t-il oublié.

Pourtant l'expérience infantile inscrit des souvenirs, des gardes-fous au sadismes enfouis. Celle-ci devrait être un avertissement face au démons endormis.

L'homme a hérité d'un royaume qu'il a désapprit, qu'il ne semble plus connaitre. Censeur des "mondes évanouis".

Il y a ces métaphores de discriminations, de racisme, de préjugés dans ce que nous raconte ce petit volatile qui se répète. Il n'a de cesse de conter la fugacité du mortel face à l'indispensable cycle de vie. Il confronte les croyances ancestrales mais si jeunes à l'échelle de la vie et du recommencement de celle-ci.

C'est une fable et sa fonction pose la réflexion de l'existence dans un temps suspendu.



Merci à la collection Continent Noir de Gallimard pour cet envoi dans le cadre de masse critique littérature.
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Filles de Mexico

J'ai été extrêmement dérangé à la lecture de ce livre. Certaines situations de l'auteur-narrateur sont à la limite de la pédophilie. J'ai bien compris la démarche artistique de l'auteur, qui en plus de décrire la façon dont la mort est partout présente avec sa cohorte de misères, pauvreté et ignorance, elle est contrebalancée par la survie, dont la sexualité débridée. J'ai compris par la fin que l'art était censé nous permettre de garder espoir. C'est très vrai. Mais je n'adhère pas dans la manière.
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Place des Fêtes

Une farce paillarde et rageuse, passant en revue les clichés racistes mis en scène et en excès...



Publié en 2001, le premier roman sous son pseudonyme de Sami Tchak du Franco-Togolais Sadamba Tcha-Koura, après deux romans sous son vrai nom, marquait une rupture risquée, brutale, farceuse, et au final bien jouissive.



Un narrateur énervé, Noir "né ici" (en France), est lancé à fond de train dans un récit autobiographique non chronologique, en forme de diatribe affectant une réelle violence (chaque court chapitre, au long des presque 300 pages, invective son sujet, son destinataire ou son protagoniste : " P... de nés là-bas !", "P... de clan !", "P... de diplômés !", "P... de villageoises !",...). Naviguant au gré des souvenirs, des anecdotes et des explications de ce combinard de génie évoluant entre Paris et sa banlieue, c'est l'occasion pour Sami Tchak de se lancer dans une aventure périlleuse, magnifique et désopilante si l'on parvient à régler sa lecture sur le "bon" degré de distance, d'humour et d'ironie extrêmement grinçante... En effet, le narrateur défend tour à tour, avec une verve et une phrase proprement terrifiantes d'efficacité, à peu près tous les clichés racistes à l'égard des Africains, en France ou au pays, les mettant en scène avec une extraordinaire conviction apparente et une intense mauvaise foi, pour des morceaux de bravoure sur la famille, les études, le sexe, la prostitution, les combines, la cuisine, la religion, la vie dans la cité, l'attachement au pays, ...



Passé un moment d'incrédulité, il faut se laisser emporter par ce flot rageur, et chevaucher cette tumultueuse farce rabelaisienne pour établir, entre les rires étouffés, la facilité avec laquelle on peut faire prendre vie et vérité à tant de lieux communs, en usant sans vergogne (et avec une maîtrise langagière impressionnante) de la déformation d'un éventuel fait réel pour, à chaque fois, en faire une immense caractéristique générale se précipitant au-devant des attentes d'un public malintentionné.



Un livre dont on sort en riant, impressionné, mais sans pouvoir écarter, malgré tout, un certain malaise, tant la dénonciation "sous faux pavillon" est exécutée avec brio...

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Le continent du Tout et du presque Rien

Difficile d’écrire une note de lecture sur tout et presque rien. Car le livre est un peu comme son titre, il parle de beaucoup de choses et n’a pas vraiment choisi un thème. Il est question d’Afrique, bien sûr, dans son unité et sa diversité, il est question de son histoire récente, la colonisation, puis la décolonisation, le développement, l’émancipation, l’émigration, la fierté de ses origines, le rejet, l’assimilation… Avec ces mémoires informelles d’un chercheur en ethnologie qui a traversé toute la deuxième moitié du XXème siècle et le début du XXIème, ce sont toutes ces questions que l’on peut aborder, et tous les regards qui ont été portés sur le continent africain pendant cette période.

Le choix de la forme romanesque est étrange car le livre est presque écrit comme une communication pour un colloque. Très écrit, bourré de références, même dans les dialogues ou les SMS (la femme qui écrit à son mari ce qu’elle lit, en citant le titre, le nom de l’auteur et les circonstances dans lesquels il lui a été offert… Elle n’est pas prête à écrire des messages de 140 caractères !), ce qui donne un caractère un peu artificiel au livre, un peu universitaire. Ce n’est pas inintéressant d’ailleurs, car cette narration colle finalement bien avec le personnage et permet donc des énumérations de spécialistes ou d’écrivains, ou bien des digressions dans des digressions, qui s’insèrent bien dans la trame de ces mémoires.

Avec ce livre, on balaie donc toutes les grandes théories et tous les discours sur l’Afrique et les Africains, ce qui est très intéressant. J’ai cependant été déroutée par l’absence d’articulation de ces discours, qui semblent un peu tous mis sur le même plan. Et en définitive, en refermant ce livre, j’ai du mal à me faire une opinion sur ces différents discours et à voir ceux qui sont les plus féconds. Le choix de la forme romanesque aurait pourtant permis cela. C’est probablement une volonté de l’écrivain de ne pas réaliser cette articulation des discours, montrant peut-être aussi ainsi qu’il n’y a pas forcément de vérité sur l’Afrique et que l’opinion que l’on peut s’en faire est probablement principalement liée au point de vue dont on l’observe. C’est cependant pour cela que c’est un livre déroutant.



Mais je vois que je ne parle pas de l’histoire… Une histoire en trois parties : d’abord la naissance de la vocation de Maurice Boyer, disciple de Balandier, puis une longue partie sur les deux années de terrain pour récolter les informations qui feront le substrat de sa thèse, et enfin une dernière partie, aussi longue que la précédente, balayant tout le reste de sa carrière universitaire sans relief et sa retraite. Encore une fois, c’est très dense. Il y a tout de la vie d’un homme, et presque rien sur lequel on s’appesantit. Et c’est dommage parce que le sujet initial, le regard que l’on porte sur l’Afrique et que l’Afrique porte sur elle-même, est dilué dans d’autres considérations sur la famille et le couple, sur la vieillesse et la mort…

C’est donc un livre qui, à mon avis, a quelques faiblesses : pas de direction claire, trop de sujets traités en même temps, un manque d’unité entre les différentes parties… Pourtant, c’est une lecture que je suis contente d’avoir faite. J’ai beaucoup appris, j’ai beaucoup réfléchi à la construction de l’identité et du discours sur l’Afrique, sur la façon dont la production du savoir s’est faite (par qui, dans quelles conditions, pour qui…) et les conséquences de cela. Le livre est très riche et mériterait, pour les passages les plus complexes une seconde lecture, plus approfondie, et probablement quelques recherches pour aller plus loin. La vision de l’ethnologie proposée par l’auteur, Sami Tchak, Africain (du Togo) et noir, à travers son personnage, Maurice Boyer, Européen (Français) et blanc, est vraiment très intéressante et remet en cause une certaine vision romantique de l’ethnologie (que j’ai moi-même eue adolescente et encore plus tard). Il ne propose pas véritablement d’alternative mais s’interroge sur la nécessité et la façon de déconstruire un formatage intellectuel qui pèse tant sur ceux qui ont produit ce discours que sur ceux qui en sont l’objet. Pour qui s’intéresse à ces sujets sans les avoir vraiment creusés, le livre de Sami Tchak sera une très bonne introduction et une bonne façon de mettre des mots sur de nombreuses questions en suspens. Il faudra certes tenter de passer outre quelques imperfections de ce livre, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Un livre discret de cet automne littéraire, qui mérite d’être découvert par ceux déjà intéressés par le sujet.



Merci aux éditions Jean-Claude Lattès de m’avoir permis de lire ce livre, via netgalley.
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Le continent du Tout et du presque Rien

C'était une lecture intéressante. Je m'attendais à un roman, et j'ai découvert une sorte de biographie. Un auteur Togolais qui parle d'un sociologue français qui a vécu au Togo.

J'ai trouvé ce postulat original.

J'ai appris beaucoup de choses sur la culture africaine, sur la psychologie du continent. Sur l'immigration, la colonisation, et ses conséquences. C'était dense, trop dense peut-être même. Par moment, j'avais une mine de noms et d'informations qu'il fallait digérer. Mais j'en ait vraiment beaucoup appris sur des concepts comme la négritude. Par cette biographie, l'auteur nous fait découvrir tout un pan de sociologie.
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Les fables du moineau

Avec l'habileté des conteurs, des griots, Sami Tchak nous présente un moineau. Pas n'importe quel moineau. Un moineau qui possède la mémoire du lieu, la mémoire et la connaissance des êtres et des populations, de la faune et de la flore. Il survole les combats et les dangers. Il évite un serpent, croise une antilope, laquelle sera mangée par un lion, qui sera pourchassé par les chiens, dont un sera sacrifié, réduit en cendre, lesquelles cendres seront utilisées... etc. On a compris le mécanisme qu'utilise Sami Tchak. Il rebondit sur chaque animal et en introduit un nouveau, dont on va suivre la course pendant un temps.



Ce moineau, petit animal insignifiant, en remontre aux autres animaux. On le trouve en fait aux prises avec les autres animaux qui peuplent la mémoire de l'auteur. La mémoire, en effet. Car on évolue dans le récit, comme dans tout "bon" conte africain. Il y a vite une dimension philosophique, existentielle, dans le récit. D'où venons-nous? De quoi sommes-nous le produit? Quand le moineau dit que sa fiente va sentir l'herbe et donc le lait de la vache qui a mangé et rendu cette herbe... se moque-t-il ou a-t-il raison?



Sami Tchak nous raconte son Afrique, son Togo, mais aussi il le fait à travers le prisme de sa mémoire. Ce n'est pas l'Afrique qu'il nous conte, mais celle de ses sens et de sa mémoire.



Le conte est cruel, il naît dans le sang et se termine dans le sang. Il est fait de mort et de souffrances, mais celles-ci laissent la place à la vie, qui cède ensuite le pas à la mort, et le cycle s'anime.



Le début m'a séduit, il est facile d'entrer dans le récit de l'auteur. Mais ensuite, cela devient confus. A mesure qu'une dimension onirique, rêvée, fantasmée s'introduit, j'ai perdu le fil. Le moineau rencontre un garçon. Ce garçon devient un homme .Cet homme semble être Sami Tchak à Paris. Avec une économie de mots qui ramène la concision d'une langue très travaillée à une dimension quasi elliptique du récit, l'auteur m'a perdu bien souvent. M'a lassé.



La postface, ou l'ajout sur Naples, le volcan et le moineau, par Ananda Devi, apporte une dimension nouvelle au récit du moineau... mais je l'ai trouvé ampoulé, pompeux, inutilement abscons et ésotérique...



Enfin, le fait que j'aie lu le livre en format électronique, avec une mise en page assez mal pensée, n'a certainement pas aidé à y entrer facilement.



Bref, une lecture lente et pénible, qui n'apporte rien de particulier.
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Les fables du moineau

Le dernier livre de l'écrivain togolais Sami Tchak, Les fables du moineau, célèbre un anniversaire, celui des 20 ans de la collection "Continents Noirs" de Gallimard, consacrée à la littérature africaine, afro-européenne et diasporique. L'ouvrage est atypique dans le sens où il ne s'inscrit pas dans un genre narratif particulier : ce n'est pas un roman, pas plus un recueil de nouvelles et encore moins un essai. Sami Tchak accumule un certain nombre de fables, sans chercher une progression dramatique, ayant toutes un rapport avec les animaux, les humains puisque nous faisons partie de cette catégorie. Des petites histoires qui n'ont pas de visées moralistes et qui, en passant du coq à l'âne, décrivent une nature tour à tour impitoyable ou bienveillante mais toujours pittoresque. L'auteur en profite également pour parler de son histoire personnelle, de son enfance au Togo à l'âge adulte en France, sans qu'il soit pour autant question d'autobiographie. Plutôt que de lire à la suite ces innombrables fables qui composent le livre, il vaut mieux grappiller quelques menus passages, au gré de ses envies. Le style de Tchak est agréable mais l'amateur de récits construits avec une trame narrative bien définie ressentira sans aucun doute une grande frustration car il y avait sans doute matière dans Les fables du moineau à autre chose qu'à compiler une collection de textes très brefs qui obligent sans cesse le lecteur à "zapper" sans pouvoir s'attacher longuement à des personnages, fussent-ils à 4 pattes.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Les fables du moineau

Un court roman, où, en donnant la parole à un moineau, Sami Tchak nous montre comment tous les êtres vivants sont inter-dépendant. 



Comment chacun se nourrit d'un plus petit, ou d'un plus gros, lorsqu'il est mort.



Comment tout s'imbrique, et, dans un cercle permanent comment la vie passe d'être en être, d'asticot en oiseau, de l'œuf au serpent, de l'antilope au lion.



Comment l'homme n'est qu'un maillon, prédateur peut être, mais grignoté par les insectes dès lors qu'il est mis en terre.



Dans un style plein de circonvolutions qui collent au propos, j'ai entendu l'auteur dérouler sa fable, et me la raconter, beaucoup plus que je ne l'ai lue ...



Un style envoûtant pour une histoire qui aurait pu n'être qu'un paragraphe décrivant les chaînes alimentaires dans un livre de biologie mais qui devient une parabole de la vie - et de la mort - dans cette langue imagée remplie des animaux d'Afrique ... et de pigeons parisiens ! 
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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Le continent du Tout et du presque Rien

Difficile d'embrasser et d'éteindre ce livre déroutant, libre et d'une intelligence serpentine. En deux mots : c'est l'incroyable alliage entre un pur plaisir de lecture, une gourmandise romanesque et un essai brillant sur des problématiques aussi vastes et variées que l'éthologie, la colonisation, le grand remplacement, le passé et le devenir de l'Afrique. C'est foisonnant, émouvant, souvent drôle. Un grand roman ? Oui, parfaitement.

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Le paradis des chiots

El Paraiso est le paradis des chiots. El Paraiso est un grand bidonville d'une de ces mégapoles sud-américaines. C'est également une référence à l'auteur cubain José Lézama Lima dont l'oeuvre centrale porte ce titre. Il faut croire que le paradis des chiots n'a rien avoir avec celui des hommes. Effectivement, Sami Tchak nous propose une plongée en apnée dans l'enfer des bidonvilles. L'auteur togolais prend le parti de nous faire découvrir l'humanité dans ce qu'elle a de plus sombres. Ici, les chiots sont des enfants.



Ernesto, est la fifille à Linda. C'est comme cela que le désignent Riki et Juanito, deux terribles compères. Sa mère, la fameuse Linda, se prostitue et elle laisse à la rue d'El Paraiso le soin de former et d'éduquer son garçon. Ici, il n'est pas question de scolarité, d'insertion quelconque. Ernesto a une dizaine d'années. Il est confronté à cette dure réalité qu'il conte avec un brin de naïveté et de lucidité. Il doit survivre aux agressions des autres enfants de la rue, il se prostitue dans le centre de cette grande ville, il a toutefois, la possibilité d'un toit que lui offre sa mère...



C'est un roman polyphonique avec une prépondérance du discours de l'enfant sur son quotidien, ses batailles, sa quête d'amour, son désir de survie, ses rencontres. Mais, la voix de la mère, Linda, est très intéressante à écouter. Intéressante. Difficile aussi. Poignante. On comprend que la rue n'est pas toujours quelque chose d'imposer, mais un choix poussé par l'orgueil, le concours de circonstances. Et l'amour toujours, un sentiment recherché, une béquille inespérée qu'on arrive pas toujours à saisir à cause d'une vie déformée par la perversion, la déviance, la pauvreté, la reproduction de schèmes retors. Sami Tchak est très sombre sur le sujet. Un enfant arraché à la rue n'est pas forcément gagné pour une vie différente.



La première phase du roman est donc une succession de discours différents expliquant la situation d'Ernesto et le pourquoi de cette réalité. Discours. Celui d'Ernesto. Celui de Linda. Celui d'El Che. El Che, Ernesto, un homme inconnu qui arracha temporairement Linda à la rue. Une étrange relation le lia à Linda et à un passé lointain et bien lourd dont les conséquences vont avoir un impact sur le présent. L'auteur ayant brouillé les cartes, le lecteur se prend même de compassion pour cette mère pas si indigne que ça, qui élève son gosse en livrant à la rue, parce que cela semble être son unique modèle.



Le propos d'Ernesto, le môme se réinstalle dans la suite du roman, comme pour rappeler qu'il s'agit d'histoire de chiots, pour se poursuivre sur les aléas que rencontrent le jeune homme, la jalousie, la méchanceté, la perversité, la folie... La violence n'est jamais là où on la croit vraiment. Elle peut être exprimée par une jeune fille douce en apparence et soumise à toutes ces contraintes. Elle est souvent suggérée plus qu'elle ne l'est montrée, Sami Tchak use des métaphores avec entrain et une grande maitrise de la langue.



D'ailleurs, c'est une composante qui fait de ce roman un texte à part : la richesse de la langue qui porte un texte aussi lourd. J'aime dire que ce genre de texte vous rappelle par leur qualité le fait que n'est pas écrivain qui veut. Assurément Sami Tchak est un grand écrivain qui arrive à se rapprocher de l'univers de cet enfant et de produire une écriture dense et sensible qui porte magnifiquement la voix du personnage d'Ernesto.



Je n'hésite pas à affirmer que le lecteur qui sort de cette lecture sans être affecté, un poil pertubé par cette narration est quelque part un pervers. Je me souviens que Le pain nu de Mohamed Choukri m'avait ébranlé par sa violence et le caractère cru des mots utilisés par le romancier marocain. Le paradis des chiots, c'est la même histoire en Amérique latine, en plus explosif. Il faut donc s'accrocher pour lire cette peinture de la condition de l'enfant de la rue.
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Le continent du Tout et du presque Rien

Une ambitieuse, captivante et malicieuse tentative de désambiguïsation romanesque des liens contemporains entre Afrique et Europe.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/01/31/note-de-lecture-le-continent-du-tout-et-du-presque-rien-sami-tchak/



C’est à travers le récit détaillé d’une carrière et d’une passion multi-cibles, celles de l’anthropologue africaniste fictif Maurice Boyer, au crépuscule de sa vie, que Sami Tchak a choisi de construire son magnifique nouveau roman, « Le continent du Tout et du presque Rien », publié chez JC Lattès en novembre 2021.



Élève du grand et véritable Georges Balandier (1920-2016), auteur entre autres travaux capitaux de « Sociologie des Brazzavilles noires » (1955), de « Anthropologie politique » (1967) ou de « Le détour » (1985), développeur du courant de l’anthropologie politique en résonance étroite avec le courant central et révolutionnaire à bien des égards incarné successivement dans l’anthropologie contemporaine par Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier et Philippe Descola, Maurice Boyer, entouré d’autres personnages réels aussi bien que fictifs, s’offre ainsi pour guide dans une énorme quête, intellectuelle et romanesque, politique et malicieuse, celle de la désambiguïsation, justement, du complexe tissu de relations entre Afrique et Europe, Afrique de l’ouest francophone et France, colonialisme, décolonialisme et afropéisme – en ne cachant pas grand-chose des paradoxes et des idiosyncrasies qui habitent ces relations, ni des dénis et des aveuglements qui les hantent – même pavés de bonnes intentions, ni de leurs richesses parfois fort souterraines.



Tout se nouera ici autour de Tèdi, un village de la brousse togolaise, terrain primordial de recherche initiale – ethnographique -, où prennent place les destins et les jeux de pouvoir futurs et présents (l’anthropologie politique est là, et bien là, sous des dehors parfois fort inattendus), où les récits et les histoires personnelles plongent dans l’histoire de la colonisation comme de la décolonisation, où les êtres humains révèlent leurs dépendances, leurs indépendances, leurs assujettissements et leurs émancipations. C’est à partir de cette expérience-là que l’ensemble de la vie de Maurice Boyer sera irriguée, qu’il le veuille ou non. Construisant son œuvre scientifique, discutant avec ses maîtres puis avec ses étudiantes et étudiants, tentant toujours davantage de « comprendre l’Afrique », ce mythe dont il est pourtant conscient mais qui lui résiste et se dérobe, à l’image de la Malienne Safiatou Kouyaté, à la fois si complice et si résistante, et véritable co-héroïne du roman, l’anthropologue de haut niveau, avec toute son empathie et ses idées à tester et surmonter, nous invite en tout sérieux et toute malice à nous confronter aux clichés conscients et inconscients concernant l’Afrique francophone – y compris à ceux qui habiteraient aujourd’hui Sénégalais, Togolais, Béninois, Maliens ou Congolais eux-mêmes, avec un humour souvent dévastateur que reflètera par exemple l’irruption à point nommé, dans le paysage du roman, de Gauz et de son « Camarade papa », après celles plus indirectes d’Amadou Hampaté Bâ ou d’Aminata Traoré, pour ne mentionner que quelques-unes de ces interventions judicieuses et savoureuses.



Sami Tchak avait largement révolutionné en 2001, avec son « Place des fêtes », une littérature africaine d’expression française qui se préparait alors à risquer le ronronnement presque confortable entre pessimisme trop étudié et dénonciation quelque peu fatiguée – au bord d’un gigantesque recyclage de figures déjà familières et douces à l’oreille bienveillante de la lectrice ou du lecteur d’Europe, et en menaçant aussi d’oublier les percées jadis réalisées par Ahmadou Kourouma, Sony Labou Tansi, Valentin-Yves Mudimbe ou Yambo Ouologuem, pour ne citer que quelques noms-clé des générations précédentes.



Publié presque en même temps que le somptueux prix Goncourt de Mohamed Mbougar Sarr, « La plus secrète mémoire des hommes », « Le continent du Tout et du presque Rien » en constitue le pendant et l’indispensable miroir, en même temps que, comme lui, un puissant antidote à toute tentation de complaisance. En traquant d’une écriture alerte mais restant toujours curieusement joueuse les méandres des crimes authentiques du passé, ancien ou plus récent, des larmes de crocodile, des incompréhensions profondes, des culpabilités avérées et de celles plus fantasmées, des conforts contemporains et des renonciations permanentes, mais aussi des joies de vivre indispensables, Sami Tchak constitue son roman en formidable machine à dénouer les intrications sans en abjurer les complexités. Grâce au prisme de cette ethnographie qui, pour paraphraser Yves Lacoste à propos de géographie et de guerre – et comme le rappelait Alain Etchegoyen en 1996 dans une de ses « Fables intempestives » -, servit longtemps aussi, et peut-être d’abord, à mieux coloniser et dominer, malgré la sincérité de la grande majorité de ses praticiens, avec l’invention de ce fabuleux et si inattendu, paradoxal, narrateur qu’est Maurice Boyer, l’auteur de « L’ethnologue et le sage » (2013) nous entraîne sur ses nécessaires grands chemins, où Africains et Européens, après avoir construit des imaginaires disjoints ou entrechoqués brutalement, œuvrent peut-être enfin ensemble (même s’ils ne le savent pas toujours, et continuent souvent à poursuivre leurs propres illusions) à se dégager de l’infernal poids du legs colonial et de ses résurgences les plus perverses et les plus rusées.
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Al Capone le Malien

Ce livre m'est tombé des mains. Surtout la dernière partie où j'ai eu l'impression que l'auteur a greffé un autre roman au reste du roman initial. Et puis toute la violence gratuite durant la sortie des masques concernant une petite fille qui frappée. Comme si l'auteur veut juste choquer sans plus. Et puis le pompom ce sont les leçons de morale qui se lisent clairement dans les lignes de l'auteur qui sait tout mieux que tout le monde. Bref je ne recommande pas ce roman.

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Hermina

Hermina est la lolita africaine. Sami Tchak a une écriture très osée voire pornographique à un certain moment. Aussi, je comprends aisément pourquoi l’auteur est controversé. Roman complexe qui demande beaucoup de concentration où le lecteur est perdu entre les fantasmes et la réalité. Ensuite, il y a une mise en abîme avec le roman écrit par Heberto où cela tourne en porno-gore. Et là, c'est trop pour moi.

Un nouveau genre littéraire sans doute .Dommage, le début était prometteur, cela reste bien écrit mais l’auteur va trop loin dans ses idées.

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La fête des masques

Bien des références littéraires et musicales aux auteurs gay très connus. Les noms des personnages principaux pourraient être latinoaméricains. Par contre, ces « fantômes » après la mort, ceux-là sont bien de cette région d’Afrique d’où est d’origine notre auteur: le Togo.



la Fête des masques de cette partie d’Afrique permet de transmettre le savoir à la jeune génération, mais quel savoir!? Celui de la violence, du viol? Va savoir! Peut-être seulement la transmission des émotions, des vides et peurs d’une génération à l’autre? Je vous laisse lire cette oeuvre, car c’en est une, peut-être y verrez aussi d’autres choses.
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Les fables du moineau

Sami Tchak (de son vrai nom Sadamba Tcha-Koura) est un écrivain né au Togo. Après une licence de philosophie à l'Université de Lomé, il obtiendra un doctorat de sociologie à la Sorbonne à Paris.

Le recueil "Les fables du moineau" écrit en 2020 a été publié pour célébrer les 20 ans de la collection "Continents Noirs" chez Gallimard.

Ce récit est constitué de courtes fables racontées alternativement par l'auteur lui-même ou un moineau. On y découvre l'enfance et les traditions dans un village d'Afrique. Ces petits contes nous parlent des liens entre la vie et la mort.

Ce texte est difficilement classable. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ces petits bouts d'existence plein de philosophie facile à comprendre.

Ce fut une magnifique découverte ! Merci à la Masse Critique de Babelio.

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Le paradis des chiots

Que de dureté dans ce livre! L'auteur nous plonge ici dans le quotidien d'enfants vivant dans un bidonville en Amérique Latine. Ernesto est un jeune garçon vivant dans les favelas tantôt avec, sa mère Linda, tantôt dans la rue avec d'autres enfants. Ernesto survit comme il peut enter prostitution, bagarres, humiliations, drogues...et amour, aussi. L'amour que recherche désespérément Ernesto.



Ce roman polyphonique nous fait entendre la voix d'Ernesto mais aussi celle de sa mère, Linda, ainsi que celle d'El Che qui a recueilli Linda lorsqu'elle était enfant.

Cependant, c'est la voix d'Ernesto qui domine dans ce livre. La voix d'un enfant qui nous raconte toute l’horreur des bidonvilles avec, cependant, une certaine naïveté. Ernesto parle comme un enfant et il est déconcertant de lire des propos aussi durs avec des mots, des intonations, des expressions enfantines. La violence décrite par l'enfance.



Cette violence est partout. Dans les agressions que subit Ernesto de la part d'autres enfants, dans sa relation ambiguë avec sa mère, dans ses cauchemars, dans la sexualité, dans la misère du bidonville...La violence domine tout. Comment vivre sans violence dans un monde pareil?



L'auteur nous monte ici toute la réalité des bidonvilles. Dans cette réalité cruelle, il y a la vie cependant, la vie à laquelle s'accrochent les personnages. C'est dur, très dur, c'est dérangeant, et, hélas, tellement réel...


Lien : http://tantquilyauradeslivre..
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