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Citations de Sandro Veronesi (156)


Ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre. À vrai dire, personne n’est fait pour personne, et des gens comme Marina Molitor ne sont même pas faits pour eux‑mêmes.
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(...) je n'avais jamais eu l'occasion de me retrouver au milieu du déménagement d'un inconnu. Ca fait froid dans le dos. Malgré le soin avec lequel ils sont emballés, beaucoup d'objets sont reconnaissables à travers la cellophane ou sous le papier journal - queues de casserole, manches, pieds de lampe - et il y a quelque chose de suppliant dans leur façon de dépasser des cartons comme s'ils appelaient à l'aide pour s'échapper. La trace désolée des tableaux sur la tapisserie, les marques de coins de meuble inconnus dans le mur, la brutale suspension de la sollicitude domestique qui, des années durant, a dû rendre cette salle de séjour accueillante, contribuent à donner l'impression qu'on se trouve soudain "ailleurs", dans un espace imaginaire truffé de symboles à interpréter, comme dans les rêves ; (...)
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"Ah ah ! Ca y est ! crie-t-il à travers la porte. Trente secondes de plus et ils n'étaient plus du tout "al dente" ! "
Par la porte arrive le bruit des opérations qu'il accomplit, si net et précis qu'il me semble voir la scène : les spaghettis qui tombent dans la passoire, la casserole posée dans l'évier, les spaghettis bien égouttés, transvasés dans la poêle avec la sauce et repassés sur le feu resté allumé. Et maintenant, il y a un fumet de sauce tomate qui arrive de la cuisine, me chatouille les narines et sort par la fenêtre, si intense et si délicieux qu'il me semble le voir lui aussi - sous forme d'épais nuage comme un dessin animé.
(...)
Il attaque ses spaghettis bille en tête, à croire que son temps est compté. Il ne les enroule pas : il les fourgue dans sa bouche comme si c'était du foin, et avec sa fourchette, il se contente de les accompagner au fur et à mesure qu'ils montent. Ca aussi, c'est romain, une saine façon de manger populaire - incarnée par Alberto Sordi aux prises avec des "macaronis" - qu'ici à Milan on prend pour une absence de bonnes manières.
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Rina chérie, aujourd'hui est un jour faste.
Il y a un héroïsme barbare et un autre devant lequel l'âme se met à pleurer : le soldat qui gagne n'est jamais aussi grand que lorsqu'il s'incline devant le soldat vaincu.
Aujourd'hui nos ennemis et nous avons été sauvés, ensemble ...
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Il est monté dans ma voiture, s'est assis à côté de moi et m'a regardé un moment en s'efforçant de sourire, mais sans rien dire. Son regard, déjà paranoïaque en temps normal, tout en clins d'oeil obliques et en battements de paupières, ressemblait à un vol d'oiseaux après une détonation, s'éparpillant dans toutes les directions avec une frénésie qui avait quelque chose de funeste : le regard d'une personne en grand danger.
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[Adele, qui vient d'accoucher, à son père:]
"Tu as vu, papa? Beau début. L'Homme du Futur est une femme."
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Un jour, il cita une habitude que Marco trouva éclairante pour comprendre le choix de sa fille : en Occident, pour enfiler le fil dans le chas de l’aiguille, on le pousse vers l’extérieur, tandis qu’au Japon, on fait le contraire, le fil est guidé de l’extérieur vers la poitrine. Toute la différence, dit Miette, était là : Occident = dedans-dehors, Japon = dehors-dedans.
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(...) il passait dans la partie alimentation est volait de quoi manger. C'était un jeu d'enfant parce que dans cet endroit on se servait tout seul et qu'on partait payer à la caisse. C'est-à-dire, les cons ou les riches allaient payer : les gens comme lui ou Maddalena se dirigeaient droit vers la sortie, butin dans le slip et personne ne remarquait rien.
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« Nous sommes des marins, des marins italiens, nous avons 2 000 ans de civilisation derrière nous et nous agissons en conséquence »
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" je n'ai pas envie de dire qu'on vit mieux ici qu'en Calabre.
_ Alors pourquoi tu restes ?
_ Parce qu'on vit mieux ici qu'en Calabre, s'esclaffait Rase-Meche. Sauf que je n'ai pas envie de le chanter sur les toits."
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... c'est le jour zéro et en conclusion soit on est le voyageur que j'ai toujours été qui accuse le paysan de ne rien savoir soit on est le paysan que je serai dorénavant et qui gentiment et en continuant à piocher lui répond oui monsieur c'est vrai monsieur moi je ne sais rien monsieur mais celui qui s'est perdu c'est vous.
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Pommette, commissure de la bouche, lobe de l'oreille, boucle d'oreille...
Je suis en train d'embrasser des détails.
Je garde les yeux ouverts, je veux voir ce que j'embrasse : ce sont des détails d'une blancheur émouvante, des parties du corps marginales, hors échelle, parce que désormais cette femme ne tient plus tout entière dans mes yeux : comme si elle était devenue infinie, imaginaire.
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...et il était arrivé le coup de téléphone que tous les parents redoutent, mais qu'un petit nombre seulement reçoivent, quelques malheureux marqués, prédestinés, pour qui, dans de nombreuses langues, le mot n'existe même pas, mais il existe par exemple en hébreu, shakul, qui vient du verbe chacal qui signifie justement "perdre un enfant", et il existe en arabe, thaakil, avec la même racine, et en sanscrit, vilomah, littéralement "contraire à l'ordre naturel", et il existe dans de très nombreuses variantes des langues et la diaspora africaine, et dans un sens moins équivoque il existe aussi en grec moderne, charokammenos, qui signifie "brûlé par la mort", désignant de façon générique une personne frappée par un deuil, mais on l'emploie presque exclusivement pour désigner un parent qui perd son enfant, d'ailleurs sur ce fait de perdre des enfants, un des oracles de notre frère Marco dans sa jeunesse s'était déjà exprimé de façon définitive , "Savez-vous que j'ai perdu deux enfants / Madame vous êtes bien distraite", parce que en effet à bien y réfléchir ça ne tient pas cette histoire de perdre une personne quand elle meurt, c'est-à-dire d'être le sujet de sa mort, j'ai perdu ma fille, je ne l'ai plus, je l'ai laissée mourir, je je je, ce pronom n'a aucun sens, il est presque obscène quand meurt quelqu'un d'autre , mais quand c'est un fils ou une fille qui meurt, hélas, il a un sens, parce que la responsabilité plane toujours ou la faute du parent qui n'a pas empêché , comme c'était son devoir, n'a pas conjuré, n'a pas évité, n'a pas protégé, n'a pas prévu, a laissé survenir et donc laissé mourir, et donc perdu son fils ou sa fille, bref pour notre frère Marco il arriva le coup de téléphone qui anéantit sa vie, et il arriva dans l'après-midi un dimanche en automne, et sa vie déjà anéantie d'autres fois fut anéantie à nouveau, sauf que dans la vie le néant n'existe pas, et en effet Mirajin dormait la tête sur ses genoux, et tandis qu'il essayait de respirer , parce que même ça il n'y arrivait plus, il était shakul depuis quelques secondes (on ne lui avait pas dit ouvertement, on l'avait ménagé, mais il avait très bien compris), il était thaakil, il était vilomah, il était charokammenos depuis quelques secondes, et il avait les poumons bloqués, l'air était un filet de feu, son ventre un trou sans fond, sa tête un tambour, et une vie ne pouvait pas être plus proche du néant, Mirajin se réveilla en douceur et lui sourit, elle avait deux ans depuis un mois, et par ce geste tout simple, se réveiller et lui sourire, elle lui disait grand-père ne t'y risque pas, elle lui disait on ne plaisante pas, elle lui disait grand-père je suis là, il va falloir supporter.
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Sandro Veronesi
J'ai pensé aux abeilles, aux colibris, qui pour s'immobiliser dans l'air doivent agiter leurs ailes à une rapidité incroyable. C'est le cas de mon personnage qui, pour s'immobiliser, a besoin d'une agitation intérieure incessante.

Le Monde des Livres 25 avril 2008, à propos de Pietro Palladini, le héros de son roman Chaos calme.
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Tout propos d'ailleurs, même le plus ridicule, prononcé peu avant la mort de quelqu'un, frôle la frontière obscure de la prophetie, mais il ne faut jamais oublier que le temps ne s'écoule que dans un sens, et que ce qu'on voit en le remontant est trompeur. Le temps n'est pas un palindrome : en partant de la fin et en le parcourant à l'envers dans son entier, il semble prendre d'autres significations, inquiétantes, toujours, et il ne faut pas se laisser impressionner.
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(...) il n'y avait rien de sportif dans ses talents de footballeur qui se manifestaient au cours de leurs petits matches et que les gamins de bonnes familles lui enviaient, parce que, avec les mêmes talents, eux auraient pu entrer dans un club et commencer une grande carrière : pour lui, ce n'était qu'une façon d'exister - la seule qu'il connaissait.
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Vois-tu, à l'université, j'ai fait des etudes de physique. Et je me suis souvenu avoir appris qu'un atome, en passant d'un état à l'autre émet une particule de lumière appelée photon. Et surtout je me suis rappelé la question qu'on m'a posée à l'examen sur ce sujet : d'où sort ce photon? Comment apparait-il? Où etait-il avant? Ce n'était pas dit dans notre cours : c'était une façon de voir si j'avais réfléchi. Et moi qui n'avait pas reflechi, j'ai dit une bêtise : j'ai dit que le photon se trouve déjà dans l'atome. Alors on n'a expliqué que non, le photon n'est pas du tout dans l'atome. Le photon apparait au moment même où a lieu la transition de l'électron, et il apparait précisément à cause de cette transition. Tu comprends? C'est une notion très simple : les sons que ma voix produit en ce moment ne se trouvaient pas en moi.
Voici comment j'ai reussi à me résigner à la malhonneteté de Jean-Claude sans devoir effacer trente ans de ma vie : les actions qu'il a commises ces deux dernières années n'étaient pas en lui. Comme les photons, elles sont apparues à un moment bien précis, pour des causes bien précises.
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[il] proposa ensuite de participer, joua, se défoula et se donna en spectacle, renouant ainsi à taper dans le ballon, avec le plaisir inégalable de se sentir supérieur - seule véritable satisfaction qu'il eût jamais connue; et il lui sembla possible, mais oui, de continuer sa vie de résidu sans être obligé de renoncer à ces petits triomphes.
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Sommes-nous si sûrs que les regards que l'on n'échange pas ne pro
duisent rien? l y a des gens qui tombent amoureux en regardant tous les jours par la fenêtre la même pesonne qui passe dans la rue. Il y a des gens qui font une fixation sur un présentateur ou une présentatrice de télévision. Non, il n'existe pas de regards plus ou moins importants, tous, quand on les décoche impliquent qu'on vient s'immiscer, et ce n'est pas la combinaison des événements, c'est-à-dire le hasard, qui en détermine les conséquences.
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Le jugement qui accompagne nos actions ne qualifie que ce que nous sommes, pas ce que nous étions avant.
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