Citations de Sandrone Dazieri (117)
Dante descendit et s'approcha de la ferme, l'estomac serré: derrière le bâtiment, un soleil énorme et tout rond disparaissait. Les murs étaient couverts de graffitis et de tags de crew locaux, d'inscriptions obscènes et d'hymnes à Pantani. Il y avait une odeur nauséabonde de marécages et de feuilles pourries. L'odeur n'avait pas changé.
Je suis revenu à la maison, pensa-t-il. La seule maison que j'aie jamais eue.
...Comme il allait de plus en plus mal, son père avait fini par l'envoyer dans une clinique psychiatrique.
- en Suisse, pas très original. - Dante redressa le siège et alluma une cigarette. - Ne pense pas que c'était un camp de concentration, ça coûtait bien trop cher pour l'être et mon père a bouffé une belle portion de l'indemnisation des dommages et intérêts pour m'envoyer là-bas. C'était avant tout un milieu surveillé, avec des médicaments à gogo et des séances obligatoires de psychothérapie à toutes les sauces-je ne sais pas combien de fois par jour. Aujourd'hui on appellerait ça un rehab.
- Combien de temps y es-tu resté?
- Quatre ans.
- Putain.
Dante attendit que ses yeux s'habituent à l'obscurité, puis il ferma les rideaux, ne laissant qu'une étroite ouverture, par laquelle il glissa la tête. Il pouvait maintenant voir une portion du quartier, derrière le reflet de son visage. Le Père était là, dehors, quelque part. La cage était désormais aussi vaste que le monde, mais Dante était toujours son prisonnier.
Si tu es un oiseau qui vole avec les autres, tu ne sauras jamais quelles formes merveilleuses tu traces dans le ciel, tu verras seulement le derrière de l'oiseau qui est devant toi. Ce qui est frustrant, c'est que quand tu racontes ce que tu vois, personne ne te croit
Pendant treize ans, je n'ai vu qu'une seule personne : mon geôlier. Et il a toujours gardé son visage masqué. Je devais déchiffrer son humeur aux mouvements de son corps : je suis devenu doué pour ça. Et aussi pour repérer ce que les autres ne remarquent pas.
[...] le corps a un cerveau bien à lui, qui s'étend sur les milliers de kilomètres de fibres nerveuses qui nous composent. Les mouvements, les postures, sont influencés par des facteurs comme l'éducation, le milieu et l'âge, mais ils sont uniques, tout comme les empreintes digitales
Il [le patron de la discothèque] pense que le plus bel album de l'histoire est 'The Dark Side of the Moon' [Pink Floyd, 1973] et que, mis ensemble, tous les DJ de cette terre n'ont pas un atome de la classe qu'avait la vieille garde du rock. Mais c'est quelque chose que tu ne peux pas dire à l'artiste que tu viens à peine d'engager, en le payant deux mille euros au black, pour qu'il te remplisse ta boîte de nuit.
(p. 59-60)
Ce que j'ai voulu vous démontrer, aujourd'hui, ce n'est pas qu'il ne faut croire en rien ni qu'il faut croire à tout, mais qu'il faut toujours vous poser des questions. Si quelqu'un vous donne une vérité préemballée, ouvrez le paquet et regardez à l'intérieur. Peu importe qui vous la sert sur un plateau: un politicien, un journaliste, un policier ou quelqu'un comme moi. Vérifiez les faits. Cherchez vos propres réponses.
Colomba remua, mal à l'aise.
- Tu ne vas quand même pas me faire passer une visite médicale...
- Où est le problème ?
- Le problème, c'est que d'habitude tes patients sont morts.
Les enfants n'ont qu'une façon de distinguer la vérité du mensonge. La vérité, c'est ce que les parents approuvent. Le mensonge, c'est ce qui les rend mécontents. Et les enfants sont capables de se souvenir de choses qu'ils n'ont jamais vécues, il suffit de le leur demander comme il faut.
C'est le problème avec ceux qui sont morts : tu ne peux pas les regarder dans les yeux et demander une explication, tu peux seulement faire la paix à l'intérieur de toi [...]
Pour moi, tous les pistolets sont pareils. D'un côté, il y a un type qui presse la détente et de l'autre un type qui saigne.
- Tant que j’y suis, je voulais vous dire que j’ai bu votre café, qui est un authentique jus de chaussettes, juste pour vous faire plaisir.
Sa mère la regarda à nouveau. Elle avait le visage déçu des grandes occasions. Comme lorsque à quatorze ans Colomba avait dit qu'elle voulait arrêter les compétitions de natation, à seize le piano, et à vingt-deux qu'elle voulait présenter le concours pour devenir commissaire au lieu de continuer ses études en droit.
- C'est ton choix, dit-elle. Si tu veux foutre en l'air tout ce que tu as bâti, je ne peux pas t'en empêcher. Même si ton père et moi avons fait beaucoup de sacrifices pour que tu puisses faire des études.
- Je te signale que j'ai eu ma licence. Et tu ne voulais même pas que je passe le concours. Tu m'as dit : "Quelle horreur ! Tu vas mettre des amendes !"
- Mais après, j'ai compris que ton travail te plaisait. Je te voyais heureuse.
- Tu as vu mon nom sur le journal. Tu t'es monté la tête.
- Et qu'y a-t-il de mal à çà ?
- Que mon travail a failli me tuer, maman? Ca ne t'inquiète vraiment pas ?
Sa mère se mit à pleurnicher.
- Comment peux-tu me dire des choses pareilles ?
Colomba perdit son calme, elle rangea les assiettes dans le lave-vaisselle, remit ses rangers sans chaussettes et sortit en claquant la porte.
(...) Si tu dois choisir entre gentillesse et honnêteté, opte toujours pour la seconde solution avec moi. Surtout, pas de compassion.
— Parfait, parce que beaucoup de gens disent que je ne suis pas capable d'en ressentir.
Dante resta derrière le volant jusqu'à ce que le véhicule s'écrase contre le rideau. Il avait imaginé s'éjecter par la portière juste une seconde avant le choc, à la manière de Jason Statham, mais la terreur l'avait empêché ne serait-ce que d'essayer.
Ce dont elle a le plus peur, ce n'est pas de la mort, mais de le laisser, lui tout seul. Elle se demande comment il pourra continuer sans elle.
Alfredo est sur le lit.La voilà la mort patiente.Je suis habitué aux morts féroces,qui te prennent d'un coup,par le moyen d'un couteau ou d'un projectile.Ou à la mort cruelle,qui te laisse saigner sur le parquet.Je sais comment la traiter,à quoi penser quand je m'incline vers un cadavre.Mais la mort lente qui te creuse de l'intérieur,m'inspire la peur.Ce n'est pas un incident de parcours qu'on peut éviter en faisant attention.C'est le destin inévitable,le solde de tout compte.
Vous êtes devenu chef de la mobile parce que vous êtes un bon flic,mais aussi parce que vous avez compris comment il fallait se comporter.Et mettre le nez dans l'enquête de quelqu'un d'autre,ce n'est pas se comporter comme il faut.
Les personnes encore présentes, celles qui la connaissaient de vue et celles qui avaient entendu parler d'elle, restèrent là à l'observer jusqu'à ce que, sortant de l'ombre, Mario Tirelli vienne la chercher. C'était un médecin légiste, un homme grand et sec, avec un chapeau de pêcheur. Il mâchait une racine de réglisse ; il en avait toujours quelques-unes dans un porte-cigarette d'argent aussi vieux que lui.
- Comment vas-tu ? la questionna-t-il en serrant sa main entre les deux siennes glaciales. Tu m'as beaucoup manqué.
- Toi aussi, dit Colomba avec sincérité. Je suis encore en congé, ne t'emballle pas.
- Et alors qu'est-ce que tu fais là à prendre l'humidité ?
- Apparemment, Rovere y tenait. Dis-moi plutôt ce qu'ils font là, eux.
- Tu parles du SIC ou de l'UACV ?
- Des deux. Ils devraient s'occuper de crime organisé ou de tueurs en série. Or, ici, il n'y a qu'un seul cadavre.
- Techniquement, ils peuvent même s'occuper des chiens perdus si les procureurs le veulent.
- CC, je ne suis pas très fort pour consoler les autres. Je me suis complu dans l'autoapitoiement si longtemps que ma stratégie, quand les autres vont mal, est d'attendre que ça leur passe. Mais je peux te dire une chose : je suis convaincu que si c'est à toi qu'on avait confié mon cas quand j'étais enfermé dans le silo, tu m'aurais retrouvé.
Colomba soupira.
- C'est pas mal, ce que tu dis.
- C'est vrai ? C'est sorti tout seul.