AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Sarah Waters (164)


Je finis par comprendre qu j'étais bel et bien chez les fous, dans ce manoir campagnard dont les murs s'étaient ornés autrefois de tableaux et de miroirs, les parquets de tapis. Toute la maison avait été livrée à la folie - dans un sens, elle était elle-même comme une personne belle et intelligente, frappée de démence.
Commenter  J’apprécie          170
Je repensais à la fois, trente ans auparavant, où je m'étais trouvé ainsi avec mes parents, dans mon blazer de l'école, pour assister à un autre enterrement dans la famille Ayres, avec un cercueil deux fois plus petit que celui-ci ; cette pensée m'étourdit presque, comme si toute ma vie se retournait sur elle-même pour tenter d'attraper sa queue.
Commenter  J’apprécie          160
En ce temps-là je m'appelais Susan Trinder. Les gens me disaient Sue. Je connais l'année de ma naissance, mais pendant longtemps j'ai fêté mon anniversaire à Noël, faute de savoir le jour. Je suis orpheline de père et de mère, autant que je sache. Ma mère en tout cas est bien morte.
Commenter  J’apprécie          160
L'habitude [ du médecin de campagne ] de conduire la nuit. Avec tous ces gens qui doivent guetter le bruit du moteur, la lumière des phares. Et qui sont tellement heureux de vous voir arriver. Si là, nous nous rendions au chevet de quelqu'un, en urgence, comme ces gens nous attendraient impatiemment. Je n'y avais jamais pensé auparavant. Est-ce-que cela ne vous effraie pas, quelquefois? "
Je changeai de vitesse. "Pourquoi cela devrait-il m'effrayer?
- A cause des responsabilités, j'imagine.
Commenter  J’apprécie          150
C'est à cet instant qu'elle sentit le courant d'air - ou du moins quelque chose de cette nature, un mouvement d'air froid qui la balaya soudain, glaça sa joue, joua dans ses cheveux, la faisant brusquement frissonner; une seconde plus tard, elle tressaillit violemment, effarée, saisie jusqu'au fond d'elle-même par un coup violent résonnant dans la pièce voisine. Elle devina presque immédiatement ce qui s'était produit : le courant d'air venu des fenêtres disjointes avait brusquement fait claquer la porte qu'elle avait laissée ouverte.
Mais le bruit avait été si inattendu, si incroyablement violent dans cette pièce nue et déserte, qu'il lui fallut un moment pour se reprendre et que son coeur retrouve un rythme normal. Tremblant légèrement, elle repassa dans la nursery de jour et, comme elle s'y attendait, trouva la porte fermée. Elle se dirigea vers elle et tourna la poignée; impossible de l'ouvrir.
Elle demeura un instant figée, perplexe. Elle tourna de nouveau la poignée vers la gauche, puis vers la droite, se disant, au désespoir, que l'axe avait dû se briser ou le mécanisme se détraquer, sous la violence avec laquelle la porte avait claqué. Mais la serrure était d'un ancien modèle, encastré dans la porte et repeint : il y avait un minuscule interstice entre la serrure et la gâche, comme c'est toujours le cas, et, se baisant pour y coller son oeil, elle constata que l'axe fonctionnait parfaitement - mais aussi que le pêne du verrou était enfoncé dans son logement, comme si l'on avait tourné la clef de l'autre côté. Un courant d'air pouvait-il provoquer une telle chose ? Une porte qui claque pouvait-elle se verrouiller toute seule ? Certainement pas. Elle commençait de ressentir un vague malaise. Elle retourna dans la nursery de nuit et essaya d'ouvrir la porte de celle-ci. Elle aussi était fermée à clef - mais il n'y avait là rien que de très normal. Comme toutes les autres dans ce couloir, elle était verrouillée pour éviter les courants d'air.
Elle retourna donc à la première porte, pour essayer de nouveau - luttant à présent pour garder patience et dominer ses nerfs; se disant, raisonnablement, que cette satanée porte ne pouvait en aucun cas être fermée à clef, qu'elle devait être simplement voilée, comme tant de portes à Hundreds, et s'être coincée dans le chambranle. Mais la porte s'était ouverte sans difficulté quand elle était entrée et, collant son oeil à l'interstice entre la serrure et la gâche, elle vit bel et bien le pêne dormant inséré dans son logement - il n'y avait pas à s'y tromper malgré le manque de lumière. Regardant par le trou de la serrure, elle aperçut même le bout arrondi de la clef. Elle tenta de penser à un moyen de l'attraper - une épingle à cheveux, peut-être ? - et de la faire tourner dans l'autre sens. Elle supposait toujours que la porte avait réussi, de manière extraordinaire, à se verrouiller toute seule.
Puis elle entendit quelque chose. Un bruit qui s'élevait, bien distinct dans le silence : des pas légers, rapides. Et dans l'espace infime de lueur laiteuse qui filtrait par le trou de la serrure, elle perçut un mouvement. Comme un éclair sombre, dirait-elle, comme quelqu'un qui passerait rapidement dans le couloir, de gauche à droite - autrement dit, emprunterait le couloir des nurseries depuis l'escalier du fond à l'angle nord-ouest de la maison.
Commenter  J’apprécie          152
Personnellement, je ne l'aurais pas crue du type maternel, mais les domestiques se prennent parfois de sentiments tout à fait romanesques pour leurs maîtres. C'est comme les chiens qui aiment les brutes qui les maltraitent. Je sais de quoi je parle.
Commenter  J’apprécie          150
Dieu seul sait combien de temps la paix va durer, bien entendu. Personnellement, j'ai renoncé à écouter les nouvelles ; c'est trop angoissant. On dirait que le monde est dirigé par des savants et des généraux, qui jouent avec les bombes comme les écoliers avec des billes."
Commenter  J’apprécie          140
Mon Dieu, quand je pense à tous les jeunes hommes comme lui, et aux choses effrayantes qu'on leur a demandé de faire au nom de la paix... !
Commenter  J’apprécie          120
Je me souviens vous avoir vu danser tous les deux, lors d'une soirée, à Warwick. C'était un bonheur de vous observer ; vous étiez douce à l'oeil comme un duvet de chardon.
Commenter  J’apprécie          120
Ces sons se révélaient troublants, tout comme le kimono entrebâillé ; et le silence plus troublant encore. Assise à son bureau, un moment auparavant, Frances envisageait ses locataires de manière purement mercantile - quelque chose comme deux grands shillings à pattes. Mais voilà, se dit-elle en quittant la pièce à reculons pour retrouver le carrelage du vestibule, voilà ce que cela signifiait vraiment, avoir des locataires : cette étrange promiscuité, cet instant d'une intimité presque incongrue où la seule chose entre une Mrs Barber nue et elle était deux mètres de cuisine et une mince porte de bois. Une vision s'imposa à son esprit : ces courbes de chair, rosies par la chaleur du bain.
Commenter  J’apprécie          120
Les domestiques de Briar buvaient à tous les repas de la bière brassée sur place, dans une salle réservée à cette industrie. Et on accuse les londoniens d'être portés sur la bouteille !
Commenter  J’apprécie          120
On peut penser ce qu'on veut de la vie que j'avais menée jusque-là, toujours est-il que c'était une vie sans maîtres : je n'avais jamais fait de courbettes à personne.
Commenter  J’apprécie          120
Si Hundreds Halls est hanté, son fantôme ne se montre pas à moi. Car si je me détourne alors, c'est pour être déçu, en me rendant compte que ce que j'ai là, devant les yeux, n'est rien d'autre qu'une vitre fêlée, et que le visage déformé qui me fixe, l'air perplexe, en attente, est le mien.
Commenter  J’apprécie          120
Je peux faire n'importe quoi maintenant. Je peux veiller jusqu'à l'aube, si tel est mon bon plaisir, et dormir pendant la journée. Je me souviens d'un jeu auquel nous jouions, enfants : "Qu'est-ce que tu feras quand tu seras grande et que tu auras une maison à toi ? — J'aurai une tour sur le toit et j'y tirerai des coups de canon ! Je ne mangerai que de la réglisse ! J'aurai des chiens habillés en maîtres d'hôtel — Je ferai dormir une souris sur mon oreiller..." Maintenant j'ai plus de liberté que jamais au cours de ma vie. Pourtant, je fais toujours les mêmes choses.
Commenter  J’apprécie          100
Etait-ce de la folie, se demandait-elle, d'être aussi heureuse de vivre qu'elle l'était à présent, dans un monde plein de bombes atomiques, et de camps de concentrations, et de chambres à gaz ? [....] Etait-ce de la sottise ou de l'égoïsme, de vouloir se laisser charmer par des choses aussi futiles que les éclats sonores de la fanfare de Regent's Park ; la tiédeur du soleil sur son visage, le chatouillis de l'herbe sous les talons, le cheminement de la bière ambrée dans ses veines, la proximité secrète de son amante ? Ou bien ces futilités étaient-elles tout ce que l'on possédait ? Ne devait-on pas justement les préserver, en faire de petites larmes de cristal que l'on gardait, comme des breloques porte-bonheur à son bracelet, pour se défendre du prochain danger qui apparaîtrait ?
Commenter  J’apprécie          90
Cependant, Mrs Barber, encore descendue de quelques marches, avait de nouveau rougi : elle contemplait d'un air atterré le chiffon noué sur les cheveux de Frances, ses manches roulées et ses mains écarlates, à ses pieds le tapis de caoutchouc qui portait encore l'empreinte de ses genoux. Frances connaissait par coeur cette expression - elle en était plus que lasse, en fait - pour l'avoir si souvent vue : sur le visage de voisins, de démarcheurs, des amies de sa mère, tous ces gens qui avaient traversé la pire guerre que l'humanité ait connue mais semblaient toujours, pour quelque mystérieuse raison, ne pas supporter la vue d'une jeune femme éduquée faisant un travail de bonne à tout faire.
(p. 38-39)
Commenter  J’apprécie          90
Quelle ironie! Moi, qui m'étais si souvent pavanée sur la scène des théâtres londoniens, travestie en homme, j'avais peur maintenant de sortir dans la rue en femme! Si seulement j'étais née garçon, pensais-je tristement. Garçon pour tout de bon. Si seulement...
Commenter  J’apprécie          90
Je connais le monde et ses plaisirs aussi bien que les pires débauchés de l'univers romanesque; pourtant je n'ai pas une seule fois franchi les murs du parc de mon oncle depuis qu'il m'a recueillie. Je sais tout sans rien savoir. Ceci sera essentiel pour la suite. Il ne faudra pas oublier tout ce que je ne sais pas faire, tout ce que je n'ai pas vu. Je ne sais ni monter à cheval ni danser. Je n'ai jamais eu entre les mains de l'argent à dépenser. Je n'ai jamais mis les pieds dans un train ou un théâtre, jamais vu ni la mer ni la montagne;Je n'ai jamais vu Londres mais j'ai l'impression de connaître la ville. Elle m'est familière grâce aux livres de mon oncle.
Commenter  J’apprécie          90
Mais la fierté, ça ne remplace pas le bonheur, n'est-ce pas ?
Commenter  J’apprécie          80
«  Frances sourit , puis ferma elle aussi les yeux, s’abandonnant à la lumière d’été , à la douceur de l’instant , à l’air si âprement évocateur de cette période particulière de la guerre.
Le son vacilla un peu . L’homme s’éloignait , jouant toujours sa mélodie .
Comme il se tournait pour descendre du trottoir , il apparut au dos de son trench- coat un panneau sur lequel il avait peint l’inscription suivante :
PRÊT À BOSSER! EMBAUCHEZ- MOI ! » ....
Commenter  J’apprécie          80



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Sarah Waters (1642)Voir plus

Quiz Voir plus

Derrière la porte

Quel est le nom de famille de la famille d'accueil ?

M. et Mme Rimot
M.et Mme Plancoët
M. et Mme Blanchon

10 questions
1 lecteurs ont répondu
Thème : Derrière la porte de Sarah WatersCréer un quiz sur cet auteur

{* *}