AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Sofia Aouine (104)


La plupart des grands, profs, parents, parents des autres, pensaient que j’étais fou, un mauvais élève, un sale, un méchant, et que c’était moi qui avais entraîné tous les autres vers la rue et les conneries de sex-shop. Alors que dans la vraie vie, celle qui pue la merde, c’est la rue qui nous gouverne et pas l’inverse. C’est la rue qui nous appelle et pas l’inverse. Et pour ceux qui ont pas de mère, il n’y a qu’elle pour les comprendre, les aimer, et donner un sens à leur vie. Ceux qui habitent là où ça sent les fleurs peuvent pas piger. Si t’as pas goûté à elle, tu ne peux pas capter.
Commenter  J’apprécie          20
Certains souvenirs vous consument si vous les laissez enter.
Commenter  J’apprécie          40
Adossé à la cheminée, je regarde les grosses lettres qui clignotent…Tati…Tati…Le magasin préféré des daronnes et des blédards, notre tour Eiffel à nous. Un truc que le monde entier nous envie et qui est connu au fin fond de l’Afrique et de la Papouasie. Tati or, Tati maison, Tati chaussures, Tati slips, Tati mariage : la Mecque des jeunes pucelles prêtes à se marier et des mères hystériques qui aimeraient redevenir pucelles le temps d’une nuit de noces. La plus grande salle de jeu du monde, caverne d’Ali Baba des pauvres où tu trouves de tout Tu peux te marier, manger, vivre et peut-être même mourir un jour. Je suis sûr qu’ils finiront par y vendre des cercueils en vichy rose et bleu.
Commenter  J’apprécie          200
Cette ville nous entasse les uns sur les autres comme dans un grand bain d’amour mais personne ne se parle. On additionne les vies, sous du béton et dans des boîtes à 15 K le mètre carré pour avoir l’air d’exister.
Commenter  J’apprécie          20
Tu étais sortie sur le balcon. Je suis resté immobile en priant pour pas que tu partes. Mes yeux ont attrapé les tiens et tu m’as regardé avec gentillesse. On flottait ensemble. Ton regard me disait que tout allait bien et de ne pas m’inquiéter.
Par miracle, depuis deux ans que je n’y arrivais plus, je me suis mis à pleurer. J’ai chialé, juste parce que j’étais heureux d’être là. J’ai fermé les yeux super fort pour t’imaginer contre moi, pas de cul, juste de l’amour. C’est comme ça qu’on
fait avec ton genre de fille. Le temps que j’ouvre les yeux, les trois trouillards étaient sortis de leur cachette et te regardaient avec moi. Derrière toi, un mec avec une barbe et une gueule de mollah Omar est sorti de nulle part, t’a attrapée par le
voile avec le doigt pointé vers nous en gueulant un truc en arabe. J’avais peur.
– C’est qui ?
– La sœur d’Omar le Salaf, m’a répondu Sékou.
– T’approche jamais de cet appart, Abad.
– Ouais, t’inquiète, de toute manière c’est une voilée, elle suce pas. 
Commenter  J’apprécie          10
INCIPIT
Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s’appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. C’est mon père qui a choisi qu’on débarque ici. Je me dis souvent que ce vieux doit aimer la misère, comme si c’était la femme de sa vie. Une espèce de seconde peau
que tu aurais beau laver. Inscrite dans tes gènes, à jamais. Ici, c’est Barbès, Goutte-d’Or, Paris XVIIIe, une planète de martiens, un refuge d’éclopés, de cassos, d’âmes fragiles, de «ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa», de vieux Arabes d’avant avec des turbans sur la tête et des têtes d’avant, de grosses mamans avec leurs gros culs et leurs gros chariots qui te bloquent le passage quand tu veux traverser le boulevard. Des gens honnêtes qui ont toujours l’air de voleurs et qui rasent les murs pour pas qu’on les voie. Une rue où il n’y a pas de femmes qui marchent toutes seules. Une ville dans la ville, monstrueuse et géante, une verrue pourrie sur la carte. La première fois que j’y ai foutu les pieds, ça ne me changeait pas beaucoup de ma rue, petit, au Liban. Ici ou là-bas, quand tu arrives, les immeubles t’écrasent comme si tu étais un insecte. Quand tu entres dedans, ils t’avalent et te recrachent comme les pépins des premières grenades d’été, juteuses, que tu manges avec le plaisir d’un gosse. Ma rue a la gueule d’une ville bombardée, une gueule de décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais, où les murs ressemblent à des visages qui pleurent. Des murs qui n’ont jamais été blancs et qui semblent hurler sur toi quand tu passes devant. Je suis arrivé dans ce bordel il y a à peine trois ans et j’ai déjà l’impression d’avoir vieilli de dix piges, rien qu’en me posant sur le banc du square Léon. Juste à regarder les gens. Les enfants ont l’air de centenaires. Des yeux de vieux, sur des gueules d’anges. Surtout les petits Noirs. On dirait qu’à force de vivre les uns sur les autres, ils ont une âme pour cinq. Ce n’est pas de leur faute, je sais, c’est vrai. Mais avant de vivre ici, j’en avais jamais vu. Mon nouveau pote de l’école, le fils du marabout de la mosquée Poulet, dit toujours au prof de français: «Ta France, garde-la, c’est pas à
nous!» Tu vas te demander pourquoi un blédard comme moi, pardon, un primo-arrivant, comme dit la grosse du service social, sait tout ça. Je te dirai juste que je suis un esquiveur: je fais croire que je sais rien, comme ça ceux qui savent savent que je sais. T’as pas compris, c’est pas grave, tu pigeras plus tard. La mère dit toujours qu’on est des Arabes pas comme les autres, et même si on vit au milieu des Arabes, on n’est pas comme eux, on leur ressemble pas. Va savoir ce qu’elle veut dire par là, faudra m’expliquer. De toute façon, dans cette ville, un Arabe ça reste un Arabe, surtout si tu viens de Barbès. T’auras beau te laver et te mettre tous les parfums du monde pour choper toutes les filles du monde et faire le beau gosse,
tu sentiras toujours l’Arabe de Barbès. C’est la vie, faut s’y faire. Ici, t’es à Paris et pas à Paris. Ici, c’est une rue de sauvages. Les valeurs c’est fini.
Même les barbus de la mosquée se baisent entre eux. Chacun pour soi et un seul bon Dieu pour tous. Moi, je fais semblant d’y croire pour faire plaisir à maman. Mais j’ai déjà vu trop de morts chez moi, je veux plus en parler, plus jamais. Dans
ma rue, t’as pas le droit d’être un faible, les faibles ça finit sur un trottoir comme les putes de Porte de Clichy et les crackers de Porte de la Chapelle.
Au fond, Barbès, c’est pas différent de Baabda. Les mêmes têtes de mercenaires qui en ont déjà trop vu, la même odeur de fleur d’oranger mêlée à la crasse, la même musique entre les cris des mômes et les hurlements des alcoolos du café d’en bas, les mêmes visages de vieilles mères fatiguées, la même merde dont tout le monde se fout royalement.
Surtout Léon, qui à mon avis s’en bat les couilles de là où il est. Voilà comment je voyais ma rue – avant elle. 
Commenter  J’apprécie          10
Baba, il est comme tous les pères de mes copains. Ils ne parlent pas , travaillent comme des esclaves, des boulots de merde qui salissent et éclatent votre corps en morceaux. Ils n'embrassent pas, mangent et dorment tout seuls, font l'amour à maman, juste pour enfanter, et des garçons de préférence. les filles, c'est que des problèmes. Ils sont comme des ombres à vivre à côté de vous sans vous voir. Les seules paroles dont on pourraient se souvenir quand on sera plus âgé, ils les prononcent avec leurs poings. Ils vous évitent mais ils tapent fort, très fort, pour dire qu'ils sont là. Si tu dois trouver un sens à ton existence, ce sera dans les coups de ton père.
Commenter  J’apprécie          40
On est beaucoup dans ma rue, et même au collège, à être élevés par des droites et qu'on fait taire avec des bonbons. La principale religion à la maison s'appelle le silence. Pour éviter les problèmes et espérer être un peu heureux, la tactique à employer est de fermer sa gueule, baisser la tête, raser les murs. Alors c'est ce qu'on fait, maman et moi.
Commenter  J’apprécie          20
une fille, ça s'échappe pas. c'est un oiseau dans une cage fermée à double tour. A moi, des ailes me poussent. je me suis souvent blessée en essayant de les couper.
Commenter  J’apprécie          40
Vous savez, une pute, c'est une belle qui a grandi trop vite. Même si vous pensez que c'est juste une pute, je le sais et je vous le dis, une pute, c'est une maman aussi.
Commenter  J’apprécie          50
Ma rue a la gueule d'une ville bombardée, d'une décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais, où les murs ressemblent à des visages qui pleurent.
Commenter  J’apprécie          20
"Les adultes oublient toujours leur enfance, c'est pour ça qu'ils deviennent des vieux cons,"
"Les parents perchés dans leurs tours d'ivoire veulent toujours vous faire avouer des choses que vous n'avez pas faites. Mais ils refusent de vous entendre."
"On naît en hurlant pour montrer au monde qu'on est là et quand la Faucheuse s'installe à nos portes, on hurle à l'intérieur de nous pour ne gêner personne. Parce que ça ne se fait pas."
"La dame d'ouvrir dedans m'a dit que les souvenirs traversent la peau des familles. Ce qu'il y a au plus profond reste en nous, à travers les enfants, les petits enfants et les petits-enfants des enfants."
Commenter  J’apprécie          60
On avait tous un point commun en dehors de nos familles un peu cassos : on voulait grandir sans entraves, sans dieu, sans maître, vivre vite et atteindre même un bout de cette jouissance autorisée uniquement aux gens bien nés. Mais pour ça, il nous fallait de l'oseille, beaucoup d'oseille. À la hauteur de nos rêves pourris et de notre libido de puceaux pleins d'hormones. (p. 163)
Commenter  J’apprécie          20
J'aime bien les valises. Les valises, c'est toujours des souvenirs de vie. Il y a celles qui ont trop vécu et celles qui vivront demain à vos côtés. Celles avec lesquelles on part, on reste, ou on ne revient jamais. On les bourre, on les transporte, on fait pas attention, on les sort que pour partir en vacances, alors qu'elles, elles ont tout vu de nous ; les joies, les malheurs. On ne les calcule plus, on oublie jusqu'à leur existence. Et parfois on les remplit de vieux souvenirs de ceux qui sont morts. On les cache pour pas être tristes et elles finissent par pourrir dans un coin de la maison, parce qu'est trop dur de les regarder. Mais elles, elles continuent de nous regarder vivre et, quand on finit par mourir, elles nous survivent. (pp. 122-123)
Commenter  J’apprécie          30
C'est ça les vieux, un jour ils s'aiment, ils veulent plus se lâcher, et quand les corps se rapprochent de la fin, ils s'évitent pour pas pourrir trop vite. (p. 74)
Commenter  J’apprécie          10
Dans cette rue, malgré les enfants qui essaient d'être sages et quelques putes vertueuses, il y a quelque chose dans le béton qui vous porte malheur. (p. 61)
Commenter  J’apprécie          10
Je me racontais mon film en un long plan séquence. Le métro qui grondait en rentrant sous terre, blanche et son décor de fête foraine, le rond point de la place de Clichy, les roms qui squattaient devant le Wepler, puis : cut. p183
Commenter  J’apprécie          10
Sur le boulevard des rêves brisés, la chair des femmes est un trésor. Car avec Clarisse, la dette augmente chaque jour comme les kilos sur son gros cul que tous ont envie de botter. Sur le boulevard des rêves brisés, le putes ne sont pas blanchisseuses et finissent noyées dans la crasse. Sur le boulevard des rêves brisés, les putes, même les plus belles, meurent comme des mouches noyées dans le pot de miel. Sur le boulevard des rêves brisés, j'ai appris que les hommes ne pleurent pas et que la vie est une sacrée pute. Sur le boulevard des rêves brisés,l'amour c'est pour les autres et surtout pas pour nous. Ici la mort infeste le bitume. p145
Commenter  J’apprécie          10
On n'est pas si différent avec la dame d'ouvrir dedans, au fond. C'est l'histoire de ce pays : on a presque tous, d'où que l'on vienne, d'où qu'on parle, peu importe notre Dieu, une histoire de valises à vivre et à raconter. p123
Commenter  J’apprécie          10
Je crois que je vous déteste car vous arrivez un peu à me comprendre, même si je t'aime bien des fois, mais franchement jette ton chat, il sert à rien.
Commenter  J’apprécie          110



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Sofia Aouine (686)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz des Anges

Ce tableau représente la Vierge et l'Enfant entourée de cinq anges, dont deux tiennent la couronne composée d'étoiles en Stella matutina au-dessus de la tête de Marie. Qui a peint La Madone du Magnificat?

Leonard de Vinci
Sandro Botticelli
El Greco

10 questions
13 lecteurs ont répondu
Thèmes : anges , anges gardiens , anges & démons , angélique , littérature , cinema , adapté au cinéma , adaptation , religionCréer un quiz sur cet auteur

{* *}