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Critiques de Sophie G. Lucas (44)
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Mississippi

Déclinaison d’une généalogie du début du 19è siècle à nos jours, à travers huit personnages plus ou moins apparentés et pourtant si différents dans leur histoire.





Celui qui découvrira à son retour d’un voyage aux Etats-Unis qu’il n’a pas d’existence légale, faute d’avoir été déclaré à la naissance, et dont la forme de l’expression exprime bien le chaos intérieur d’un homme pris dans une tempête existentielle, ouvre le bal. Même s’il ne s’agit pas de liens du sang, il côtoiera de près le père des frères lumières, les inventeurs du cinématographe.

Puis d’alliance en naissances impromptues , les années s’écouleront sur un fond d’Histoire mouvementée.



De portrait en portrait, apparaissent ainsi de beaux profils de femmes indépendantes et rebelles, rejetant le moule de conformité qu’on tente de leur imposer.



On saisit aussi la fragilité de ces destins, ballotés au gré d’événements qui les dépassent et de hasard rarement heureux.



L’écriture, qui flirte avec l’exercice de style, s’adaptant à la personnalité de chaque personnage, permet d’éviter la monotonie.



Merci à lecteurs.com et aux éditions de la Contre-allée



192 pages Contre-Allée 18 Août 2023


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Mississippi

Suivre les mouvements d'un fleuve afin de mieux comprendre ceux des humains.



L'autrice, Sophie G. Lucas, est une poétesse française née à Saint-Nazaire mais vivant actuellement à Nantes. Elle ne voit paraitre son premier livre qu'après sa quarantaine. Elle était inconnue pour moi. On lui reconnait un regard social et documenté, qualité que j'ai approchées dans Mississippi.

Je vais essayer de trouver le livre « Se recoudre à la terre » ou « Neige blanche », ce recueil de poèmes pour lequel elle a été lauréate du Prix de Poésie de la ville d'Angers en 2007, et qui est dit autobiographique et parlant de la mort de son père.

La « Collection La Sentinelle, une attention particulière aux histoires et parcours singuliers de gens, lieux, mouvements sociaux et culturels » a très bien choisi en éditant ce livre pour illustrer des vies qui resteraient sinon plus facilement dans l'ombre.



L'image qu'elle suit dans ce récit est celle d'un fleuve avec ses mouvements, ses assèchements ou ses débordements, ses pérégrinations assimilées aux vécus générationnels. Elle essaie de calquer ses mouvements sur ceux des vies humaines en traversant le temps et les frontières.

L'histoire est difficile à résumer, même difficilement descriptible. C'est une espèce de « picorage » de vies humaines picorées au gré des choix de l'autrice. Je dis picoré car elle ne fait que s'approcher sous forme d'arrêts sur image sur des vies à un temps T.

Pour lier tout cela elle utilise une écriture qu'elle a certainement voulue proche de la poésie. C'est déroutant puisqu'on s'attend à un roman qui serait une fresque s'étalant de 1839 à nos jours. On ne suit pas à proprement parler une lignée familiale : on picore des moments forts de l'Histoire au travers d'émotions et sentiments de vies humaines individuellement observées.

L'image du fleuve calqué sur un arbre généalogique n'est pas si nette, mais on peut la retrouver si l'on cherche bien, si notre lecture se fait dans le calme, lentement, sans excès de jugement.



Les personnages et les temps forts.

On commence par un couple de parents nés en 1800 qui ont trois enfants dont une fille Françoise. le graphique de la lignée est présenté au tout début du livre. Vite on arrive à Impatient ce personnage dont le texte dit ; « Il est anguleux, furieux. Il n'a pas été déclaré, un oubli, une erreur ? On ne saura pas ». Il dit de lui «  Je ne suis peut-être pas dans ce registre, mais j'ai mille vies en moi ». Ce fils de franc-comtois arrive dans les plaines du Mississippi, « pour une terre, pour de l'or ».

Le lecteur passe ainsi de personnage en personnage de la lignée choisie par Sophie G.Lucas.

Alexis, Marie puis Edouard pour illustrer la révolution et « la foule tombée en silence ». Marthe en 1914 qui ne sait pas encore que c'est la grande guerre puisqu'elle-même vit la guerre de son corps, et pour laquelle il est question d'accouchement à l'hôpital et plus à domicile. Elie et la ruralité du siècle dernier. On en 1946 à Dakar, puis très vite on est en 1998 et enfin en 2006 aux côtés d'Odessa.



Citation pour mettre en scène l'écriture de l'autrice :

1967 : « L'homme en guerre crache du feu de son corps, on n'était pas sensé faire la guerre, pas à nos âges, pas à cette époque, yéyé et rock n'roll, ce n'était pas la promesse de nos ainés, l'homme en guerre a ravalé sa colère, a fait la guerre, enfin ce n'était pas la guerre disait-on là-haut, mais le maintien de l'ordre, ce n'était pas la guerre dans nos propres territoires, car c'était chez nous, l'homme en guerre ne faisait pas la guerre alors, , il pacifiait, , c'étaient des opérations de pacification, on gardait un col, on gardait une ferme, on fouillait des villages, et puis on tuait, bien sur on était tués aussi, on raflait, , on contrôlait, … ».

Ou encore : « c'était comme un fleuve en nous qui nous reliait, de génération en génération, de région en région, ça nous forgeait, et parfois ça débordait, et parfois ça soulevait… »



Merci aux Editions La Contre Allée et à lecteurs.com de m'avoir permis de découvrir cet éditeur et cet auteur.
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Assommons les poètes

L’auteur est poète, amoureuse des mots.

Elle raconte des moments de sa vie, ses émotions, ses voyages, son métier d’écrivain, et on se laisse agréablement porter par ses paroles.

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Désherbage

Sophie G.Lucas s'est promenée dans les bibliothèques et les médiathèques, Nous l'avons rencontrée. Non seulement elle raconte ce qu'elle observe avec beaucoup de finesse et une analyse très complète de la fréquentation de celles-ci mais elle ajoute une bonne dose d'émotions, d'humour et de poésie, comme elle sait si bien le faire ( jetez donc un coup d'oeil sur "Témoin", "Assommons les poètes"). Merci à vous Sophie d'avoir porté une telle attention sur notre travail. C'est superbement réussi.
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Mississippi

Tab'arnaque ! On m'avait vendu ça comme une grande fresque familiale traversée par le bouillonnement du fleuve Mississippi. Je me voyais déjà dans une saga à la Cent ans de solitude dont Tom Sayer serait un des personnages, un récit americain porté par les doubles voix de Steinbeck et d'Isabel Allende. Que dalle ! Déjà quand je l'ai reçu (merci Babelio et les Éditions de la Contre-allée !) et que j'ai vu que ça faisait moins de 200 pages, je me suis dit C'est pas possible; y a un loup quelque part. On m'avait dit que l'écriture était hyper originale et poétique. En fait non, on dirait que l'autrice a jeté sur le papier des mots clés comme quand je commence un cours par un nuage mots sauf que, dans mes classes, après qu'on a posé les hypothèse dans le nuage de mots, il y a un cours. Là non, y a rien; le livre est fini. C'est un brouillon qui coûte 18 euros et heureusement que je ne les ai pas déboursés. Chaque chapitre raconte un instant de vie d'un membre de la famille. Et puis on passe au suivant. Il n'y a donc aucun suspens, juste une logorrhée désagréable censée incarner le flot du fleuve (180 pages de métaphore filée, c'est long.) 180 pages de mots et de parenthèses mais aussi de clichés: les femmes y sont toujours fortes, libres, debout, en feu, sorcières (ah, c'est tellement à la mode d'être sorcière !)

Malgré tous ces défauts, j'ai adoré 2 chapitres: celui du récit de l'aventure industrielle des Frères Lumière (enfin, sur 10 pages) et celui de l'accouchement d'une fille-mere à l'hôpital de Port-Royal. A part ça, quel ennuiiii ! Les 180 pages les plus longues du monde.
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Mississippi

De 1839 à 2006. D’Impatient Lansard le vigneron à Odessa la photographe. De la Haute-Saône à La Nouvelle Orléans en passant par Paris et New-york. De la Commune à l’ouragan Katrina en passant par la première Guerre Mondiale et la colonisation. Sophie G. Lucas déploie une destinée familiale sur plus de cent soixante ans. D’une période à l’autre, d’un lieu à l’autre, elle parcourt l’arbre généalogique comme on descend un fleuve au cours tumultueux.

« La Geste des ordinaires ». Ce sous-titre résume à merveille l’enchevêtrement de ces destins individuels dans la grande Histoire collective du monde, un monde où les aspirations à l’émancipation se heurtent, quelles que soient les époques, à d’insurmontables obstacles.

Un premier roman culotté. Culotté parce qu’il ne va pas vers la facilité. Les voix qui s’expriment dans chaque chapitre ont toutes un timbre différent, on navigue entre des récits à la première et à la troisième personne, le rythme change sans cesse, déstabilise parfois, l’usage excessif des parenthèses agace souvent mais participe à cette forme d’exigence dans l’écriture qui ne sonne jamais artificiellement. Sophie G. Lucas ne se regarde pas écrire, elle ne donne pas dans l’emphase, dans la démonstration littéraire sans âme. Exigeant mais accessible, son texte est une grande réussite, de celles qui lancent une carrière d’écrivain sur les meilleurs rails possibles.


Lien : https://litterature-a-blog.b..
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Mississippi

Une histoire de famille captivante, sur presque 200 ans, qui traverse les grands évènements de l'Histoire de France. Les personnages, de pères en fils, de mères en filles, sont des petites gens, de la campagne, de la ville ou même des colonies, animés d'un feu qui leur donne l'énergie de chercher toujours mieux, toujours plus. Comme portés par la violence et la force d'un fleuve américain, connu de leur aïeul, ils suivent inlassablement leur «rêve mississippien».



Chaque vie est un roman à lui tout seul et je me suis passionnée pour cette famille dans laquelle les destins se croisent et se ressemblent.



La langue très poétique de Sophie G.Lucas donne l'impression de lire un long poème en prose ou bien de parler un langage inconnu. Si je me suis habituée au style à la fois complexe et naturel, il a fini par me lasser et les efforts que j'ai dû faire pour ne pas perdre le fil, ont nuit à l'intérêt que je portais au départ pour ce « cadavre exquis familial ».



Ne serait-ce son style, j'aurais aimé suivre plus longtemps chacun des personnages et je garde un sentiment d'inachevé en refermant ce livre.



Un roman puissant qui ne se lit pas facilement et qui perd un peu de son intensité sur la fin. Mais quand un arbre généalogique devient un fleuve, il faut juste se laisser entraîner par le courant et profiter de l'émotion d'un texte si poétique.

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Mississippi



Premier roman d'une autrice française, Mississippi raconte l'histoire d'une famille originaire d'Ormoy en Haute-Saône entre1839 et 2006,

.Le récit s'articule selon la période, le lieu de vie des membres de cette famille du terroir bourguignon ou de « pièces rapportées » comme on dit.



L'un d'entre eux, il y a très longtemps est parti aux États-Unis et en est revenu la tête pleine de rêves d'un paradis perdu, en partie rêvé. C'est ce mythe du bonheur à aller chercher « ailleurs » qui nourrit les espoirs de la famille. L'idée n'est pas originale, pas plus que celle de tenter de retracer par le récit ce qui fait l'identité d'une famille. Une généalogie par la restitution de l'expérience.



Plus originale est la forme, la scansion des phrases, hors de toute syntaxe classique, nourrie d'un vocabulaire tout droit sorti de l'imaginaire de celui qui parle. On lit les phrases et, comme en arrière-plan, on entend la voix, une voix, ou plusieurs, qui scandent des mots, des bribes de phrases, des images surgissent, des émotions, le Mississippi, symbole d'une vie ailleurs, surgit et nourrit des mots nouveaux, totalement inventés, qui ne déroutent ni ne choquent, parfaitement compréhensibles.



Insidieusement, une voix se glisse entre les mots et à son tour prononce la langue française réinventée, malgré moi je l'entends, je la reconnais, ce timbre si particulier, cette scansion tour à tour hachée, indignée, presque en colère, et puis rêveuse, envolée dans l'imaginaire...Je ne sais pourquoi, c'est un slam que j'entends, c'est la voix d'Abdel-Malik, et peut-être par moments, plus grave, plus profonde, celle de Grand Corps malade.



Une expérience de lecture intéressante, à faire par moments à voix haute si l'on peut.
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Désherbage

Le titre m'a attirée..ce désherbage qui m'a toujours fendu le coeur! Mais cette opération ne prend qu'une page , je n'ai pas été déçue car les sujets évoqués sont le reflet de l'intérêt des bibliothèques, du désarroi des bibliothécaires à qui on demande tout et son contraire. La transformation en tiers-lieu me plait bien.

Documentaliste en collège, j'avais un public ciblé. Sophie G Lucas semble étonnée de l'absence d'ados mais les CDI sont là pour écouter leurs besoins et leurs désirs. En seconde, ils retrouvent le chemin des médiathèques car les lectures prescrites au lycée ne sont pas toujours celles qui contribuent au plaisir de lire (j'ai fait deux brèves expériences en lycée technique et en lycée classique et c'est ce que j'ai constaté)

Un essai qui se lit comme un roman car l'écriture est fluide.

A conseiller à tou(te)s les bibliothécaires mais aussi aux lecteurs et lectrices qui s'étonnent parfois des changements...la bibliothèque n'est plus un sanctuaire où le silence est exigé. Mais le livre doit rester le héros!!
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Assommons les poètes

Après"Témoin" voici " Assommons les poètes". Sophie G.Lucas a l'art - et la poésie- de faire partager le quotidien à petits coups de plumes qui font sourire, rire, et en tout cas nous touchent. Elle ne nous assomme jamais, nous, les lecteurs, quand on entre dans sa si jolie prose.
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Témoin

Des textes courts, incisifs, comme le sont souvent les déclarations des hommes et des femmes qui sont ici cités, à coup de mots et d'émotions, de larmes et de cris qui souvent n'ont pas pu surgir. Fautifs? Victimes? Ici Sophie G. Lucas ne juge pas, elle témoigne, avec sa belle plume qu'elle a trempé dans la poésie, dans le respect de l'âme humaine et peut-être dans sa propre histoire?
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Mississippi

Bon, alors : une fois n’est pas coutume. Je suis complètement passée à côté de ce récit. Rien à voir avec la qualité de l’intrigue … Sophie G. Lucas décrit assez clairement les divers faits – et protagonistes – qui traversent trois siècles (de la fin du XIXème au début du XXIème …) N’y voir aucune critique sur ses talents d’écrivaine, donc !



J’ai tout d’abord cru (j’avais d’ailleurs adoré un autre roman, d’un autre auteur, et dont le titre était « Mississippi solo » …) que j’étais partie aux États-Unis : dès les premières lignes j’ai pu réaliser que nous étions en France.



Mais voilà, je n’ai pas du tout accroché au rythme stylistique (trop dense) qui m’a donné la sensation – durant la lecture – de perdre mon souffle ! Qui m’épuisait au point d’avoir du mal à passer d’une période à une autre … Je n’ai (hélas !) pas ressenti d’émotion durant la lecture de la poétesse … Quand bien même ce texte entre dans la catégorie de la simple prose, plutôt que dans celle de la versification … J’ai eu l’impression continue d’entendre une voix qui me récitait une fable ou une odyssée, sans jamais se poser …



Loin de moi la moindre intention de dévaloriser ce (court) roman : ce n’est juste pas ma « cup of tea » !
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Mississippi

impossible d'entrer dans cette écriture, trop travaillée, littéraire ?! que je ressens comme artificielle. lourde voire pénible..

en plus la mise en page est dense et compacte ce qui n'aide pas non plus la lecture où rien n'est aéré .. du coup je ne me suis pas attardée très longtemps ni plus que ça effectivement mais vu le nombre de pépites qui attendent sur les rayons ça n'est pas bien possible autrement
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Ne vivent haut que ceux qui rêvent

Je ne sais trop pourquoi ces souvenirs me reviennent mais vous rappelez-vous du film « Solo » et « l’albatros » du cinéaste Jean-Pierre Mocky : période noire et révoltée ? Sans doute le mot « solo »



Connaissez-vous le bar de l’enfer à Nizon (le village du Hang ’art) près de Pont-Aven ?

Xavier Grall habitait, non loin.

Ce livre hommage / témoignage est l’œuvre d’un collectif. Ils sont 27, pas tous bretons à prendre la plume pour évoquer Xavier Grall, poète, écrivain à l’occasion du quarantième anniversaire de sa mort.

Parmi les textes, celui de joseph Ponthus : qui a retiré de son expérience d’ouvrier intérimaire dans des conserveries de poissons et abattoirs un livre « À la ligne, feuillets d’usine ».Son texte n’est pas le moins fort.

A de nombreuses reprises, il est question de « solo » poème de Grall.

Il n’est pas dans ce recueil, mais je le mets en « citation »



Ah, oui……. j’oubliais : Grall était mécréant et sans doute allait-il parfois prendre un petit rouge au bar de l’enfer. Yec'hed mat !







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On est les gens

je voudrais être poétesse reporter comme Sophie G Lucas

poétesse des gens qui ne disent pas si on ne dit pas avec eux parce que personne ne tend l'oreille

je veux gueuler joliment

en forme la hargne

du cote des gens dessous parce que la colère face mépris

je veux être poétesse des gens silences

je suis silence d’enfance

je ne serais pas silence de mort

dire les gens de la vraie vie même les sous même les pas même les plus jamais

médiationner tous les publics

qui dit y a besoin?

Et puis soi les foulards multicolores pour accompagner les larmes et les lunettes pour les rares par ans

Cric crac on déchire tout

Cric crac on vit



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Mississippi

Fabuleux, un havre où chaque degré est une aube nouvelle.

« Mississippi » « La Geste des Ordinaires » fleuve littéraire fascinant, qui traverse les époques, et dont le halo souverain est résurgence.

Ce kaléidoscope est d'une force rare, d'une beauté inouïe. On retient entre nos mains cette généalogie spéculative. L'acuité des existences et ces êtres qui gravitent dans les pages intenses et puissantes.

Fleuve dont le reflet approuve la trame intrinsèque.

Sophie G. Lucas tisse les fils et nous écoutons le charme des phrases. Ces vies qui ne sont plus anonymes mais que les ombres infinies tourmentent encore inlassablement.

De 1839 à 2006, le flambeau passe de main en main.

« Mississippi » emblème et sceau, endurance et bravoure, tristesse et attachement. L'écriture coopère au rythme du temps.

L'histoire dans la grande, on aime d'emblée ce chant d'une langue aux multiples éclats de réel.

Les personnages comme des héros sidérants d'humanité, de ténacité et de fraternité.

L'évidence des liens, et l'obsession cardinale d'inclure le fleuve sur leurs coeurs.

L'incipit comme un tremblement d'eau glacée, paysan du monde, un homme debout, qu'on aime de toutes nos forces.

À quoi ça ressemble un homme du XIXe siècle ? Comment ça bouge dans son corps ? Comment ça épouse le paysage ?

Impatient, c'est son prénom, majuscule qui tient en main le fil d'Ariane d'un livre beau à couper le souffle. le premier du nom, lui, l'anonyme, herbe fauché. L'attente du regain. « Impatient Lansard, militaire et fils de vignerons ». le mal aimé, le prénom (le vrai), noyé dans le Mississippi. Jusqu'au jour de rédemption. Pas maintenant, pas tout de suite. Des fiançailles en advenir avec le pardon. Retrouver son prénom aux yeux de la loi.

« Es-tu satisfait Impatient. Impatient prend la lumière, la voix de Julien dans le dos. Merci, et s'en va, sort, fuit presque, le fourmillement de la ville de Vesoul encore sous ses pieds, quand les autres, ses compagnons étaient heureux de revenir au village après témoignage, comme quelque chose de perdu là-bas ».

On avance méandre après méandre, subrepticement, siècle de labeur, de sueur, et « un cours d'eau sur la peau de son visage ».

L'osmose d'un tableau frémissant, où les années content les turbulences, les efforts pour vaincre la pauvreté et s'émanciper. La dignité comme la grâce spéculative d'un fleuve-vie.

1868, voici donc les pages à apprendre par coeur. Fleuve-mère qui cherche l'enfant. On observe l'essentiel et le brûlant, le passage de l'initiation pour ce petit garçon. La fusion des évènements, des images, scène au ralenti. Edouard qui s'échappe, l'oisillon qui apprend, « né de la foule ». Relire alors ce chapitre, coopérer avec cette mère, Marie, qui devine l'heure où le fleuve vient d'happer son fils.

Le livre est ainsi. Vibrant, essentiel, Mississippi, le guide, entre champs, chemins et ténacité.

2006 Odessa.

« Après ça, Odessa changea de vie. Après ça, fit cabane et terre quelque part dans les marais ».

Écrire Odessa, contemporaine, altruiste, dévoreuse d'humanisme. La Louisiane gémellaire du Mississippi. La Louisiane est apeurée, fleuve qui charrie la boue et les corps engloutis.

Odessa, parabole vive, « communauté dansante entre le Mississippi et le lac Pontchartrain, Indiens, Noirs, Rois, Reines, Confréries, Tribus, Foule, Gens. Odessa ne reconnaît pas ceux et celles photographiés ».

« Mississippi » on a tous en nous quelque chose, du Mississippi. Les faillites humaines, les folies des hommes, Katrina, l'ouragan qui signe le temps passé, meurtri, et le présent, la lassitude des révoltes, ce qui déborde. le désastre des inégalités. Le monde ici présent, est le recueil des vies. Des théologales échappées pour vaincre l'adversité. L'humanité des hôtes des pages carillonne comme un chant entendu et compris, en haute montagne .

« Mississippi », un pur chef-d'oeuvre. La traduction d'un fleuve mappemonde, littéralement grandiose. le triomphe des destinées singulières. À noter une première de couverture explicite et douce, illustrée par Renaud Buénerd, à la fois fleuve et arbre généalogique.

Publié par les majeures Éditions La Contre Allée .

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Notown

(Quelqu’un lit par-dessus mon épaule, hausse les siennes et s’interroge : «Comment peut-on écrire un livre sur une ville où l’on n’est jamais allé ?» Sans doute parce que la poésie peut tout...)

Si donc la poésie a tous les droits, elle ne garantit la réussite d’aucune expérience. Mais ici, il s’agit bien de réussite.

«Empathique» est le premier adjectif qui vient pour qualifier ce petit livre. Découvrant, au travers d’interviews, ce que vivent depuis plusieurs années les habitants de la ville américaine sinistrée de Detroit, Sophie G. Lucas a moins voulu prendre la parole que la leur donner («après Motor City / Motown / Hitsville / Murder City / Notown / Detroit est devenue / Shrinking Town / la ville qui rétrécit / Detroit est passée de deux millions / à 700 000 habitants / on la surnomme le Ground Zero de l’économie nationale »). Leurs mots, confiés ici et là dans des micros, prennent une tout autre force lorsqu’on les lit imprimés sur le papier, dans un livre : comme arrêtés, ils portent. Et le plus simple devient le plus bouleversant – «nous avons été liquidés [...] on n’a pas vu la fin arriver [...] plus de 60 000 maisons ont été saisies [...] l’Enfer c’est maintenant»...

Au delà des paroles strictement rapportées, Sophie G. Lucas n’analyse pas – ni ne poétise –, elle rend compte, au plus près, des images vues : «les scellés sur les portes des maisons [...] les rideaux des magasins tirés / d’autres à moitié soulevés pillés [...] les toits brûlés (des trous) / et le ciel dans les maisons»...

Avec une économie d’écriture exemplaire et scrupuleusement limitée au factuel, Sophie G. Lucas nous emmène là où elle n’est pas allée et, partant, nous rend à l’appréhension, proprement humaniste, de la misère du monde, offrant ainsi une illustration de l’inoubliable formule de Miguel Torga : «L’universel, c’est le local moins les murs». Pour paraphraser un slogan fameux de Mai 68, nous pourrions tout autant affirmer ici et aujourd’hui : «Nous sommes tous des habitants de Detroit».

Le petit format carré de ce livre, très élégant, sert au mieux la brièveté des textes, et les encres de Maxime Dujardin se révèlent d’une impeccable pertinence.

Chronique parue dans "Encres de Loire" n° 65, automne 2013


Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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Désherbage

Une ode aux bibliothèques tout en délicatesse, écrite en réaction aux nuits de violence de 2018, durant lesquelles trois médiathèques de quartier avaient été mises à feu. Cette fascination de certains pour "la culture flambée" peut être reliée, selon Sophie G. Lucas, au brasier fondateur qui ravagea celle d'Alexandrie... Ce sentiment de fragilité qui étreint les amateurs de papier s'accentue encore par la peur croissante que le nombre de lecteurs s'amenuise, et que le livre finisse par disparaitre. Au fil des entretiens et des visites Sophie G. Lucas, en résidence d'écriture pour le compte de la Bibliothèque départementale de Loire Atlantique, déroule les problématiques qui sont celles de ces établissements publics dont certains n'hésitent pas à remettre en cause l'utilité. Ainsi les Ideas Store qui fleurissent en Grande-Bretagne, justifiant la fermeture de dizaine de bibliothèques, ou les librairies Amazon, dont un économiste Américain disent qu'elles sont le seul avenir de la lecture publique. Alors qu'une récente étude laisse entendre que le public viendrait plus nombreux en médiathèque s'il pouvait y acheter des choses, hérésie qui fend mon petit cœur de bibliothécaire et dérive consumériste effarante, quel devenir pour ces lieux et les professionnels qui les font vivre ? Alors partout on cherche à conquérir de nouveaux publics, on part en quête de la formule magique qui augmentera statistiques de prêt ou de fréquentation, au risque parfois de perdre son âme... Cette dérive peut aussi être imputée aux usagers, qui se comportent désormais plus comme des consommateurs que comme des citoyens. En l'absence de loi les bibliothécaires sont donc contraints à exercer un lobbying permanent auprès des élus, dont la connaissance du service public est parfois bien aléatoire. Ce texte met bien en lumière les problématique d'un métier en perpétuelle évolution et se fait l'écho des préoccupations des professionnels, tout en soulignant les attentes d'une population dont les usages sont en pleine mutation.
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Mississippi

C’est à travers plusieurs générations, à travers le temps et ses événements historiques, à travers différents espaces géographiques, que l’autrice nous livre ici une fresque familiale intime car en partie personnelle. Son but ? Essayer de comprendre ce que nos ancêtres peuvent nous transmettre et s’il est possible, dans certains cas de figure, de s’en émanciper.



Les premières pages ont été un peu compliquées à lire au prime abord, car l’écriture tient ses lecteurs en haleine : avec très peu de points et des phrases longues, on cherche à épouser les pensées complexes d’un personnage qui l’est tout autant. Mais par la suite, bien que les chapitres gardent toujours cette quête d’écriture poétique, on gagne en lisibilité à mesure que le ton change en fonction du narrateur, pour donner à lire leur pensée propre ainsi que leur personnalité. Chaque portrait est différent, soigné, surtout quand il est question des femmes de cette famille, où on valorise leur force, leur rébellion. Le lecteur est régulièrement invité à assembler les morceaux de puzzle de cette généalogie, tandis qu’il croise des personnages déjà évoqués dans des chapitres précédents, pour comprendre la portée de chaque histoire et leurs répercussions sur ceux qui suivent. D’ailleurs, j’ai souvent eu cette impression de photographies prises de chaque individu, qui les figerait temporairement dans un instant décrit, permettant de mieux les comprendre. En bref, au niveau de la construction narrative, il y a ce petit quelque chose qui rend la lecture addictive, qui captive. L’écriture de l’autrice y participe aussi grandement : on joue avec les sonorités, avec les mots et leur sens, ce qui fait de ce texte un récit vivant, propices à des représentations ou à des lectures oralisées. Tous ces éléments permettent, au bout du compte, d’aborder des thématiques fortes et pas toujours très simples à traiter (émancipation, famille, guerre, violences faites aux Hommes, quête de soi-même…), sans qu’on ait le sentiment que la lecture soit soudainement « plombée », perde en rythme. Enfin, l’image de ce fleuve qui revient régulièrement est à la fois bien trouvée et hautement symbolique : à l’image d’un cours d’eau, la famille suit son chemin, se sépare au gré des événements, connaît des périodes plus compliquées, mais sans pouvoir arrêter sa course, soumise à celle du temps.
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Mississippi

"Mississippi" est le premier roman de Sophie G.Lucas (l’auteure n’en est pas à son premier livre aux éditions de La contre allée), un texte remarquable en tout point, peut être le départ, espérons le !, d’une œuvre romanesque riche.



Il est remarquable parce qu’il est structuré, mais surtout audacieux et poignant en plus d’être doté d’un style personnel et confirmé. C’est un texte très évocatoire où l’on retrouve des procédés du réalisme magique sans que l’on puisse le rattacher à ce “genre”. Aucune magie ici à part celle de la plume de Sophie G. Lucas qui parvient à retranscrire ce que la vie a d’étrangement bien fait ou de sadique, avec ces tours maudits et ces retournements extraordinaires.



Une fresque familiale ou ce dont chacun hérite



Dans ce superbe premier roman, des voix s’élèvent depuis le passé, dans leur solitude, elles résonnent comme l’eau qui se jette contre la pierre. Elles sont celles de personnages qui ont fait partie de la même famille ou du moins qui ont vécu ensemble par le passé. Elles sont presque anonymes, solitaires, comme des échos elles semblent dériver jusqu’à nous.



Avec ces voix, on traverse un siècle d’histoire française au prisme de la sensibilité de chaque personnage. Il y a celui qui part en Amérique à la fin du 19ème, ceux qui partent à la ville, ceux qui restent à la campagne, celui qui est envoyé à la guerre ou encore celui qui vit dans les colonies etc.



Une traversée d’autant plus intéressante que l’objectif ne semble pas être celui d’informer mais bien de transmettre la “substantifique moelle” de l’histoire avec le petit “h”, soit ce qui aurait pu être le vécu d’un jeune homme songeur et fougueux ou d’une femme abandonnée par son mari.



En effet si Mississippi est une fresque, son sujet est moins l’histoire que la question de l’héritage et de la transmission.



Le roman raconte comment chaque personnage reçoit en héritage toute une mythologie familiale, un lot d’histoires : les rêves brisés, les espoirs échoués, les vies volées de ses parents, de ses frères et sœurs ou de ses grands-parents. L’idée qui en ressort implique que l’on naitrait avec une sorte de mémoire qui ne serait pas la nôtre mais qui la deviendrait au sein du foyer familial _ comme par contagion plus que par déterminisme _ que l’on transmettrait à la génération suivante et qui nous accompagnerait jusqu’à la fin.



Une idée très séduisante, plutôt convaincante et surtout au potentiel immense adroitement exploité par Sophie G.Lucas.



150 ans d’histoire à l’épreuve de la narration



L’image du Mississippi grondant, bouillonnant, sert de fil conducteur au roman. Le texte raconte comment les vies se télescopent et comment chacun se heurte à son époque, s’abîme contre le mouvement du monde en marche. C’est un livre qui raconte comment l’histoire et l’environnement socio-culturel affectent les individus et influent sur leur vie. Sont centraux l’anonymisation et la violence de la « vraie » vie. Inexorablement la vie des personnages crashe, dévie, se perd et s’éteint avant de s’effacer, d’être oubliée.



Sophie G.Lucas fait du fleuve l’allégorie de la vie : il arrache, empêche, noie, fait émerger etc. Et tout au long du texte, le style est au service de cette allégorie : le monde se transformant de plus en plus vite, le rythme de la narration s’accélère et les vies sont emportées avec la modernité et les horreurs du XXe.



Si l’on pousse plus loin il apparaît que le Mississippi sert aussi de fil conducteur au récit que les personnages font de leur vie. Ainsi ce roman s’intéresse aussi à la narration en général, à la façon dont les histoires sont racontées, comment elles prennent un sens et comment elles circulent (ce qui rejoint le point précédent). On mesure alors la fonction d'”exorcisme” de la narration dans ce texte.



Un travail sur le langage



Dans Mississippi, il y a aussi un intérêt évident pour la question du langage et de sa fonction, il semble que ce soit un des aspects les plus intéressants du texte d’un point de vue littéraire notamment.



Ainsi il y a une véritable recherche et une tentative de la part de Sophie G.Lucas de mettre en mots le passage du vécu, de la sensation brute à la formulation d’une pensée par le langage (il a très peu de dialogues). Par exemple, dans la première partie, des parenthèses créent des apartés, des éléments qui demeurent en suspens comme si tout n’était pas encore assimilé ou assimilable par le personnage. On trouve aussi de longues phrases, des répétitions et de nombreux autres procédés qui traduisent cette recherche.



Impatient, déployé dans tous ses sens, jamais n’oubliera, tout blaireau qu’il fut ( et ce ne fut pas la mer qui l’impressionna, il en avait même senti l’odeur de mort mais) le fleuve, comme une rencontre avec quelqu’un, le Mississippi est une personne, c’est ça se murmure-y-il, et ce qui coule dans mes veines n’est pas le sang de mon père mais l’eau du Mississippi, je suis le fils de Mississippi, C’est mon nom […]



Pour conclure, dans ce premier roman prometteur, on “écoute” des personnages marquants raconter leur combat pour la vie ou contre la vie, pour ou contre les leurs dans un monde dont le cours est en tout point similaire à celui du Mississippi : puissant, sauvage et incessant.



Ils sont tous pourvus d’une dimension tragique évidente mais leurs traits ne sont en rien forcés et il est évident que Sophie G.Lucas ne voulait pas raconter l’histoire de héros mais bien celles des “petites gens”.



Elle y parvient habilement dans une langue riche et envoûtante.
Lien : https://www.undernierlivre.n..
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