AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Stéphane Beaud (22)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La France invisible

En commençant ce livre j'ai été contrarié de constater qu'il "datait" de quinze ans déjà, s'agissant d'un ouvrage traitant de sujets de société c'était plutôt frustrant.

J'ai eu l'agréable surprise d'être très vite aspiré dans cette lecture constituée d'une quarantaine de sujets très divers mais se rejoignant tous sur le thème de l'invisibilité.

Des "Récits Enquêtes Portraits" dont certains inattendus comme les femmes au foyer, les banlieusards, le handicap, les stagiaires, les intermittents et bien d'autres encore. L'auteur ne juge pas, il ne verse pas d'avantage dans le "pathos", il énonce des situations et donne la parole à ceux qui vivent ou ont vécu ces expériences.La France invisible c'est à côté de chez nous, ce sont des gens que l'on croise sans soupçonner le drame ou la souffrance qu'ils véhiculent silencieusement.

L'auteur nous fait prendre conscience qu'il n'y a pas les forts et les volontaires d'un côté et les faibles ou les velléitaires de l'autre, on peut être fragilisé par un coup du sort ou la perte de son emploi, la maladie...

Toute une frange de la société ne "rentre pas dans les cases" et se retrouve en marge ou en difficulté dans la vie de tous les jours, dans l'impossibilité de concevoir un avenir.

Les faits évoqués dans cet ouvrage datent d'il y a 15 ou 30 ans, mais quant on voit l'état de crise actuel, on peut penser de l'auteur qu'il a été visionnaire d'une certaine façon, car rien n'a changé, cela a même probablement empiré.

Certains sujets m'ont vraiment remué, les témoignages sont vrais et les mots ont parfois un certain impact émotionnel, la diversité de l'ensemble fait que l'on va avoir quelques révélations en découvrant certaines situations sous un angle inédit.

Une lecture en deux parties ("Récits Enquêtes Portraits" et "Connaissances et représentations du monde social"), la deuxième partie étant plus technique, il s'agit d'un pavé (929 pages au format numérique) qui va demander un certain investissement.

Un livre pour apprendre ou comprendre pourquoi ça ne tourne pas rond.
Commenter  J’apprécie          662
Guide de l'enquête de terrain

Les turpitudes de la vie m’amènent aujourd’hui à me pencher sur des sujets que j’ai mis de côté il y a déjà près de 15 ans. C’est dans ce contexte et avec la perspective de devoir retourner sur ce qu’on appelle pudiquement « le terrain » que je me suis attelé à la lecture de cet ouvrage. Il faut qu’on s’avoue d’emblée entre nous que celui-ci, par sa technicité, intéressera un échantillon plutôt restreint de la population, comme le sont les ouvrages académiques de sciences sociales – et a fortiori les guides méthodologiques.



C’est aussi un livre qu’on picore plutôt qu’on avale, par petites bouchées qui viennent rassasier la curiosité – bizarrement située comme on le sait bien – des étudiant.es en herbe ou confirmé.es : « Dois-je enregistrer les entretiens que je réalise ? », « Comment me situer lors de l’observation d’une cérémonie rituelle comme un mariage ? », « Que faire de mes centaines de notes accumulées et désordonnées ? », etc.



L’enquête « de terrain » dont il est question ici est l’enquête ethnographique, une méthode d’investigation utilisée en sciences sociales, notamment en anthropologie et en sociologie. Celle-ci, qui à l’origine visait l’étude des peuples péjorativement dits « primitifs », mais qui s’est largement étendue depuis, se distingue d’abord des méthodes purement quantitatives. Mais au-delà de ça, et Beaud et Weber insistent à plusieurs reprises sur ce point, la démarche ethnographique n’a de sens que si l’enquêteur ou l’enquêtrice s’investit – dans tous les sens que le terme peut revêtir – au sein d’un « milieu d’interconnaissance », c’est-à-dire d’un univers spécifique dans lequel la connaissance mutuelle des personnes enquêtées produit des normes, des interactions et des comportements qui font sens à l’intérieur du milieu en question.



Ouvrage bourré de « petits trucs » et d’exemples à suivre – ou à ne pas suivre! – utiles à tous les stades de l’enquête, de nombreux passages dessinent aussi en creux une certaine vision de l’ethnographie et de ce qu’elle peut apporter aux sciences sociales, et notamment à la sociologie. A noter une bibliographie très riche dans laquelle il est facile d’aller puiser de nombreux exemples de travaux ethnographiques contemporains, ce qui complète bien ce guide. Une lecture qui satisfera donc pleinement les personnes intéressées, même si une actualisation tirant les conséquences du développement d’internet pour la recherche académique serait nécessaire.
Commenter  J’apprécie          270
Affreux, riches et méchants ?

A l'heure où l'équipe de France de football joue demain soir un match terriblement important ( comment ca, vous n'êtes pas au courant?) lui permettant d'accéder au quart de finale de la Coupe du Monde, un résultat qui serait un très bel objectif et qui lui permettrait certainement de tourner la page de leur dernière dramatique coupe du monde, j'ai lu récemment un ouvrage qui revient justement sur cette Coupe du Monde et sur les conséquences tragiques, en terme d'image médiatique notamment qu'elle a renvoyé aux yeux de l'extérieur.



Depuis leur grève lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud, en juin 2010, les joueurs de l'équipe de France de football souffrent toujours d'une image exécrable dans les médias et dans l'opinion publique, du moins avant le début de ce mondial 2014.

Qu'est-ce qui explique cette durable infamie ? Pour répondre à cette question, ce livre écrit par le passionnant et très compétent sociologue Stéphane Beaud dont j'apprécie énormément le travail à travers les ouvrages que j'ai lu de lui, poursuit la réflexion initiée en 2011 avec Traîtres à la nation ?, un ouvrage dont j'avais entendu parler mais que j'avais malheureusement raté la lecture. dont il reprend certains éléments d'analyse.

En collaboration avec Philippe Guimard, Stéphane Beaud essaie dans ce passionnant ouvrage pas si ardu que cela de porter un regard sociologique sur cette affaire en confrontant les trajectoires sociales des joueurs aux transformations récentes du football professionnel.



Voilà un travail subjectif, documenté, qui va à l'encontre des idées recues et qui personnellement embrase des thèses et des domaines qui m'interessent énormément : l'éducation, le determinisme social, et les relations entre les footballeurs et la presse dans son ensemble. L'ouvrage démontre notamment de façon détaillé à quel point les rapports entre journalistes et footballeurs professionnels sont devenus plus conflictuels au fur et à mesure des transformations qu’ont connues à la fois le football professionnel et la presse sportive.

Les auteurs vont tout au long du livre tente d'analyser les raisons de ce fiasco de Knysna à travers diverses comparaisons (notamment avec l'équipe de France 98) et nous démontre pourquoi cet acte est bien plus qu'une simple rébellion entre « caïds immatures » et fédération dépassé. Son développement très pertinent nous permet de prendre du recul avec les violentes accusations d'alors et donnent à ce groupe surmédiatisé, fissuré de l'intérieur et en rupture avec son sélectionneur quelques arguments qui me manquaient à une analsye détaillée de l'affaire. circonstances atténuantes.



Affreux, riches et méchants re-contextualise les différents affrontements entre journalistes et joueurs ( la récente affaire Patrice Evra ou encore le pétage de plomb de Cyril Jeunechamp) et permet de mieux comprendre la violence des réactions de certains joueurs face à ce qui s’apparente, de leur point de vue, à des agressions de la part des médias. Passionnant et je le conseille vivement à tous ceux qui comme moi sont très intéressés par ces thématiques..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          130
La France invisible

s’y sont mis à trois, un universitaire sociologue et deux journalistes pour produire ce pavé (647 pages) qui cherche à décrire la misère sociétale française. Ils se sont attachés à essayer de décrire les zones d’ombre, les angles morts, les lieux d’invisibilité de la société et ceux-ci se sont avérés fort nombreux. Eh oui, la vie de la France d’en bas, ce n’est pas forcément ce qu’on nous montre sur nos petits écrans ou ce que l’on lit dans nos journaux favoris. La liste de ces exilés intérieurs, de ces parias, de ces exclus est fort longue. Chaque cas de figure a droit à son chapitre. La France invisible c’est donc : les accidentés et intoxiqués au travail, les banlieusards, les délocalisés, les démotivés, les discriminés, les disparus, les dissimulés, les drogués, les égarés, les éloignés, les enfermés, les expulsables, les expulsés, les femmes à domicile, les gars du coin, les gens du voyage, les habitants des taudis, les handicapés, les intermittents de l’emploi, les jeunes au travail, les oubliés de la santé, les précaires du public, les pressurés, les privatisés, les prostitué(e)s, les rénovés, les érémistes, les salariés déclassés, les sans-emploi, les sans domicile, les sous contrôle, les sous-traités, les stagiaires, les surendettés, les travailleurs de l’ombre et les vieux pauvres. Ce qui fait du monde. On parle de 7 millions de personnes qui vivraient en dessous du seuil de pauvreté soit plus de 10% de la population. La réalité est certainement supérieure à ce chiffre déjà fort inquiétant par lui-même.

Pour chaque catégorie d’exclus des témoignages humains honnêtes et souvent poignants sont proposés. C’est la partie la plus intéressante du bouquin. Pour conclure, une rapide interview d’un « spécialiste » de la catégorie sociale en question qui résume la situation de façon plus ou moins pertinente. La seconde partie, qui représente à peine 200 pages en fin de livre, m’a semblé moins intéressante. Elle s’intitule « Connaissances et représentations du monde social ». Là, plus question de témoignages. On passe la parole aux universitaires, aux chercheurs, sociologues, technocrates et verbeux en tous genres qui se mettent à théoriser à qui mieux mieux sur la problématique en question. Le lecteur-lambda accroche moins, mais cela peut se révéler parfois intéressant.

D’une façon générale, ce livre a le mérite de corriger pas mal de préjugés et d’idées reçues telles que : la proportion de précaires est plus élevée dans le public que dans le privé alors que tout un chacun croit que c’est l’inverse. De plus en plus de personnes ne demandent pas les prestations sociales auxquelles elles pourraient prétendre par manque d’information, de culture, clochardisation ou au contraire refus de devenir assisté. La plupart des SDF a une adresse, certains ont même un travail, la moitié des adolescents qui se suicident sont homosexuels, les licenciés qui retrouvent un emploi ont presque systématiquement une baisse de revenus. Les femmes au foyer sont souvent des chômeuses dissimulées. Un ouvrier non qualifié a deux fois plus de risques de décéder avant 60 ans qu’un ingénieur, etc…

Un livre passionnant et dérangeant pour qui s’intéresse aux problèmes de société.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
Commenter  J’apprécie          60
Pays de malheur !

Un jeune de cité écrit à un sociologue, il se raconte et expose ses questions sur la vie, la société, la famille, etc.

J'ai commencé le livre piquée par la curiosité, et je n'ai pas pu le lâcher. Il est à la fois poignant, énervant, blessant, touchant... un livre humain qui en dit long sur notre société et sur ses incompréhensions.

Commenter  J’apprécie          50
80 % au bac... et après ? : Les enfants de la..

Excellent livre de sociologie qui analyse les ratés de la politique de l'Education nationale de mener à tout prix 80% d'une génération jusqu'au bac. On découvre (pour ceux qui l'ignore) que la fac est souvent une voie de garage, notamment pour les jeunes les moins bien armés économiquement, socialement et venant de filières techniques. Stéphane Beaud parvient à merveille à incarner ces questions en brossant des portraits tout en subtilité de ces jeunes. C'est cette sociologie qualitative, basée sur un réel échange avec la population étudiée et sur la reconstitution de parcours de vie que j'aime.
Commenter  J’apprécie          50
La France des Belhoumi

Quelle est la valeur heuristique, en sociologie, de l'étude de cas ? Outre la difficulté et l'opportunité très éventuelle et tout aussi hypothétique de la généralisation à partir d'une famille particulière, voire des péripéties biographiques de chacun de ses membres ; quelles précautions méthodologiques peuvent-elles assurer la validité interprétative d'une enquête monographique fondée quasi uniquement sur des entretiens avec les huit membres d'une fratrie, durant cinq ans, explicitement consentie, voire sollicitée par les deux sœurs aînées, dans une relation de forte complicité intellectuelle avec l'enquêteur-sociologue (la plus grande sœur est qualifiée d'« alliée d'enquête ») ? Les conditions de ces relations avec l'enquêteur et entre les frères et sœurs (ainsi que, en moindre mesure, avec leurs parents) semblent déterminer le récit biographique selon les a priori d'un nombre extrêmement réduit d'acteurs impliqués, dans un consensus implicite préalable à l'enquête elle-même, presque un pacte biographique, et avec un degré limité de falsificabilité factuelle ou documentaire. (On en ressent les limites surtout pour les chapitres consacrés aux « garçons »...)



Le résultat révèle donc, davantage que des découvertes sociologiques, surtout les présupposés du consensus et les contenus de la complicité entre l'enquêteur et les « mandants » : il est faux et idéologique de clamer l'échec de l'intégration des descendants de la migration post-coloniale algérienne ; l'ascension sociale leur est possible mais conditionnée par un nombre limité de facteurs de socialisation : la socialisation scolaire (chère à Stéphane Beaud) ayant une importance absolument fondamentale ; ensuite la socialisation familiale, pourvu qu'elle soit solidaire et propice à la redistribution des différents capitaux – scolaire-culturel, de réseau social, informatif sur l'emploi, logistique (prise en charge du quotidien par les « filles », et surtout possibilité de partager un domicile extra-parental), affectif ; en outre la socialisation résidentielle, conçue comme possibilité d'une mixité sociale dans le quartier de domicile et surtout comme opportunité de se soustraire à l'emprise « des cités » ; enfin socialisation par le travail dans sa dialectique contradictoire, pour les jeunes filles, avec le mariage précoce et conforme aux traditions prévalant auprès de la génération précédente. Il existe d'autres points de convergence entre l'enquêteur et les enquêtés : le regard sur la « radicalisation » des plus jeunes générations de banlieues, mais surtout l'importance accordée à la dégradation de la réception des immigrés en France, liée à des facteurs macrosociologiques et conjoncturels tels les politiques économiques et leur impact sur les conditions de travail, la montée du discours politique xénophobe, ainsi que les conséquences sur les musulmans des préoccupations sécuritaires suite aux attentats islamistes à partir de 2015.

Si l'on lit cet ouvrage dans l'optique de prouver de tels résultats, on a fatalement le sentiment très démoralisant de devoir supporter un interminable pavé, plein de répétitions, qui ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes...



Mais heureusement, on peut, on doit, on a tout intérêt, à le lire autrement : un espace important est accordé aux extraits des propos des interviewés. De cette manière, implicitement, ce livre est une sollicitation à une reconstruction autobiographique, plutôt que biographique, le rôle du sociologue étant en l'occurrence triple : a) de faire surgir un récit polyphonique à partir de questions évidemment perspicaces et utiles, en détectant spécifiquement les points où cette polyphonie expose de petites incongruences ; b) de fournir, à partir de la littérature sociologique existante, un cadre interprétatif cohérent, qui permet de mettre des mots sur et de donner des raisons au vécu de chacun – et a dû être sans aucun doute d'un grand profit pour les interviewés ; c) de mettre en forme, pour le lecteur, ce matériau biographique disparate jusqu'au seuil du questionnement sur sa généralisation et son exemplarité. De la variété des parcours, de son évolution au cours des cinq années émerge, de telle manière, une richesse de déclinaisons plutôt qu'une cacophonie d'idées contradictoires. De plus, la position même du sociologue devient moins surplombante, dans la mesure où la parole est rendue à « l'objet » d'analyse, et surtout car le premier est obligé de rendre des comptes sur ses propres interventions, d'avouer les erreurs épisodiques de ses approches et propos, et d'expliciter le cadre, même psychologique, de sa participation au récit – y compris par les relectures pour validation de certaines interprétations et peut-être de chapitres entiers proposées aux interlocutrices. Je trouve cette démarche audacieuse très admirable et proportionnellement productive en termes d'originalité des résultats. Surtout, elle offre, à l'instar d'un bon texte littéraire, une certaine latitude à une lecture polysémique, dès lors que le « narrateur » devient un personnage parmi les autres...



Pour en revenir à la mise en forme du matériau biographique, la structure s'organise à la fois selon des critères de « présentation des personnages » que thématiques, de la façon suivante :

« - […]

- Brève présentation de la famille

- Chapitre 1. Histoire d'une émigration-immigration en France

Partie I : Les cinq sœurs : école et émancipation

- Ch. 2. Les deux sœurs aînées : locomotives de la fratrie et soutien de la famille

- Ch. 3. Les trois cadettes : suivre la trace des aînées

- Ch. 4. Stratégies matrimoniales et mobilité géographique

Partie II : Les trois frères sous la protection bienveillante des sœurs aînées

- Ch. 5. Les trois garçons : de l'échec scolaire à l'intégration professionnelle

- Ch. 6. Le fils aîné : de la chute au rétablissement

- Ch. 7. Chauffeur de bus à la RATP : l'apprentissage du travail et du syndicalisme

Epilogue à la deuxième partie. Les parents en filigrane

Partie III : Le rapport au politique et à la religion dans la fratrie

- Ch. 8. Quand les sœurs aînées ancrent la fratrie "à gauche"

- Ch. 9. Quand Nadia passe "à droite" : mobilité sociale ascendante et rapport au politique

- Ch. 10. À l'épreuve des attentats djihadistes de 2015

- Ch. 11. Les usages de l'islam dans la fratrie, un révélateur de la différence de générations

Epilogue

Conclusion

[…] »
Commenter  J’apprécie          40
La France invisible

Imaginez qu'on envoie aux quatre coins de la France des enquêteurs à la rencontre de tous les Français qui présentent des symptômes du malheur et d'amasser et de mettre en ordre leurs doléances. Dans ces comptes-rendus, les gouvernants pourraient trouver de quoi concevoir les meilleures réformes, les actions politiques les plus justes afin de corriger les dysfonctionnements du système. Au lieu de cela, n'écoutant que les vieilles théories libérales revivalistes (du début XIXe siècle) sur la responsabilité de chaque individu face à son échec, ils laissent le système marchand définir lui-même ses règles, écartant avec énergie l'idée que c'est ce fonctionnement même - l'autonomie du monde économique sur les autres champs (comme le développe Karl Polanyi) - qui ne tenant compte de rien d'autre que lui-même et son expansion, crée des poches de rancoeur, des cloques de souffrance, un malaise qui gonfle gonfle davantage. Ces enquêtes pourraient être rapprochées des reportages de l'émission "Les Pieds sur Terre" de France Culture, mais spécialisées sur ceux qu'on n'entend pas ou ne veut pas entendre. Ceux qui sont en prison et sont retranchés de la société, ceux qui sont en hôpitaux psychiatriques et en sont retranchés, ceux qui sont handicapés et sont retranchés, ceux qui ont perdu goût à la vie et sont retranchés dans leur maison, les femmes qui travaillent à domicile et n'apparaissent nulle part dans les chiffres ni dans l'espace public, les sans-papiers travaillant sans existence administrative, ceux qui travaillent tant que plus personne ne voit... Quelles parts de la France ne voit-on plus ?



Cet ouvrage collectif est une tentative réussie de renouveler le travail effectué treize ans plus tôt dans La Misère du monde, par un groupe de sociologues emmenés par Pierre Bourdieu (l'absence d'un grand nom pour ajouter à l'écho de ces nouvelles enquêtes est-elle regrettable ?). Le nouveau titre se fait moins lyrique - quoique tout aussi beau - et plus ajusté à la situation française et aux constats des chercheurs qui ont participé à l'enquête : s'il y a des marginaux qui font du bruit et se voient de loin (SDF alcooliques, racailles hors-la-loi, chômeurs flemmards, handicapés inutiles, prostituées indécentes, migrants envahissants...), les clichés de l'adjectif additif donnent une vision restreinte des personnes touchées par la misère. Il existe quantités d'autres cas sociaux ignorés, des portions grandissantes de la population française - à commencer par les travailleurs pauvres et les sous pression (avec le chômage la vie se situe entre ces trois positions peu attractives...), les jeunes qui ne trouvent pas de vrai travail (les fameux moyens de de ne pas rémunérer le travail, voire même de faire payer le travail aux travailleurs ! - en rendant payant la formation ou le matériel nécessaires par exemple), les vieux qui ne devraient pas en avoir besoin, les homosexuels des quartiers (l'ouverture des mœurs est bien sûr géographiquement et sociologiquement très relative)... -, autant de caractères qui pourraient grossir les rangs des Misérables, méritant tout autant la défense lyrique d'un Victor Hugo, ou donc d'une armée de sociologues, pour dire que non ils ne sont que très partiellement responsables de leurs malheurs, que ce sont bien davantage les orientations politiques qui font qu'ils se retrouvent dans les failles de la société (autant de témoignages de parcours qui semblent autant d'Oedipe faisant tout pour échapper à un destin tragique inévitable). La solidarité nationale, constamment remise en cause et de plus en plus, devrait au contraire concerner bien plus de monde et être plus généreuse, pour compenser la destruction sociale, contrepartie inévitable de la croissance ultra-accélérée de certaines franges de plus en plus restreintes et de plus en plus bavardes de la société. Il serait peut-être temps de redéfinir le système économique afin qu'il favorise un développement plus harmonieux de la société plutôt que de se plaindre d'une redistribution dysfonctionnelle et trop coûteuse.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
Commenter  J’apprécie          30
La France des Belhoumi

C'est mon premier livre concernant l'immigration. Je l'ai trouvé très instructif. Intéressant ces témoignages de parcours de vie si différents dans une même fratrie, l'évolution de la société, le parcours du combattant que constitue l'intégration quand au départ on n'a pas tous les capitaux nécessaires...

La carte scolaire, les amitiés, les activités extrascolaires, la volonté de s'en sortir, les différences entre filles et garçons, l'ascension sociale, le plafond de verre, la place de la religion et sa valeur, in fine, pour les uns et les autres, etc.
Commenter  J’apprécie          20
Traitres à la nation ?

Cet essai revient sur un fait sportif célèbre, celui de la grève des bleus lors de la débâcle de la Coupe du Monde en Afrique du Sud en Juin 2010. Les bleus d’alors refusent de s’entraîner, acte motivé par un sentiment de trahison de leur fédération qui quelques jours plus tôt excluait du mondial Nicolas Anelka (injures à l’encontre de Raymond Domenech). Cet acte jugé irresponsable par les politiques qui s’emparent de l’affaire a été vivement commenté et des sanctions à l’encontre des joueurs ont été prononcées. Le sociologue Stéphane Beaud tente d’analyser les raisons de ce fiasco et explique à travers diverses comparaisons (notamment avec l’équipe de France 98) pourquoi cet acte est bien plus qu’une simple rébellion entre « caïds immatures » et fédération dépassé. Son développement très pertinent nous permet de prendre du recul avec les violentes accusations d’alors et donnent à ce groupe surmédiatisé, fissuré de l’intérieur et en rupture avec son sélectionneur bien des circonstances atténuantes.
Commenter  J’apprécie          20
80 % au bac... et après ? : Les enfants de la..

J'ai trouvé ce livre très bon, en particulier la fin, où plusieurs personnes se sentant concernées remercient Stéphane Beaud d'avoir mis au jour ce que beaucoup d'entre eux ressentaient.

Nous aussi, nous ressentons beaucoup, parce que ce livre décrit sobrement la situation de jeunes et leur échec aux études supérieures alors qu'ils pensaient en être capables. Le fossé entre leurs attentes et la réalité.

Très important pour comprendre la situation des banlieues aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          20
80 % au bac... et après ? : Les enfants de la..

Un excellent livre de sociologie sur le sujet de bac, de l'échec et de la réussite, des illusions et des désillusions du fait d'une politique scolaire. Il s'agit d'un travail de sociologie passionnant à lire!
Commenter  J’apprécie          20
Sociologie du football

A l'occasion de l'Euro, retour sur trois publications concernant l'importance de plus en plus grande du football au sein de la société, avec un regard historique, sociologique et... décalé !
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
Commenter  J’apprécie          10
La France des Belhoumi

De 2012 à 2017, le sociologue Stéphane Beaud a écouté une fratrie d’enfants d’immigrés maghrébins lui raconter trente ans de leur quotidien. Une rencontre passionnante.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
Commenter  J’apprécie          10
80 % au bac... et après ? : Les enfants de la..

Stéphane Beaud est un sociologue, pas mal lu dans les départements de sociologie pour ses travaux/écrits sur la méthodologie sociologique.

Mais là, il nous offre une réelle analyse sociologique, même si je vais apporter quelques nuances.

En effet, j'ai davantage l'impression de lire un compte-rendu ethnographique qu'un compte-rendu sociologique. Pour moi, il manque de contenu sociologique et analytique. J'aime la sociologie théorique, et là, ce n'est pas le cas. On a droit à des récits de vie avec quelques références analytiques (à quelques sociologues de référence...). En fait, l'analyse est à faire soi-même, en marge des pages... Après, si vous désirez lire des biographiques de "jeunes de cité" lancez-vous. Même si encore une fois, je trouve que Beaud n'est pas totalement objectif ; j'ai comme l'impression qu'il s'est laissé happer par son terrain d'enquête.

Dommage, mais joli travail tout de même, notamment, sur sa vision malheureusement avant-gardiste sur les jeunes désœuvrés et ces cités, parfois terreau des dérives que nous connaissons aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          10
Violences urbaines, violences sociales : Ge..

Stéphane Beaud et Michel Pialoux n'ont pas pour objet l'élaboration d'un discours théorique unifié, mais, par leurs enquêtes sur le terrain, de nous faire connaitre la réalité des conditions de vie des habitants de Montbéliard. A l'usine, à la mission locale, pour les hommes, pour les femmes...C'est une monographie minutieuse, authentique, mais dont la thèse ressort mal, justement parce que tous les points de vue sont présentés à égalité. Que dire alors des violences urbaines ?
Commenter  J’apprécie          10
Pays de malheur !

J'ai reçu ce livre il y a un moment, bien intéressée par le sujet lors de mes études de travailleur social.

Ce livre en plus d'être une mine d'informations, est intense ! Les échanges sont poignants et nous permettent d'apercevoir la réalité de ces jeunes. Pour beaucoup, ils permettent de se questionner, de remettre des choses en questions et de sortir des stéréotypes qui subsistent encore. En plus de cela, sa lecture est assez accessible.
Commenter  J’apprécie          00
Pays de malheur !

Un sociologue écrit un livre, un lecteur Younes qui a grandit en cité lui répond. De ces échanges, entretiens et rencontres entre ces deux hommes aux parcours culturels, éducatifs et de milieux sociaux différents naitra ce livre.



Un livre profond, touchant, brulant.



Un livre qui ne se lâche pas du début à la fin.



Un livre engagé, qui livre une autre réalité de la vie en France.



Un livre qui fait de la sociologie un outil de déconstruction, de réparation et de changements puissants.






Lien : https://astronomie-stellariu..
Commenter  J’apprécie          00
La France des Belhoumi

C'est l'usage différencié de l'espace extérieur au foyer, à la cité, au quartier puis à la ville qui fait selon l'auteur l'un des facteurs de différenciation les plus importants entre les huit enfants de la famille Belhoumi. Il souhaite en effet raconter et interroger les raisons et les différentes formes d'intégrations mais surtout d’ascension sociale présentés par cette fratrie nées de parents immigrants algériens. Au travers de portraits individuels, de récits de vie et derrière une histoire de famille, il souligne le poids de l'école, du genre, de la sociabilité, du contexte géographique et historique dans le parcours des membres de cette famille dont les cas particuliers reflètent des parcours généraux. Très agréable à lire, cette structure et approche scientifique rend accessible à tous une sociologie qui reste exigeante et passionnante.
Commenter  J’apprécie          00
La France des Belhoumi

Le sociologue Stéphane Beaud a entrepris de raconter l’histoire de l’intégration à bas bruit des Maghrébins en France, en restituant la trajectoire d’une famille. Un travail précis et exigeant qui permet la compréhension en profondeur des évolutions de notre société.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
Commenter  J’apprécie          00




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Stéphane Beaud (227)Voir plus

Quiz Voir plus

Un quiz plein d'étoiles (titres en littérature)

Quel écrivain, auteur de "Croc-Blanc", publie, en 1915, un roman fantastique intitulé "Le vagabond des étoiles" ?

Jack London
Romain Gary
Ernest Hemingway

10 questions
97 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , littérature américaine , bande dessinée , culture générale , poésie , étoile , littérature , livres , romanCréer un quiz sur cet auteur

{* *}