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Citations de Sylvain Coher (102)


Je cours parce que je déteste marcher et je ne vois rien dans ce monde sans pitié pour m’indiquer qu’il faille rester immobile.

(Actes Sud, p.56)
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Dogwatch, c'est ce quart de nuit où le corps flanche et réclame le sommeil. Il gagne à l'usure, libère un flot d'endorphines suffisant pour assommer un cheval. Le froid paralyse les muscles, les pensées décousues deviennent des rêves et débordent la réalité pour paître un peu plus loin. Le seul bruit audible est celui de la mer, il recouvre tous les autres. La cinquième ou la sixième vague vous réveille presque aussi vite que les précédentes vous avaient endormi. Dogwatch, La veille du chien est entrecoupée par les soubresauts nerveux du chanfrein, les oreilles restent en alerte pour décoder en permanence le morse complexe venu de l'univers en mouvement. Des ondes et rien de plus. L'eau profonde, le compas titubant dans sa bulle et les voiles assombries par le renflement des cernes.
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Ce tribunal cachottier est une vraie mascarade, et vos questions retorses et vos devinettes perverses feront jamais ni le début ni la fin de l'histoire qui vient. Vous en savez déjà bien assez, bien plus que vous devriez en savoir. Allez dire que non, ma parole, allez dire que le coq Blaquet vous balade, qu'il vous donne point en plaidoyer, tout ce que vous rêviez d'entendre. J'attends. Je savoure déjà la babiole, l'abattage et la bobinette, comme dirait l'autre. C'est que je suis loin d'avoir germé hier, voyez-vous, je suis votre as percé, le dernier brelandier du Ghost. Je connais votre jeu et vous voulez voir le mien - c'est de bonne guerre, disons, c'est le prix que je dois payer pour gagner encore quelques plombes à vivre en attendant le pire que vous m'avez concocté.
Donnant donnant.
Cartes sur table.
(Incipit)
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En vérité je ne cours pas mieux qu'un autre : je cours comme personne.
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Samedi 10 septembre 1960. Nous sommes à Rome, près du Capitole de Michel-Ange et des ruines du Forum romain. C’est l’avant-dernier jour des Jeux olympiques, le dernier jour du calendrier éthiopien. On se prépare au marathon, l’ultime épreuve de ces jeux. On fait des petits sauts presque sur place, on respire à fond et on s’appelle au départ. Dans quelques secondes il sera dix-sept heures trente, l’heure attendue par les soixante-neuf concurrents de ces XVIIe Olympiades (*) Il fait vingt-trois degrés et la nuit tombera vite car le changement d’heure n’existe pas encore. Ceci n’a rien d’un marathon, c’est la guerre. Sous nos yeux le dossard numéro 11 est celui d’un jeune caporal éthiopien de la garde royale du négus. Il se nomme Abebe Bikila et il a vingt-huit ans. Il est venu à Rome pour reprendre un combat déjà gagné vingt ans plus tôt.
(*) = Jeux Olympiques et non Olympiades
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Dossard numéro 11. Des lettres blanches sur un carré noir et quelques plis, toujours les mêmes. Ce n’est plus qu’un corps noir qui tout absorbe et ne rend rien, c’est ce qu’on dira bientôt de moi sur les trottoirs et sur les ondes. C’est ce qu’on dira dans un instant car il faut patienter encore puisque je cours caché. Invisible et secret. Je me suis déchaussé juste avant le départ, c’est bien ce que je devais faire. Peut-être pour dire au monde qu’un homme venu les pieds nus peut en battre d’autres bien mieux vêtus. En vérité les chaussures donnent des ampoules, elles empêchent les ailes de se déployer. J’ai laissé mes chaussures dans une niche du petit cloître près du Capitole. Je vais pieds nus comme à la guerre et j’aime par-dessus tout le contact des pavés romains contre ma peau. Même si cela brûle, même si cela blesse et même si je reste à la merci du tranchant d'une pierre ou de la pointe d'un clou.
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Depuis 1913 les athlètes courent toujours dans le sens antihoraire autrement leurs foulées ne semblent pas naturelles et les virages sont plus difficiles à négocier.
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L'effort rend heureux ceux qui courent ; comme je cours depuis presque une heure, le savent mieux que les autres ceux qui courent comme je cours, ils ont un sourire complice et le vent de la course rend leurs yeux brillants.
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La course est notre premier déplacement ; c'est celui de nos fuites et de nos conquêtes.
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Le groupe des meneurs c'est cette étrange phalange où les premiers conduisent et les seconds ne font que pousser.
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De là où je viens, papa (son entraîneur), on court pour vivre tout simplement.
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On est presque au milieu du parcours et c’est ici que croit la vitesse absolue ; c’est ici que la fleur se déploie sans effort et qu’elle se débarrasse de ce qu’il a contenait difficilement. De l’oxygène et du sang, voilà les seuls ingrédients important !
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Que dire de Mussolini et de son million de soldats alors qu'un seul aura suffi pour conquérir Rome ?
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La seule façon d'être suivi c'est de courir plus vite que les autres, chante la Petite Voix. Ragaillardie.
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La route est claire et propre comme une nappe - je l'effleure à peine pour ne pas y laisser de trace.
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Les mots viennent et se répètent comme des crampes. Cours, courir. Ma langue caresse mon palais et s'attarde sur mes dents pour y recueillir un peu de salive tiède. Je cours, papa. En vérité, je cours apaisé.
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Au début, on allait à Calais. C’était Calais et juste après, l’Angleterre des Anglais. Sur la carte, on aurait pu y aller à pied, dit le Petit. Juste avant de lancer la pierre qu’il tenait dans sa main. Demande-lui, toi, pourquoi qu’on est là ! Saint-Malo, c’était pas prévu au départ. Ma parole, Saint-Malo, on savait même pas où c’était !
Je vais pas où tout le monde va, dit Lucky.
Et tu vas où ?
Où je vais, c’est jamais trop loin.
À Calais, les mecs sont cachés dans la forêt.
Ferme ta bouche.
Pour passer, faut de la maille.
Ferme-la, j’te dis.
Y a les ferries, dit la Fille. En montrant l’eau devant eux, comme si un monstre blanc allait surgir et leur tendre une passerelle. De Saint-Malo à Portsmouth, faut compter une dizaine d’heures. Je l’ai fait avec mes parents. En partant le soir, on arrive le matin.
Non mais quelle conne !
La pierre frôla l’aile du goéland. Celui-ci fit mine de vouloir décoller et finalement se ravisa, en leur tournant le dos. Les deux pattes profondément enfoncées dans le ventre.
Lâche l’affaire, c’est mort. Les ferries. Le comité d’accueil au départ et à l’arrivée. Procédure Dublin, tu vois. Le flashage des empreintes digitales, tout ça.
Je sais pas si y a du monde qui cherche à embarquer, commenta la Fille. Les joues roses et les yeux brillants. Ici c’est tranquille, ajouta-t-elle. C’est que des vieux et des touristes.
Alors c’est pire.
On tient parce qu’on est invisibles.
On a bébar la cape à Harry Potter, ajouta le Petit.
Il leur tendit le paquet de cookies entamé. Lucky se leva et vint se rasseoir contre la Fille. Passa ses bras sur ses épaules, prit une voix rauque en regardant la mer. La Fille semblait lointaine. Perdue dans le retranchement d’une grotte ou d’un bunker, à travers les parois duquel les bruits du monde lui parvenaient assourdis. Lucky la chatouilla, souffla doucement dans son oreille. Respira ses cheveux. Murmura qu’avec l’anglais tout serait plus simple. L’anglais, c’était un uniforme. Comme à l’école.
On apprendra.
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Bien sûr, il avait la mer devant lui. La mer pour l’occuper. Une mer de copeaux de bois, de bavures métalliques venant claquer trois mètres plus bas contre les gros moellons du parapet. Les joues creuses, le nez taillé au cutter. La mer l’inquiétait sans que rien ne transparaisse sur son visage buté. Cette mer tout particulièrement, parce qu’elle bougeait tout le temps. Brassait la boue scintillante et filandreuse prélevée sur l’estran. Sur la carte, la Manche c’était un bras d’écolier qui faisait barrage entre entre la France et l’Angleterre. Rien à voir avec la mer telle qu’il la connaissait plus au sud, là où ses pieds ne s’étaient jamais véritablement défaits du sable sec. Depuis qu’il était né, partout la mer avait été douce et bleue. Même à l’automne, on pouvait s’y risquer et s’asseoir au bord pour un bain chauffé par le soleil. À n’importe quelle heure de la nuit ou de la journée. Relax, les bras croisés sur la peau tiède et les yeux perdus dans le tumulte des vagues. Jamais on ne lui avait appris à nager, mais s’il le fallait il se débrouillait comme un animal paniqué. En battant l’eau furieusement.
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Si seulement Câline pouvait revenir paisiblement à l’état de polype, tout serait bien différent. C’est elle qui lui contait la magie des immortelles, quand il était marmot. À travers le filet du hamac, la voix soyeuse murmurait que les méduses pouvaient mourir puis revivre tant qu’elles le voulaient. Elles blastèment, comment dire, elles rénovent leurs cellules abîmées de fond en comble, comme les planaires hermaphrodites. Les immortelles font renaître l’ensemble par un bout minuscule, chuchotait Câline en mimant des sortes d’anémones spongieuses. Nulle lame pourrait les vaincre, les gourgandines, elles se régénèrent de mémoire, elles reprisent le tissu manquant et rapiècent les accrocs sans compter.
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Un bon athlète s’adapte en douceur et sans violence pour ne pas finir comme Dorando à Londres en 1908 : hébété, incapable de franchir la ligne d’arrivée. Avec ces derniers cent quatre-vingt-quinze mètres totalement absurdes rajoutés cette année-là pour parfaire la distance qui séparait la terrasse est du château de Windsor à la loge royale du stade olympique de Shepherd’s Bush. Tomber cinq fois et se relever autant. Rester sur le seuil pour ne pas dépasser l’huis étroit où se cognent le corps et la raison. Un bon athlète mesure ses efforts, il se dépasse tout juste mais sans jamais aller au-delà.
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