Sylvie Baron

Les photos permettaient de se souvenir, se souvenir permettait de dialoguer, se souvenir était une forme de rencontre. Elle leur avait expliqué tout cela lors de sa première visite. Depuis, il avait toujours sur lui une petite photo d’identité qu’il regardait pour renouer le dialogue avec sa mère quand cela n’allait pas trop bien, quand il se sentait malheureux, perdu, comme en ce moment.

Malgré la beauté du mobilier, il manquait cette étincelle de vie si particulière qui donne à un lieu son supplément d’âme et sans laquelle on n’éprouve pas l’envie de s’y arrêter.

L’abeille est fragile, sa santé est une chose très complexe, une colonie saine sera toujours mieux protégée contre toutes les attaques et maladies.

Son cœur balançait entre bouffées d’amour, haine, pitié, culpabilité. Terrible culpabilité de se savoir bonne à rien, vidée de toute substance, incapable de réagir, de relever la tête, de fuir.

Jarod était souvent en représentation. Il aimait donner le meilleur de lui-même, faire rire, au besoin à ses dépens, mettre les gens en confiance. Cela lui demandait en contrepartie une énergie énorme. Aujourd’hui, il se sentait vidé. Vraie ou pas, cette histoire de tentative de meurtre camouflée en accident le mettait mal à l’aise. Être obligé de garder pour lui ses doutes n’arrangeait pas les choses. C’était un homme de partage, il lui était impossible de vivre sans échanger sur ses sentiments.

Faire témoigner les gens les uns contre les autres dans un si petit village ne serait pas facile. Elle le savait bien, il allait falloir jouer serré.

Victoire choisit ses mots avec soin, prit son temps pour lui expliquer la détresse qu’elle ressentait chez l’enfant, son besoin d’amour, de reconnaissance, sa fidélité envers sa mère qui l’empêchait encore d’ouvrir son cœur aux autres.