Citations de Sylvie Baron (266)
[...] le Cercle des derniers libraires. Ce nom lui était venu spontanément à l'esprit. "Derniers" parce qu'ils étaient bien les survivants d'une profession rongée par les technologies et l'indifférence du consommateur; "cercle" en référence au cercle de famille, uni et fort, parce qu'ils avaient un besoin urgent de se tenir la main pour gagner leur combat. Ce mot lui faisait aussi penser à une terre aride illuminée par un rond d'herbes vertes et drues, un cercle de fraîcheur comme une trace de ronde de fées ou de sorcières. Un peu de magie ne pouvait pas leur faire de mal.
- chap III - p. 49 -
Trop jeune ... Trop rousse aussi. Il n'avait rien de particulier à reprocher à cette couleur de cheveux sauf qu'elle attirait immédiatement l'attention. Un jardinier ne devait pas être plus coloré que ses légumes ! Ce n'était pas correct, pas sérieux.
D'autant plus que cette nuance allait de pair avec la vivacité de la Jeune femme.
- Tu dresses un tableau bien noir. Des difficultés, il y en a toujours eu dans le métier.
- Pour sûr ! Tu as raison, rien que pendant la guerre, tiens! Les femmes se sont retrouvées toutes seules pour faire tourner les fermes. Imagine un peu entre l'angoisse de ne pas revoir son homme vivant, les responsabilités, l'ampleur du boulot, les réquisitions et tout le bazar... Pourtant, je donnerais ma main à couper que ce n'était pas aussi grave qu'aujourd'hui. Vois-tu, l'isolement est plus intense, les voisins plus rares, moins serviables, le monde plus agressif.
29
"Elle s'était tellement repliée surelle-même depuis le décès de Kathleen qu'elle n'avait plus vraiment d'amis. Lui non plus d'ailleurs, ce drame leur avait montré combien l'amitié était précaire, impossible réellement d'en parler, les gens, même les mieux intentionnés, les fuyaient comme la poisse. Il avait bien compris que, si on voulait rester dans la course,le seul moyen était de continuer comme avant, de faire comme si rien ne s'était vraiment passé. "
Comme dit justement Agatha Christie dans L'Homme au complet marron : " La vie est bien difficile. Les hommes ne sont pas gentils avec vous si vous n'êtes pas jolie et les femmes ne sont pas gentilles avec vous si vous l'êtes."
En apprendre sur les autres, c'est aussi les comprendre.
Le Cantal détenait le secret des ciels étoilés ,
lumineux et profonds ,
des coulées de lune sensuelles ,
des nuits claires et transparentes comme le cristal .
[...]
elle avait vu des crépitements d'étoiles ,
des reflets de lune argentés sur les montagnes ,
accompagnés du gémissement des sauvagines ,
du brame des cerfs ,
des hululements de la chouette
et ,
toujours au loin ,
immuable ,
infatigable ,
la plainte sourde du torrent .
..., le petit garçon buvait avec solennité les paroles du bûcheron.
- Aimer les arbres, c'est devenir arbre. Chaque arbre est différent. Il y a les grands qui s'y croient, les petits fragiles , les orgueilleux, les costauds, les magnifiques. C'est important de les connaître pour pouvoir leur parler. Regarde, tu as ramassé une feuille de charme. C'est le cousin du hêtre. Sa feuille est ronde et duveteuse, alors que celle du charme est dentelée, toute lisse. Il ne faut pas les confondre. C'est facile. Tu t'en souviendras, grâce à cette formule magique : «Le charme d'Adam est d'être à poil!» - 112
- Écoute la chanson des arbres. C'est toi qui m'as appris qu'ils parlaient. Les Yeux fermés, maintenant, je reconnais leur langage. Tu te rappelles? Les hêtres murmurent, les châtaigniers fredonnent, les chênes commandent, les épicéas argumentent en finesse, les douglas pérorent d'un air hautain, les mélèzes ironisent et les sapins rêvent. Je voulais toujours être un sapin. - 195
« Savoir que l'humain contemple le même cosmos depuis son avènement nous donne la mesure de notre précarité et de notre grandeur. »
«Ces outils qui devaient être nos serviteurs sont devenus nos maîtres, eux qui devaient nous libérer nous asservissent complètement. »
(Pierre Rabhi) - 182
Même Victor Hugo l'a dit : «Le boeuf d'Aubrac a le torse rond et trapu,les jambes courtes, le pelage fauve.» Il l'a écrit dans 'Les Travailleurs de la mer", tu peux vérifier. C'est une race magnifique. Qu'est-ce que les marchands de bestiaux viennent nous embêter à essayer de nous fourguer des limousines ou des blancs bleus qui viennent de Belgique? Pour le profit, il n'y a plus que ça qui compte aujourd'hui, le profit. Situ veux mon avis, la planète est malade du profit? - 176
- Garder les services publics, c’est garder les gens. Comment veux-tu sinon endiguer la baisse des populations ? On en crève. C’est un combat crucial, fermer cette gare, c’est fermer demain l’école ou l’hôpital. Il faut bien se dire que tout ça marche ensemble.
…
Sauf qu’ici, l’indifférence n’était pas de mise. Ils devenaient tous solidaires parce que ça touchait leur pays, leur ville, leurs racines, leur quotidien, leur avenir aussi. Au fond de lui, l’humaniste restait impressionné de découvrir ces gens apparentés par le même destin qui dépassaient brusquement leur individualisme naturel en unissant leurs forces. Une espèce de fraternité spontanée parce qu’un des leurs était touché. C’était beau. 80
Gérer l'espace relevait d'un véritable casse-tête. Emma réorganisait sans cesse sa vitrine avec l'idée permanente de donner envie d'entrer. Il fallait suivre l'actualité, sans courir pour autant derrière, tout en mettant en avant les livres qu'elle aimait, sachant qu'ils n'étaient pas forcément ceux qui se vendaient. Impossible toutefois de n'exposer que des choix personnels. Pour attirer le chaland, il convenait d'avoir des repères rassurants et bien médiatisés comme ces guides à destination des touristes visitant la cathédrale et la vieille ville.
A l'intérieur du magasin, pour interpeller les lecteurs, elle utilisait les traditionnelles tables, parsemées de petits mots sur les livres : fiches, bandeaux, articles de presse, coups de coeur... La jeune femme y passait un temps fou. A ce jeu quotidien, elle était devenue très habile pour donner du relief, chercher des thèmes, tricher avec le mouvement, la couleur. ... Malgré son talent en ce domaine, elle ne pouvait cependant pas se résoudre à réduire la vente des livres à une simple question de présentation.
Dans le Cantal, le printemps est souvent court mais violent, balayé d'odeurs de rosée et de narcisses blancs, de lumières ivres, de meuglements poignants et de brumes silencieuses.
_Le temps s'arrange un peu on dirait, ça ne doit pas être facile l'hiver ici!
_Alors ça, c'est vraiment une réflexion d'urbain! C'est peut-être ma saison préférée, il y des lumières magnifiques les ciels pétillent dans la nuit glacée, la pureté de l'air qui nous traverse. Ce pays va bien avec l'hiver, c'est l'occasion de se réunir, de se serrer, de se tenir chaud, de lire, de réfléchir surtout.
« L’homme désire la femme , mais le plus souvent la femme ne désire que le désir de l’homme »
« L’automne rayonnait, il faisait un soleil à taire tous les chagrins. Le rouge incendiaire des sorbiers se mêlait à l’or des bouleaux pour faire flamber le pays. Devant tant de splendeurs , Marc sentit ses réticences faiblir. C’était le jour idéal pour des retrouvailles avec Garabit. Il n’avait en fait que
trop tardé » .
Mon village au fond de l'eau
Se souvient du bruit des enclumes
Dont j'entends encore les échos
Vivant sous un manteau d'écume.
(Chanson de Charles Trenet citée dans le livre),
Le hameau était mort. Il avait pourtant tout connu, rancunes, commérages, Jalousies, disputes pour des broutilles ou différends impardonnable s qui traversaient les générations mais aussi rires, convivialité, entraide, amitié des hommes. Aujourd’hui, plus rien ne vibrait, le quotidien manquait subitement d’épaisseur. 96
Ici, les gens étaient rudes mais fiers. On réglait ses différends avec la tête haute, parfois aussi près du bonnet et même au besoin à coups de fusil. Jamais avec des scénarios aussi tordus. 105
Dans sa carrière d'enseignant, Marc avait rencontré quelques enfants comme ça, qui avaient tous une faible estime d'eux-mêmes, qui n'osaient pas s'affirmer de peur d'être rejetés ou de perdre l'approbation plus ou moins fictive des autres, qui ne voulaient ni déranger, ni faire de vagues, ni surtout être le centre d'attention du cours. Des enfants fragiles, des oiseaux blessés, qu'on avait rabaissés, humiliés ou dénigrés dans leur environnement de manière plus ou moins ouverte. Des êtres vulnérables en raison de cette sensibilité même à l'autre qui les rendait automatiquement attrayants pour tous les gros durs de la classe qui cherchaient un plus petit à écraser afin de se valoriser.
« ——-Aimer les arbres, c’est devenir arbre. Chaque arbre est différent . Il y a les grands qui s’y croient , les petits fragiles , les orgueilleux , les costaux, les magnifiques . C’est important de les connaître pour pouvoir leur parler » ..
« Par cette belle journée de juin , tout respirait la quiétude, les troupeaux repus par l’herbe grasse se répandaient sous le ciel immense , partout des pissenlits d’un jaune insolent ponctuaient les estives comme autant de rayons de soleil facétieux .
Toute l’âme de la Haute - Auvergne lui semblait ici réunie dans la beauté austère du pays et les hameaux trapus façonnés par la pierre du volcan : équilibre parfait d’ordre, d’harmonie , de sûreté , de goût , de couleurs, de solidité et de pureté des lignes qui filaient à fleur de ciel dans l’horizon sans fin » ...