Citations de Sylvie Deshors (44)
Je ne me considère pas en fugue. Je n'ai pas quitté ma famille pour faire n'importe quoi, fumer des joints ou boire jour et nuit. Je suis partie pour exister selon mon idée, pour...tester mes principes de vie.
- Plus jamais ! Supporter que les garçons nous manquent de respect alors qu'ils passent leur vie à jurer sur la tête d'une seule femme, leur mère !
Après les rires moqueurs que ma réflexion déclenche, Eloa conclut l'air rebelle :
- Etre fière d'être une femme. Devenir forte pour se faire respecter, c'est la solution.
Depuis que nous vivons dans l'aéroport, je ne me souviens pas de la veille. Et je n'invente pas d'histoires pour le lendemain. Les avions du soir emportent mes histoires avec eux. Et ceux du matin m'en apportent de nouvelles.
Car, dans la plupart des familles, une mère se doit d'être là, tout le temps, partout, omniprésente : ménagère entourée de ses robots perfectionnés, courbée au jardin ou toujours à s'activer dans la société comme à la maison, pour le bonheur de tous et surtout de son mari et des enfants !
Les enfants naissent pour pousser et s'en aller, pas pour servir de garde-fou.
Dans ce paisible tableau, il y a de quoi nous oublier, nous les jeunes du Limousin. On ne fait pas parler de nous comme ceux des cités. Pourtant, on se morfond tout autant. On n'a plus de possibles. Moins d'ouvertures. Les conneries sont les mêmes. Petits ou gros trafics là-bas comme ici. Mais nous, les perdus de la campagne du centre de la France, nous n'intéressons personne. Y a même pas un bar sympa pour que journalistes et cameramans de la télévision de délassent, alors ils ne viennent pas. C'est beaucoup plus simple. (p 88-89)
Partout, il y a des bons et des mauvais.
- Vive le 1er mai ! et je beugle à mon tour : Tous ensemble, tous ensemble !!!
Mon amie est davantage en accord avec la nature qu'avec l'agitation des êtres. Moi je veux les deux. Laisser couler le vent sur ma peau et construire une nouvelle société en partage avec les humains.
Mes jambes gigotent, en pensée, je cours encore sur les chemins de branches jetées sur le sol détrempé. Mon souffle grimpe aux cimes des arbres. Depuis que je suis ici, j'ai besoin d'être toujours en activité et le repos m'ennuie. (...) Dormir ici est du temps perdu. C'est impossible. Trop intense d'être là. Tant d'étoiles aux nues quand le brouillard se déchire.
Au lieu d’affronter des taureaux, j'ai rampé devant des veaux ! Je ne le crois pas.
Maté s'est bien moqué de moi. Il va pouvoir s'amuser à mes dépens lundi.
Je les imagine : lui, le trio et tout le collège rire de la fille de la ville.
Une fille morte de trouille devant des bébés ruminants. La honte.
En France, nous avons tout ce qu'il nous faut pour vivre, étudier et nous devrions le partager avec ceux qui ont tout quitté et n'ont plus rien.
Si pour cinq heures passées au SMIC, je dois gaspiller une matinée au commissariat, autant m'abstenir la prochaine fois. Elle commence à me plaire, l'association "Allo baby-sitter".
On court tous comme des fous, bondissant par-dessus les souches, s'accrochant aux buissons, avec une seule idée, s'échapper.
Je suis impatiente de me mêler aux volontaires de la ZAD, les zadistes, comme ils s'appellent. Des activistes qui résident ici et bâtissent sans répit qur la zone réservée par l'Etat pour contrer ce futur vieux projet inutile. Ils occupent les lieux, s'installent sur les terres dont les agriculteurs ont été expulsés et, avec eux, ils luttent pour sauver cette nature humide exceptionnelle de la destruction. Ils ne sont pas les seuls à penser que cet énième aéroport est superflu : sur place et en Europe, des organisations politiques les soutiennent. A l'heure des économies nécessaires de combustibles, de la sur-pollution de l'atmosphère, du manque d'eau, augmenter le trafic aérien, c'est aller droit dans le mur. C'est ce que je pense en tout cas.
La rage palpite en moi, comme une hirondelle en cage.
" Moi aussi, un jour, je partagerai quelque chose de fort avec mon frère."
Normalement, ce sont les filles qui se tirent sans prévenir, pas les mères.
Dans mon sac à dos, j'ai ce qu'il faut : brosse à dents, dentifrice, savon.
Modèles réduits. Spécial voyage.
J'ai aussi un gant de toilette pour m'essuyer.
Je vis comme un lutin.
Un minuscule lutin caché dans un monde trop grand.
Je déteste habiter au rez de chaussée de l'immeuble. Mes poils se hérissent sur mon corps glacé. Je me laisse couler sous la couette. Je veux disparaitre, de mon ventre monte un appel silencieux : Mut, viens m'aider. Au secours, Mut !