« Ce qui est né dans la violence s’achève dans la violence. »
Même si je vidais mon crâne sur ce bout de papier, il n’y aurait pas autant de matière que dans celui de Ah Hock. Parce qu’il vit seul, reclu, il va se confier à une jeune femme, lui délivrant les mots de la violence, la misère, les maux de l’immigration, les regrets, et le drame qui l’a mené, là, de sa vie. Il en est là, parce qu’il a tué un homme. Avec ces confidences, il nous raconte la Malaisie, son pays, son contexte, les paumés et les morts-vivants… À raconter ainsi son histoire, ses impressions, l’inexorable karma, les causes et les conséquences de la pauvreté, on arrive à la même évidence : Parfois, c’est la merde. On ne va pouvoir y changer quelque chose. C’est juste un fait. Mais, Nous, les survivants, c’est tout de même un espoir. Un espoir qui s’écrit dans des pages, pour que d’autres le saisissent…
J’ai saisi, mais j’y ai laissé un lambeau de mon cœur. Il a chuté. Comme Ah Hock, avec lui, à côté d’un morceau de bois…Mais ce n’est pas bien grave, ça en valait le coup. Les 14, ou la puissance d’une émotion qui dévaste tout…Ça le valait bien. Parce que parfois, on entend la lame de fond d’une voix, et elle enfle, se fait grande et traverse les frontières et vient se fracasser à nos oreilles…Et tous ses échos me reviennent, comme des vagues. Encore et encore. J’en suis encore submergée. Je ne crois pas pouvoir oublier cette déferlante, parce que Tash Aw a mis une telle puissance que même, sous le déchaînement des éléments et le magma de sentiments, je prie encore pour ces pauvres gens, la nuit.
Nous, les survivants, c’est un autre horizon, des autres paysages, des dynamiques différentes, mais c’est une histoire qui parle d’humanité. De son absence aussi. Peut-être qu’elle s’est perdue dans la nature, à coups de tsunamis et d’orages…Toujours est-il que certains doivent, pas seulement vivre dans la misère, mais survivre au jour le jour dans le néant…Parce que le destin est ainsi. Alors, oui. La merde est partout. Son odeur, sa marque, son fléau. Et faute de vider son cerveau, on est vite dépassé par une envie de vomir tenace. J’ai cru rendre plusieurs fois, mes tripes sous leurs pluies diluviennes…Comment peut-on en arriver là? Faire ça à d’autres humains? En faire des morts-vivants? Ignorer l’autre?
Je ne sais pas pourquoi les humains ne se tendent pas la main, pourquoi le racisme fait autant de ravages, mais si jamais, vous vouliez une histoire immersive et des envies d’ailleurs, écoutez le témoignage troublant et avisé de ce jeune homme…Il se pourrait qu’il y ait un monstre, des actes abominables, mais il y a aussi la beauté de l’intention, la force d’un constat, et une plume exaltante. Mon organisme n’était pas toujours prêt au choc, mais vous avoir confié ce trop-plein de débordements de tristesse et de conscience, ça me laisse un peu vidée, mais sereine. J’espère que le Vivant va vous parler, et vous laisser prendre le chemin de ces pages…Nous, les survivants, le méritent…
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