Citations de Tayari Jones (95)
L’immense générosité des femmes est un tunnel mystérieux et nul ne sait où il mène. Partout, il y a des indices qui sont autant de pièges et, quand on est un homme, il faut être conscient que la logique ne nous conduira pas nécessairement à la sortie.
’est le destin de l’homme noir. Porté par six ou jugé par douze.
Ce calvaire n’aurait alors été qu’une histoire que nous lui aurions racontée plus tard, pour qu’il comprenne qu’il fallait être prudent quand on était un homme noir aux États-Unis. Lorsque nous avons décidé qu’il valait mieux avorter, d’une certaine manière, nous nous sommes résignés. Nous avons cessé de croire que je serais acquitté.
Mais en te perdant j’ai appris une chose au sujet de l’amour. Notre maison n’est pas simplement vide. Elle a été vidée. L’amour se crée une place dans ta vie, il se crée une place dans ton lit. À ton insu, il se crée une place dans ton corps, détourne tes vaisseaux sanguins, bat juste à côté de ton cœur. Et quand il part, il laisse un trou.
Avant de te rencontrer je ne me sentais pas seule. À présent je me sens si seule que je parle aux murs et chante pour le plafond.
Personne ici ne pense que tu es coupable. Tu étais juste le type de la mauvaise couleur au mauvais endroit au mauvais moment. On ne peut pas faire confiance en la police. C'est pour ça qu'il y a tant des nôtres derrière les barreaux.
On ne choisit pas plus d'où on vient qu'on ne choisit sa famille. Au poker, on reçoit cinq cartes. Il y en a trois qu'on peut échanger et deux dont on ne peut pas se défaire : sa famille et sa terre natale.(p15)
Une mère brisée, ça ne se répare pas. Il reste toujours des fêlures, des angles ébréchés, des amas de colle séchée. Même si, à force de soins, elle retrouve l’aspect d’avant, elle ne sera jamais plus solide qu’une assiette fendue.
Je n'étais pas là pour voir mon père ni pour semer la zizanie, mais parce que j'espérais croiser Chaurisse. Je voulais lui demander si on pouvait être sœurs. Nous n'étions pas responsables de ce que nos parents s'étaient fait.
En dépit de mon jeune âge, j'étais consciente que Raleigh était quelqu'un de bien, le meilleur des oncles, mais un oncle, ce n'était pas un papa. Un "nouveau papa", ça ne voulait rien dire. On en a un au départ, un point c'est tout.
Seule et enceinte, ma mère se savait en mauvaise posture. Et elle était consciente de l'injustice de la situation, car c'était elle qui se retrouvait coincée. James était rentré chez lui le coeur lourd, à n'en pas douter, car ce n'était pas un monstre. Mais il avait une femme et son repas du soir qui l'attendaient.
« J’ai un mauvais pressentiment, Roy. Rentrons à la maison. »
Ma femme était portée à l’exagération. Malgré tout, je sentais dans sa voix quelque chose qui ressemblait étrangement à de la peur.
« Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
– Je n’en sais rien. Rentrons, s’il te plaît.
– Et je suis censé raconter quoi à ma mère ? Tu te doutes bien qu’elle a mis les petits plats dans les grands.
– Rejette la responsabilité sur moi. Dis que tout est ma faute. »
Avec le recul, ça me fait penser à un film d’horreur, quand on se demande pourquoi les personnages s’entêtent à ignorer tous les avertissements. Si une voix spectrale te lance : TIRE-TOI, tu te tires. Sauf que, dans la vraie vie, on ne sait pas qu’on est dans un film d’horreur.
C’était peut être cela, l’innocence : être incapable de prédire la souffrance à venir.
La vérité est toujours un réconfort, quels que soient les écueils.
Je savais déjà que je ne retrouverais pas ma mère, ou du moins pas telle que je l’avais connue. Une mère brisée, ça ne se répare pas. Il reste toujours des fêlures, des angles ébréchés, des amas de colle séchée. Même si, à force de soins, elle retrouve l’aspect d’avant, elle ne sera jamais plus solide qu’une assiette fendue.
Lorsque que je me rassis à côté d’Andre, même la jurée noire n’osait pas me regarder.
On dit souvent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. C'est faux. Ce qui ne nous tue pas ne nous tue pas. C'est tout. Parfois, il faut juste espérer que ça suffise.
Il n'y a pas un seul flûtiste célèbre dans le monde entier. Tous les garçons qui jouent de la trompette rêvent d'être Miles Davis, mais la flûte, c'est un instrument qu'on choisit par défaut.
Mon père traversa le parking et frappa délicatement, une habitude qu'il avait acquise après m'avoir surprise dans mon bain quand j'avais douze ans. Pendant des semaines après cet épisode, il avait frappé sur tout ce qui ressemblait à une porte. Une fois, je l'avais même vu toquer au placard avant de prendre une bouteille d'eau gazeuse.
C'est marrant comme on peut se tromper sur les gens qu'on croit connaître.
Dès la maternelle, j'avais pourtant compris que je n'étais pas jolie. C'est horrible à cet âge, car les adultes ne font même pas l'effort de cacher ce qu'ils pensent. Le pompier qui vous apprend à vous arrêter, à tomber et à vous rouler par terre si vous êtes en feu : c'est toujours la fille la plus mignonne qui s'assied sur ses genoux et qui a le droit d'essayer son casque. Pour le spectacle de Noël, ce sont toujours les dix plus jolies filles qui forment le choeur des anges. Celles qui ont un physique banal se retrouvent à tournoyer en jupette rayée. Les moches distribuent le programme.