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Critiques de Teodora Dimova (37)
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Adriana

Un livre envoutant, plus par le récit que fait la jeune fille, Ioura, à son cousin Todor une nuit entière, de ce qui lui est arrivé d'improbable et inattendu, que par celle qui donne son nom au livre, Adriana, 94 ans quand commence le récit. Adriana est parfois antipathique, son histoire crédible ou pas, mais par elle tout arrive dans la vie de Ioura. Cependant c'est Ioura qui pas son humanité et sa personnalité solaire, ses qualités qui irradient d'elle sans qu'elle le sache, qui provoque toute cette aventure, la vit au jour le jour et l'accepte. Une très belle traduction de Marie Vrinat d'une autre très connue en Bulgarie et qui mérite de l'être en France.
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Adriana

Un roman étrange à l'atmosphère à fleur de peau.

Tout est précipité, hors d'haleine, à l'image du style d'écriture qui rendrait presque impossible une lecture à voix haute.

Ioura réapparaît après trois mois d'absence et se raconte, en une nuit, à Téodor.

Elle raconte pour transmettre, comme un testament, la vie d'Adriana qui vient de mourir... et son secret.



Une expérience de lecture surprenante qui vaut le détour !
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Adriana

Théodora Dimova est une autrice bulgare dont j’ai déjà eu l’occasion de lire et apprécier deux romans.



La sortie en poche d’Adriana me permet de découvrir un nouveau texte, assez différent des autres, qui m’aura déroutée, parfois perdue mais aussi paradoxalement, charmée.



Tout commence avec un écrivain, Teodor, qui revoit la visite impromptue de sa cousine adorée, Ioura. Si les deux sont proches, voilà 6 mois, pourtant, que la jeune femme n’a pas donné de nouvelles.



Mais par un soir d’août caniculaire, la voilà qui débarque chez son cousin pour lui raconter ce qu’il lui est arrivé : un travail chez une vielle dame, une rencontre et l’impérieuse nécessité de tout raconter à son écrivain de cousin.



Car Adriana, la vieille femme, a connu une vie tumultueuse surtout dans sa jeunesse, l’ennui et le désœuvrement l’ayant conduite à être capricieuse, désœuvrée, déprimée. Les fils de son existence vont ainsi s’emmêler jusqu’à une rencontre, la plus importante de son existence…



Je n’en dirais pas plus car le roman n’est pas très long et il serait dommage de le gâcher par trop de révélations.



Ce roman est assez étrange, il reprend un roman inachevé du père de Theodora Dimova,

victime du stalinisme. Il dépeint des personnages complexes, presque des archétypes. La jeune Ioura innocente, marquée du sceau du bonheur, Adriana perdue dans son mal-être, les hommes qui semblent incapables de leur résister, les coups de foudre d’hier et d’aujourd’hui.



Mais impossible de lâcher ce roman grâce à son style. Pas de chapitres, un long souffle qui entraîne le lecteur jusqu’aux pages finales.



Ce n’est clairement pas le roman que je conseillerai pour débuter l’œuvre de Dimova mais pour celles et ceux qui la connaissent déjà, ce roman est une nouvelle occasion d’apprécier sa plume.
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Adriana

Adriana trace le portrait d'une femme blasée par l'argent, poussée par l'ennui et la solitude jusqu'à la déchéance. Et jusqu'à commettre l'irréparable. Ce roman illustre les obsessions de l'auteure Theodora Dimova qui remonte aux sources de la violence rongeant la société, et pose une question entêtante à savoir si l'on peut restaurer, envers et contre tout, ce qui a été brisé ?



Ce roman prolonge l'œuvre de son père Dimiter Dimov (1909-1966), très connu dans la Bulgarie des années du stalinisme dont il est d'ailleurs l'une des premières victimes, en reprenant et en donnant une fin au roman qu'il a laissé.
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Les dévastés

Comment survivre à l’exécution d’un mari ou d’un père ?

Comment vivre en étant fille d’un « traitre » ou petite fille d’un « collabo » ?



Lors d’une commémoration à la mémoire des victimes du régime communiste en 2016, la romancière constate qu’aucun responsable bulgare n’est présent, ce qui l’incite à rendre hommage aux dévastés.



Raïna, l’épouse de l’auteur Nikola Todorov, Ekaterina, celle du pope Mina Tomov Zakhariev, Viktoria de Boris Piperkov, trois condamnés à mort à la suite du coup d’état communiste de septembre 1944, se rencontrent en février 1945 au bord de la fosse commune où reposent les exécutés.



« Les Dévastés » raconte la vie de Raïna avant, pendant et après le joug soviétique. Puis celle d’Ekaterina, de Viktoria et de Magdalena, leur fille. Et enfin celle d’Alexandra (née en 1960 comme Théodora Dimova) la petite fille de Raïna.



Alexandra incarne la romancière élevée en Bulgarie sous dictature communiste dans les années 60-70, obligée de disserter à la gloire du PC, ce qui fait pleurer sa mère et sa grand-mère et lui révèle le secret familial qui les ronge.



Trois familles, cinq femmes, trois générations et le même drame. Trois hommes fusillés, parmi des milliers d’autres. Trois familles bannies, privées de leurs biens, déracinées. Victimes à la « libération » de la jalousie d’un pisse copie devenu juge, de la revanche d’un ouvrier, de la vengeance d’un bâtard… de la banalité du mal. Un même drame mais des souffrances différentes liées à leur santé, leur milieu, leur culture, leur foi et leur situation familiale. Avec finesse et style la romancière observe la diversité des destins, des désespoirs et aussi des espérances, qui font de ce récit un réel chef d’oeuvre.



Superbement écrit et traduit par Marie Vrinat-Nikolov, ce texte bouleversant fait écho à la tragédie en cours dans le Donbass, mais aussi aux tragédies endurées par exemple par les mères de la Plaza de Mayo en Argentine, et à toutes les veuves, filles et petites filles de victimes des régimes totalitaires.



Un ouvrage bouleversant, effrayant, incontournable qui rend hommage à la résilience et au courage des femmes et réhabilite les victimes du communisme.

Une couverture qui dessine 4 femmes, dévastées par les rouges, mais tendant les mains aux lecteurs pour « qu’ils ne vivent pas dans le monde humiliant du mensonge ».
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Les dévastés

Victimes du totalitarisme



En racontant un pan demeuré tabou de l'histoire de la Bulgarie, Théodora Dimova réussit un formidable plaidoyer contre l'oubli et nous rappelle à la vigilance face à tous les totalitarismes.



Les rumeurs de guerre se faisant de plus en plus persistantes, Raïna veut suivre l'exemple de nombreux compatriotes et fuir la Bulgarie. Nikola, son mari, ne comprend pas son attitude, lui qui au bout d'un travail acharné a réussi à vivre de sa plume, à la tête d'une revue et publiant régulièrement des romans. Il ne se voit pas quitter leur belle propriété de Boliarovo, des terres héritées des parents de Raïna pour une vie précaire en Suisse. Tout juste envisage-t-il de laisser son épouse partir avec ses enfants, Siya et Teodor. Mais pour Raïna la famille constitue un tout qui ne saurait être divisé et elle décide de rester aux côtés de son mari.

Un choix lourd de conséquences puisque, en cette année 1940, la Bulgarie va être secouée par un mouvement initié par Moscou, le combat contre tous les fascistes, contre tous les ennemis du peuple. Voilà que naissent des milices, des comités de salut public dont la première mission est l'éradication de tous ces militaires, hauts fonctionnaires, capitaines d'industrie, intellectuels qu'ils jugent mauvais. Très vite, Nikola va se retrouver sur leur liste. Malgré ses paroles rassurantes et son envie de croire que la raison l'emportera, il est arrêté, torturé, jugé par un simulacre de justice. Raïna aura beau intercéder en sa faveur, tenter de le faire libérer, elle n'obtiendra guère plus qu'un allègement passager de ses mauvais traitements avant son exécution.

Le sort de l'écrivain sera aussi celui de nombreuses autres personnes qui ont refusé de quitter leur pays.

Théodora Dimova choisit de nous raconter plusieurs de ces récits, de dire le destin de ces familles brisées par l'arbitraire de ce nouveau pouvoir personnalisé par un trio de bourreaux, trois jeunes hommes qui vont prendre un malin plaisir à arrêter chaque jour ceux qu'ils n'aiment pas. Vassa, Yordann et Anguel sont les oiseaux de mauvais augure de cet épisode dramatique de l'histoire de la Bulgarie longtemps resté tabou. Ce n'est du reste pas un hasard qu'aucun membre du gouvernement ne sera présent au moment des cérémonies en hommage aux victimes de ces crimes d'État.

En confiant à Alexandra, la petite-fille de Raïna, le soin de creuser cette histoire familiale, Théodora Dimova peut donner du recul à l'analyse, mais aussi nous révéler quelles furent les suites de ces forfaits. Comment les veuves ont survécu, comment leur combat a été mené au fil des années. Un roman fort et très émouvant, mais aussi un plaidoyer contre l'oubli et pour une analyse lucide du régime totalitaire. On ajoutera qu'au moment où l'Europe est à nouveau en guerre, ce livre peut aussi se lire comme un cri d'alarme, un appel à la vigilance.




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Les dévastés

La Bulgarie, un matin froid de février, nous sommes en 1945. Devant une fosse commune d'un cimetière de Sofia. Des femmes sont là pour pleurer leur mari, leur fils ou leur père. Victimes de la répression suite au coup d’état du Front de la patrie, avec le soutien de l’URSS.



Trois femmes livrent le récit de leurs morts, symboles des pans de la société touchée par la répression : l’intelligentsia culturelle, économique et religieuse.

C’est d’abord Raïna qui rend hommage à son mari Nikola, dans un monologue touchant. Puis Ekaterina qui rédige une lettre à ses enfants pour leur raconter leur père, prêtre. Enfin, c’est l’histoire de Viktoria et de son mari. Un récit plus âpre, apportant une noirceur qui va crescendo dans la suite du roman, montrant déjà le poids des secrets et leur triste répercussion. 



Trois récits qui offrent chacun un style différent : le monologue, la lettre et le récit. Avant un dernier chapitre, centré sur l’avenir. 



Des récits qui offrent d’abord des visions parfaites des disparus pour mieux dénoncer la violence des morts et leurs répercussions dans une société muselée où le silence est de mise. Car la mort de ces hommes n’est pas tant le sujet principal de ce livre que le courage des survivants, leur douleur et leur vie qui continue,  brisée.

Seule la douleur est là, palpable. Comme un poison qui s’infiltre insidieusement et se diffuse, tout au long des années.  La répression frappant également les descendants des fusillés. De façon indirecte, sans balle, ni emprisonnement mais en les condamnant à une vie de silence, de non-dits et d'ostracisme sans parler des conditions matérielles précaires.



Ce roman est très réussi, par son sujet, si habilement traité mais aussi par son style. Chaque chapitre a sa voix, sa façon de raconter les événements, on passe d’une narration à l’autre sans que cela n’entrave la fluidité ou l’émotion du récit. 



Les révélations et les liens entre les différentes parties se font au fur et à mesure, de façon discrète et sans artifice.



Un roman fort et très réussi qui confirme le talent de Théodora Dimova et une nouvelle incursion réussie pour moi en littérature bulgare.
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Les dévastés

" Les générations qui ont grandi dans la Bulgarie communiste étaient manipulées dès l'enfance pour faire l'éloge du Parti. Ce qui faisait l'objet de la censure la plus stricte, c'était la mémoire du passé. La loi fondamentale de tout régime totalitaire est :" Qui maîtrise le passé maîtrise aussi l'avenir. Qui maîtrise le présent maîtrise aussi le passé." La memoire manipulée a marqué de son empreinte notre présent. Ce qui sera tragique, c'est si elle marque de son empreinte l'avenir également. "

Ainsi conclue Teodora Dinova, elle pour qui la tâche de l'écrivain est " de mettre le doigt dans la plaie".



C'est donc le récit de vies dévastées dont elle entreprend l'écriture, afin de rendre hommage à sa grand-mère.

Et c'est elle, Raina qui ouvre le récit. Un récit qui commence dans l'insouciance des années heureuses, dans une jolie maison de campagne à Boliarovo. Des étés joyeux, des réceptions dans le jardin, le mari Nikola écrivain de talent et éditeur.

Et puis, l'arrestation. Parce que les intellectuels, les artistes, les entrepreneurs sont une menace pour le régime communiste.

Et pour étouffer ces esprits trop affûtés, on recrute des assassins dans les prisons, de pauvres garçons à qui on faisait l'aumône et qui ont la rage au cœur.

Le cri de Raina, qu'elle étouffe dans la nuit pour ne pas éveiller ses enfants, est celui d'une femme amoureuse qui souffre de n'avoir pu sauver son mari.

La lettre qu'Ekaterina écrira pour ses enfants avant de mourir à son tour, est tout aussi bouleversante alors même qu'elle tente de leur expliquer la personnalité de leur père et les raisons de son assassinat.

Puis vient le récit de Viktoria, cette musicienne cultivée qui rêve de Paris et qui finira alcoolique et usée par le travail à la briqueterie, parce que son mari comme celui de Ekaterina et de Raina, sera fusillé en 1945 avec 147 hommes.

Lej dernier récit, le plus touchant peut être, est celui d'Alexandra, la petite fille de Raina. Elle n'a pas vécu ces années de purge, mais elle en porte le poids. Rejetée par sa mère, enfermée dans les silences de sa grand-mère, elle ne comprend pas ce monde que personne ne lui a expliqué, ce passé qui pèse comme un fardeau mystérieux. Dévouée à sa grand-mère qui souffre de démence sénile, elle parvient à reconstituer le passé et à se construire au fur et à mesure que la mémoire de la grand-mère s'éteint.



Ce roman choral nous permet de découvrir un pan de l'histoire de la Bulgarie par les voix de femmes dévastées par un régime politique impitoyable.
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Les dévastés

Porté par une langue d'une finesse remarquable, habité d'une grande puissance émotionnelle, Les Dévastés est traversé de scènes poignantes, qu'il est impossible de lire, en 2022, sans songer au drame ukrainien.
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Les dévastés

Les Dévastés. Le titre donne le ton : ce n'est pas sur les jours heureux de la Bulgarie que va se concentrer l'histoire, du moins pas totalement. C'est encore une page de la Seconde Guerre mondiale que j'ai découverte à travers cette histoire bulgare bien méconnue, par moi en tout cas. Si l'on se rappelle que le pays fut intégré au bloc de l'Est, il est moins connu que le pays fut également allié à l'Allemagne lors des deux guerres mondiales. C'est ainsi ce brusque changement de régime faisant suite à une "guerre d'un jour", ou une insurrection installera un régime favorable aux Soviétiques et ses conséquences sur trois familles bulgares, que se concentre les Dévastés. Nikola et Raïna Todorov - écrivain, Mina Tomov et Ekaterina Zahkariev - prêtre, Boris et Viktoria Piperkov - industriel prospère. Si le nazisme fut une abomination, l'instauration du régime communisme n'est pas en reste en matière d'atrocités : ce sont trois récits, fictifs, qui forment un ensemble indissoluble, celui de l'histoire bulgare, et qui ont fait écho, dans ma mémoire de lectrice, à bien d'autres récits de victimes soviétiques du communisme.



Les échos que j'ai perçus ne se font pas uniquement en résonance avec d'autres œuvres annexes, mettant en scène des pays voisins qui ont subi la même violence du régime totalitaire, Théodora Dimova tisse des liens entre les trois drames qu'est devenue l'histoire de chaque famille. Elles se font écho sur de nombreux, que le père de famille soit auteur ou chef d'entreprise. Ces récits sont truffés d'effets miroir qui ont pour résultat de donner davantage de force à l'ampleur des tragédies qui se sont jouées lors de la mise en place du nouveau régime. Si les familles sont dissemblables sur de nombreux points, on retrouve toujours cette nostalgie d'un passé révolu, paradisiaque, dans cette ville de Boliarovo, qui constitue l'un des pivots de ces histoires. Si Sofia la capitale endosse l'identité de la ville communiste, abrupte, triste, uniformisé, la pittoresque Boliarovo, fleurie, colorée, chatoyante, chaleureuse, nous ramène, à chaque fois, avec amertume dans ce bonheur perdu d'un passé, qui s'est définitivement éteint sous les estocades de boutoirs de l'épuration et de l'uniformisation communiste. Cette douce amertume se transmet très poétiquement par le goût de cette liqueur de griotte, motif récurrent, qui accorde cet ultime effluve, sucré, sirupeux, avant leur dissolution progressive au sein d'une grisaille soviétique morne et terne. Les allers et retours entre Boliarovo et Sofia se traduisent par un aller-retour entre présent et passé, puis futur, ou d'une manière ou d'une autre, chaque famille est amenée à se croiser, de façon providentielle et dans l'ignorance de l'existence des unes et des autres, sous l’œil curieux du lecteur. Et très habilement, en toute fin de roman, on se rend compte que l'auteure a fini par rejoindre tous les fils tissés pour en faire une toile complète, qui apporte certaines réponses à des questions laissées en suspens le long du récit,



C'est un texte, minutieux, d'une précision redoutable et dense, dont cette même densité est accentuée par sa forme, qui se présente sous l'aspect d'un seul bloc, ou les dialogues sont totalement intégrés à la narration. Cela donne un récit très compact, mais absolument pas sibyllin, qui contribue peut-être à rendre pour le lecteur de façon plus authentique cette sensation d'oppression qui pèse sur les épaules de chacun des personnages du roman. Outre cette perspective historique qui se dessine à travers les destins filés de ces différentes femmes, dont les hommes semblent être dépourvus si ce n'est celui du raté qui se trouve une vocation de bourreau à la petite semaine, les différentes focalisations internes donnent une réelle dimension personnelle. Et l'écriture de Théodora Dimova, toute en nuance et en profondeur, donne une véritable consistance à ces histoires : c'est un réel plaisir de la lire ! Elle possède cet art de placer son récit à une dimension supérieure grâce à tous ces petits détails poétiques, ces passages sur la littérature ou la littérature, qui transcendent le simple utilitarisme socialiste.



Ce roman très fort, autant par le sujet qu'il traite - une page de l'histoire bulgare à travers les existences fracassées de trois familles sofiotes - et la façon dont il le traite - circonspection, délicatesse alliée à la puissance - est à mon avis l'un des titres à retenir pour cette année qui commence à peine, et son auteure Théodora Dimova, m'apparaît comme une voix littéraire à lire davantage. Merci les Éditions des Syrtes !












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Les dévastés

Première fois pour moi que je lis un roman d'une autrice bulgare, première fois que je suis confrontée à l'histoire de ce pays, la Bulgarie.

Si la période évoquée est sombre et douloureuse, terrible et extrêmement violente et insidieuse à la fois, l'écriture de Théodora Dimova le transcrit avec force et puissance.

La mise en application du communisme est effrayante, broie les humains profondément, intimement, dans leur art, dans leur couple, dans leur vie sociale : un carnage. Le roman dévoile ce mécanisme qui s'amplifie pas à pas, la densité de l'écriture est phénoménale.

La postface permet de connaître le contexte précis qui a poussé l'autrice à s'élever contre le silence et l'oubli, afin de stopper la marche du crime.

Je suis K.O. debout après la lecture d'un livre pareil.

La couverture du livre est vraiment réussie par rapport à son contenu.
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Les dévastés

Trois femmes, trois destins dans la Bulgarie pendant la Seconde Guerre mondiale et plus précisément au moment du coup d'Etat de 1944, qui installe le parti communiste au pouvoir, avec le soutien de la Russie et chasse le gouvernement pro-nazie. S'en suivent alors la persécution des intellectuels, des religieux et des opposants au régime.



Ce sont les femme de trois de ces hommes, torturés, exécutés et jetés en fosse commune, que l'on découvre à travers cette lecture.



Nous entendons le long monologue que Raïna adresse à son époux Nikola, intellectuel et écrivain, le soir de son exécution. C'est une longue plainte, faite de peur et d'amertume.

Raïna a peur pour ses enfants, peur de ne pas pouvoir faire face, et on ressent également toute la colère qu'elle éprouve envers elle-même car elle savait qu'il fallait s'enfuir, quitter leur patrie pour sauver leur vie. Mais elle s'en est remise à son époux, homme intègre et honorable qui pensait ne rien craindre car n'avait rien à se reprocher...



Puis c'est Ekaterina que l'on lit dans une lettre adressée à ses fils. Elle l'écrit en prévision de son décès prochain. Déportée avec ses trois fils suite à l'exécution de son mari prêtre, elle éprouve une grande tristesse à l'idée que ses jeunes enfants n'aient que peu connu leur père. Sentant la mort approcher, elle décide de leur laisser un écrit afin que le souvenir de leur père, de leur parent soit toujours présent.



Ensuite nous découvrons Viktoria et sa fille Magdalena dans un récit retraçant leur vie avant et après l'arrestation de Boris. La déportation, le travail dans une briqueterie, l'alcoolisme, la folie...



Enfin, La dernière partie nous parle d' Alexandra, 20 ans après les faits. Il s'agit de la petite fille de Raïna et l'on découvre alors comment ce drame vécu plusieurs années auparavant a meurtri la famille pour des générations, la honte, le silence et le deuil les habitant pour toujours.



Cette vie de tristesse et de souffrance se mêle à leur vie passée, douce et heureuse, faite de plaisirs et d'insouciance dans cette jolie ville de Boliarovo. Le contraste n'en est que plus saisissant. On ressent le traumatisme enduré par ces femmes en particulier et le peuple bulgare en général. On comprend cette tristesse sans fond qui les suivra toute leur vie, gangrénant les générations futures.

L'écriture est dense et les dialogues sont insérés dans la narration sans signe particulier de ponctuation, créant un sentiment d'oppression, d'asphyxie au fur et à mesure de la lecture.

C'est une lecture poignante et révoltante, dans laquelle j'ai beaucoup appris sur une période trouble de l'histoire, dans un pays dont on parle peu, la Bulgarie.

Le récit de Theodora Dimova met en lumière le silence qui a existé autour de ces drames individuels et l'oppression de tout un peuple par des puissants aux idées totalitaires. Une lecture que l'on ne peut oublier et que je relirai sûrement...
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Les dévastés

Dans ces portraits croisés se nouent les destins de trois familles qui resteront brisées par la mort du mari, du père. Chacune de ces histoires personnelles est tragique, bouleversante. Les femmes, en tant qu’épouses, mères et filles, sont au centre de ces récits, et pour cause : les hommes ne sont plus là, les femmes doivent vivre seules avec le poids de leur absence, de la culpabilité et du non-dit. Et si certains « vainqueurs » sont foncièrement mauvais, l’autrice ne tombe pas dans le cliché et montre que beaucoup cherchent simplement à sauver leur propre peau.

L’écriture fluide, extrêmement élégante et cinématographique de Théodora Dimova m’a tout simplement emportée. J’ai été soufflée par la plume de Théodora Dimova (et sa traduction de toute beauté). Les dévastés est à lire d’urgence !
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Les dévastés

Le roman « Les Dévastés » de l’écrivaine bulgare Théodora Dimova, paru aux Éditions des Syrtes dans la traduction française de Marie Vrinat, est avant tout un acte de justice rendue aux intellectuels et aux opposants persécutés et assassinés par le régime communiste instauré en Bulgarie suite au coup d’État de septembre 1944. Cette mise en fiction historique réussit à remettre en lumière « le mécanisme par lequel le poison de la peur se mettait tout à coup à agir en l’homme et paralysait ses mouvements et sa volonté ». C’est de ce danger d’un basculement brutal et inattendu dont nous parle Théodora Dimova dans un roman bouleversant et tellement actuel.
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Les dévastés

Difficile de refermer un roman comme Les dévastés. C'est une œuvre déchirante qui se lit la gorge serrée tant elle est traversée par des vies douloureuses. Des vies pour lesquelles l'évocation nostalgique du bonheur se mêle à la douleur brutale de la perte dans un récit où Teodora Dimova s'empare du coup d'État qui a vu les communistes bulgares prendre le pouvoir en 1944 avec sa litanie d'arrestations arbitraires et de meurtres de masse.



Mais dans ce récit resserré sur l'expérience intime, l'Histoire ne se découvre que du coin de l’œil à travers la voix de trois femmes issues de la bourgeoisie qui ont vu leur mari broyé par les meules du nouveau régime. On plonge alors dans un univers tenu par les émotions, happé par le malheur de ces femmes, leur incompréhension, leur résignation, l'empreinte trouble et silencieuse qui se transmet au sein des familles.

Mais cela se fait sans excès sans artifice. Par la simple profondeur des personnages et l'écriture pénétrante, Teodora Dimova offre une belle intensité au récit, au monologue, à la lettre, on pourrait aisément les confondre avec des témoignages. Il y a véritablement la faculté chez la romancière à donner une force et une authenticité à son roman qui pourrait être érigé en recueil commémoratif. Car Dimova a non seulement su créer des liens qui rendent solidaires des êtres meurtris pour faire de ces drames individuels une véritable tragédie collective. Mais elle laisse l'impression d'écrire les pages enfouies de l'Histoire de son pays, se rapprochant de celles un peu plus documentées des pays voisins, lesquelles rapportent les mêmes cortèges de violence et de vengeance qui accompagnent le basculement vers un régime autoritaire.

C'est un beau roman qui réussit à crever l'épaisseur du silence instauré par la peur du régime communiste. Il lève un peu le voile noir jeté sur les familles qui empêche de vivre et de mourir tout à fait mais l'opacité demeure sur les années précédant le putsch dans une Bulgarie alliée de l'Allemagne nazie. La description raffinée du bonheur perdu et la vie douce au cœur de la jolie petite ville de Boliarovo ne témoignent d'aucune restriction liée à la guerre mondiale. Comme si la terreur des milices communistes avait tout balayé d'un revers de la main. Á moins que les contraintes de la guerre y étaient moins pesantes qu'ailleurs...
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Les dévastés

Les Dévastés est nous emmène dans les purges de la Bulgarie communiste. Le livre est scindé en 4 chapitres qui nous éclairent sur quatre histoires différentes. Qu’elles s’appellent Raïna, Ekaterina, Viktoria, ces femmes ont toutes un point commun : avoir perdu leur époux dans la traque menée par le nouveau pouvoir communiste après 1944. Chaque histoire pourrait se lire indépendamment, mais elle se recoupent entre elles. On retrouve ces trois femmes en 1945 au bord d’une fosse commune où ont été jetés les corps de leurs maris (un écrivain, un pope et un entrepreneur), qui partageaient un dénominateur commun : faire partie d’une élite devenue indésirable.



Chaque récit se complète et contribue à donner un arrière-plan à cette époque particulièrement sombre. Les images défilent sous nos yeux : les tribunaux de la Milice populaire, les domiciles réquisitionnés, la déportation, les arrestations, les mauvais traitements, le jugement.



Les Dévastés est un livre fort, un témoignage puissant qui pénètre profondément dans la pensée des personnages ; c’est ma première lecture de Théodora Dimova et ce ne sera pas la dernière.
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Les dévastés

Sofia et Boliarovo, en Bulgarie, l’existence s’écoule au jour le jour dans la période trouble de la seconde guerre mondiale. Allié de l’Allemagne nazie, le pays affiche une neutralité, à l’égard de l’Union Soviétique, bouleversée par le décès du tsar Boris III en août 1943 qui modifiera le jeu des alliances. Proche géographiquement, l’Armée Rouge déclare la guerre à la Bulgarie le 1er septembre 1944 – une « guerre d’un jour » appuyée par l’insurrection des communistes bulgares et du Zveno qui renversent le gouvernement et instaurent un régime favorable à l’Union soviétique.



Raïna tourne en rond dans son appartement dans lequel Nikola, son époux, ne reviendra pas. Ils l’ont enlevé, torturé, abattu comme tant d’autres dans cette fosse commune du cimetière de Sofia, peu profonde et recouverte de scories. Comme Mina, le prêtre, dont la femme et les enfants seront exilés. Comme Boris Piperkov, l’entrepreneur appliqué et sans histoire. Trois hommes, compagnons de cellule unis dans la tragédie, dont le seul tort fut de déplaire au Front de la patrie que la haine, la rage et la folie animent.



Roman choral, « Les dévastés » offre une parole à chacune des épouses puis à celle des générations futures dont l’ADN porte les traces d’une incommensurable souffrance. Le chagrin s’immisce en chaque page, témoin d’un mal profond que les mots portent au-delà d’une lecture. Il imprègne et bouleverse révélant l’indicible d’une honteuse époque.



J’ai découvert les faits, happée par ce roman magnifique, humain et profond, dans le vécu de Raïna, dans les lettres d’Ekaterina ou dans l’écrit de Viktoria - femmes à l’amour éreinté au nom d’incertitudes politiques et de bêtises humaines. La douleur est immense : elle se ressent, empoigne, retourne, sans pathos néanmoins, tant elle est juste et fine. Ce roman est un témoignage. Il est un cadeau.



Une lecture forte absolument nécessaire.

Capitale.

Ce roman vient de remporter le Prix Fragonard de littérature étrangère 2022.


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Les dévastés

La lecture récente de « Lisière » de Kapka Kassabova m'avait fait voyager aux frontières bulgaro-gréco-turques, et avait levé un voile pudique et humaniste sur tout un pan de l'histoire bulgare.

J'avais notamment perçu l'importance de la présence musulmane dans ce pays qui a été sous emprise ottomane cinq siècles durant (de 1396 à 1878). J'avais réalisé que ces frontières avaient été témoins de nombreux déplacements de populations, musulmans chassés de ce pays devenu pourtant également le leur au fil des siècles, allemands de l'est essayant d'atteindre la frontière grecque en passant par la Bulgarie au moment de la guerre froide, ou encore, plus récemment, réfugiés syriens. J'avais également compris que le communisme avait laissé une empreinte forte dans ce pays, rendant notamment tout culte religieux interdit, secret, caché. Enfin, j'avais surtout réalisé que je connaissais très peu de choses sur ce pays tant sur un plan géographique que sur un plan historique.



En attendant de lire le deuxième livre de Kapka Kassabova, « L'écho du lac », c'est tout naturellement que je me suis tournée vers ce livre de la bulgare Teodora Dimova sorti en janvier de cette année aux belles éditions des Syrtes. La critique, foisonnante et personnelle, de @MaxSco m'a convaincue. Et il faut dire que la couverture m'a fait de l'oeil, c'est peu de le dire, d'ailleurs elle résume à elle seule assez joliment le livre : les visages de quatre femmes y apparaissent, dont surtout un, central, les autres visages en ombre chinoise sur celui-ci. le tout sur un fond rouge vif. Rouge sang. La couleur du communisme, « la seule couleur que le communisme ne tue pas » m'a fait remarquer très justement une amie Babeliote à la suite d'une des citations posées.

L'auteure, par ce livre, réalise un devoir de mémoire, met « le doigt dans la plaie et souhaite exprimer l'intuition du plus grand nombre possible de gens ». Car si Teodora Dimova n'a pas connu les atrocités perpétrées par le régime communiste qui a envahi la Bulgarie en 1944, elle a connu enfant la manipulation des esprits par ce même régime, et surtout sa grand-mère les a vécues. A l'heure où cette génération s'éteint, où la mémoire peut tomber dans l'oubli, Teodora Dimova écrit ce roman magistral sur cette arrivée du communisme en Bulgarie.



Pour contextualiser un peu, expliquons en quelques mots la situation de la Bulgarie au moment des faits relatés dans le livre : ce pays, durant la Seconde Guerre Mondiale, a rejoint les forces de l'Axe et est donc alliée à l'Allemagne nazie. Un territoire important et stratégique pour Hitler lui permettant d'envahir la Grèce et la Yougoslavie. Malgré cette alliance, la Bulgarie n'a pas déclaré la guerre à la Russie et reste pacifiste, maintenant les relations diplomatiques avec elle. Pourtant la Russie envoie ses troupes ukrainiennes en 1944, ne rencontrant aucune résistance. L'Armée rouge, avec l'aide du Front de la patrie bulgare, fait un coup d'état amenant les communistes au pouvoir.



Ce livre parle de l'épuration sauvage par le régime communiste de ce qu'il pense être contraire et dangereux à cette idéologie : les artistes, dont les écrivains et les peintres, les prêtres, les journalistes, les entrepreneurs qui ont réussi. Entre autres. Des ennemis du pouvoir populaire. Quatre voix de femmes pour décrire l'inhumain, l'ignoble, la bêtise crasse, la monstruosité. Cette éradication, qui de sauvage deviendra peu à peu légale, est réalisée en 1944/1945 par des hommes de main enrôlés dans les prisons où ces criminels, ces bandits croupissaient et auxquels on a promis la liberté en contrepartie de bons et loyaux services pour faire le ménage. Purger le pays de la vermine fasciste. Surtout purger le pays de personnes dont la liberté de penser peut devenir une menace, ou la réussite sociale une injure à l'utopie égalitaire. Pas la peine de vous dire qu'ils ne font pas dans la dentelle ces hommes fraichement recrutés qui peuvent enfin devenir puissants face à cette intelligentsia qu'ils méprisent. A coup d'expropriation, de déportations, de tortures et d'exécutions sommaires, ils manifestent leur toute puissance, tous ces nouveaux camarades.



Le point commun qui réunit ces quatre femmes est l'exécution de 147 hommes une même nuit, abattue froidement puis jetés dans une espèce de fosse commune. Ces quatre femmes, épouse, fille, voire petite-fille ensuite, racontent ce recueillement sur cette fosse, fosse sur laquelle est posée aujourd'hui une stèle funéraire. C'est là que l'auteure est présente pour la commémoration de ce triste événement, le 1er février 2016, et c'est durant ce moment de recueillement qu'elle réalise la nécessité d'écrire un roman sur cette tragédie collective.



Ce qui est le plus marquant dans ces quatre récits est la façon dont chacune relate l'avant et l'après ce coup d'État. Nous avons l'impression, comme le souligne avec délicatesse @Nathalie_MarketMarcel dans sa belle critique, que le rose s'oppose au rouge. le rose délicat et doux du bonheur, des fleurs, des senteurs, des plaisirs de la vie au rouge du sang, du diable, de la douleur. Ce contraste, amené avec poésie, m'a marquée dans chaque récit. de même que les victimes présentées sont aussi belles que les hommes de main sont violents et ignares. Pour autant il n'est nullement question de manichéisme ; les frontières entre les deux camps s'effacent parfois, les victimes se compromettant ou les bourreaux se remettant en question, et à la fin du récit les victimes sont de moins en moins idéalisées, n'arrivant pas dépasser le drame et en faisant subir les conséquences aux plus jeunes. Non pas de manichéisme mais un procédé qui permet de marquer le lecteur quant au drame qui s'est joué et aux vies dévastées en très peu de temps.



« Alors que nous déjeunions, un jour, sur la table de marbre, près de la rocaille, à Boliarovo, dans la verdure et la fraîcheur du jet d'eau, des pierres de Bigorre couvertes de mousse, des fleurs de montagne plantées autour de nous, entourés par les pins séculaires de notre jardin, les tourterelles qui roucoulaient amoureusement dans les arbres, les roses qui embaumaient et les insectes qui bourdonnaient, le rire des enfants, tout à coup je me suis levée et me suis ruée dans la maison, et j'ai fondu en larmes ».



Chaque récit est un cri d'une beauté stupéfiante. Nous observons d'abord la femme, nous lecteurs, spectateurs extérieurs, puis peu à peu c'est elle qui prend la parole, nous sommes dans ses pensées, ou dans ses écrits. Nous ressentons avec oppression sa décrépitude. Sommes les témoins des souvenirs égrenés comme autant de perles précieuses, chapelet tentant de conjurer l'angoisse et la déchéance. Il est impossible d'arrêter la lecture au cours d'un des récits tant le ton est poignant. Et à chaque fois différent.



« Qu'un demi-siècle ne t'appartienne pas, voilà ce qui est difficile à expliquer. Or, c'est justement ce qui a été grignoté, ce qui est vide, qui m'appartient, parce que je n'ai rien d'autre, je ne sais si vous me comprenez, si cela ne parait pas, comment dire, un peu fou. Bien plus tard, j'ai compris que ma mère, à cette époque-là, à Boliarovo, jouait véritablement magnifiquement. Elle jouait toute la journée, elle jouait sans s'arrêter, elle était grisée, mettait de la passion dans son jeu. Et moi j'adorais me glisser dans un coin ou me coller à la fenêtre et écouter. Ce que j'aimais par-dessus tout, c'était l'hiver, quand il neigeait et que je l'écoutais jouer. Je restais alors à la fenêtre et scrutais la danse des flocons de neige, j'avais l'impression qu'ils se laissaient guider par le rythme de maman, qu'ils se dispersaient ou se rassemblaient grâce à ses mains, qu'ils se balançaient et dessinaient diverses figures grâce aux mélodies créée par ses mains. C'était une magicienne, comme elle m'apparaissait, qui maitrisait la neige, la tombée de la nuit, le vent, la caresse, les tons de son piano pouvaient incarner la tendresse, ils parlaient une autre langue, pas une langue humaine, mais je la comprenais mieux que celle des humains ».



Alexandra prend la parole en dernier et c'est sans doute cette adolescente qui m'a le plus marquée tant sa solitude vire à la folie. J'aime penser que c'est elle, sur la couverture, dont on voit le visage, elle qui hérite du poids des drames des femmes qui l'ont procédée. C'est la petite fille de la première narratrice, de Raïna, qui a perdu son mari et qui a été déportée dans la campagne. On comprend à quel point ce drame a marqué à jamais la lignée de ces femmes, que les enfants d'Alexandra seront à leur tour marqués, au fer rouge, par les atrocités commises dont la douleur est transmise de génération en génération et dont on ne s'habitue pas.



Ce livre est une pépite. Il est magnifiquement écrit, il est bouleversant, et permet de comprendre la grande Histoire tout en n'étant pas assailli de dates, de faits, Teodora Dimova ayant choisi de mettre à l'honneur quatre destinées, quatre femmes touchées par cette tragédie collective dont j'ignorais tout. Une douce et poignante sororité pour dénoncer et ne jamais oublier.

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Les dévastés

Mémoires de femmes bulgares



Le précédent roman de la dramaturge et romancière bulgare Théodora Dimova, Mères (Éditions des Syrtes, 2019), était consacré à un fait divers survenu dans un lycée en 2004 et dénonçait de manière magistrale l’extrême violence contemporaine du monde adolescent. Les dévastés est, quant à lui, selon ses propres termes, un roman de la mémoire. Après avoir ausculté la société bulgare contemporaine, un retour dans le passé s’est imposé à Théodora Dimova. Dans sa postface, elle raconte qu’en 2016, lors d’un hommage devant le monument aux victimes du communisme, dans le parc du Palais de la culture, en l’absence totale de représentants de l’État, elle a pris conscience de l’absolue nécessité, en tant qu’écrivaine, de revenir sur cette partie de l’histoire de son pays.
Lien : https://www.en-attendant-nad..
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Les dévastés

L'écrivaine rappelle les crimes ayant suivi la prise du pouvoir par les communistes à Sofia, en 1944, dans un roman nécessaire.




Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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