Terry Pratchett

......
"- Sans doute d'autres réfugiés, monsieur le commissaire.
- Bons dieux, on n'a plus de place ! pourquoi est-ce qu'ils persistent à venir chez nous ?
- Ils cherchent une existence meilleure, je pense, monsieur le commissaire.
- Une existence meilleure ? Ici ?
- Je crois que c'est pire là d'où ils viennent, dit Carotte.
- de quelle sorte de réfugiés on parle là ?
- des réfugiés surtout humains, monsieur le commissaire."

Un cri monta .
Snibril eu l'impression que la nuit avait désormais trouvé une bouche et une voix

.C'est une excellente femme qui fait une tourte viande-oignons pas mauvaise et qu'a toutes ses dents à elle. Je I'sais parce qu'elle me les a montrées. Son cadet lui a rapporté un dentier très chic qu'il a acheté dans la grande ville, et elle est rudement jolie avec ça. Elle a eu la gentillesse de me l'prêter un jour que je m'attaquais à un morceau de cochon coriace, et c'est un geste qu'on n'oublie pas.

- Réfléchis-y. Tu sais ce que c'est l'éternité? Tu sais ce que c'est? J'veux dire, tu sais ce que ça représente? Y'a une grosse montagne, tu vois, deux mille mètre de haut, à l'autre bout de l'univers, et une fois tous les mille ans, y'a un p'tit oiseau...
- Quel p'tit oiseau? s'inquièta Aziraphale, soupçonneux.
- Celui dont je parle. Et tous les mille ans...
- Le même oiseau, tous les mille ans?
Rampa hésita. "Oui.
- Ça doit être une sacrée antiquité, ce piaf, alors.
- Ouais. Bon, tous les mille ans, l'oiseau vole...
- Il se traîne plutôt.
- Il vole jusqu'à la montagne pour s'y aiguiser le bec...
- Hé, minute, c'est pas possible. Entre ici et l'autre bout de l'univers, y'a plein de ...." L'ange fit un geste du bras, ample quoiqu'un peu gauche. " Plein de machin-truc, mon gars.
- On va dire qu'il y arrive, persévéra Rampa.
- Comment il fait?
- C'est pas ce qui compte!
- Il pourrait y aller en vaisseau spatial", suggéra l'ange.
Rampa se radoucit un peu. " Oui, si tu veux. Enfin, bref, l'oiseau...
- Seulement tu parles du bout de l'univers. Alors faudrait que ce soit l'un de ces vaisseaux spatiaux où c'est les descendants qui arrivent au bout. Faudrait dire aux descendants, tu sais : "Quand vous arriverez à la Montagne, faudra que vous...." Il hésita. "Qu'est-ce qu'il faudra qu'ils fassent?
- Il s'aiguise le bec sur la montagne. Et ensuite, il revient en sens inverse...
- ... dans le vaisseau spatial....
- Et mille ans après, il recommence", acheva précipitamment Rampa."
Il y eut un moment de silence éthylique.
" Ca fait beaucoup de boulot, rien que pour s'aiguiser le bec, réfléchit Aziraphale.
- Bon écoute. Ce que je veux dire, c'est que quand l'oiseau aura complètement usé toute la montagne, hein, eh ben...."
Aziraphale ouvrit la bouche. Rampa le savait: il allait faire un commentaire sur la résistance comparée des becs d'oiseaux et des montagnes de granit. Le démon se lança résolument.
"... Eh ben tu seras toujours en train de regarder La Mélodie du Bonheur."
Aziraphale se figea.
" Et ça te plaira, insista Rampa, impitoyable. Tu verras.
- Mon petit...
- Tu n'auras pas le choix.
- Ecoute...
- Le Paradis est absolument dépourvu de bon goût.
- Là...
- Et y'a pas un seul restaurant japonais."
Une expression douloureuse passa sur le visage soudain très grave de l'ange.

Les savants ont calculé que les chances d'exister d'un phénomène aussi manifestement absurde sont de une sur un million.
Mais les magiciens, eux, ont calculé que les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.

"- Je sais que t'aimes bien pointer un doigt moqueur, sergent, mais il s'passe des tas de trucs dont on est pas au parfum (parlant du gouvernement étouffant certaines affaires)

- Comme quoi, exactement ? répliqua Côlon. cite-moi un seul truc qui s'passe dont t'es pas au courant. Tiens... tu peux pas , hein ?"

"Monsieur Hippobisque était un homme assez jeune qui non seulement courait à l'embonpoint, mais sprintait, sautait et plongeait vers l'obésité. A trente ans, il était à la tête d'une série impressionnante de mentons qui bloblotaient pour l'heure d'une fierté outragée*"

* On a tort de juger sur les apparences. Malgré sa figure, qui était celle d'un porcelet venant d'avoir une idée lumineuse, et sa façon de parler, qui évoquait un petit chien névrosé hors d'haleine mais d'un prix ridiculement élevé, monsieur Hippobisque était peut-être un homme aimable, généreux et dévot. De la même façon, l'inconnu masqué qui sort par votre fenêtre en pull rayé et en grande hâte s'est peut-être tout simplement perdu sur le chemin d'une soirée costumée, et l'homme en robe et perruque qui est le point de mire de la salle d'audience n'est peut-être qu'un travesti entré par hasard se mettre à l'abri de la pluie. Les jugements hâtifs sont souvent abusifs."

On meurt tout pareil quand on tombe de dix mètres ou de dix mille.

On grandit en lisant des histoires de pirates et de cowboys et d'astronautes et tout ça, et au moment où tu crois que le monde est plein de trucs géniaux, on te dit qu'en fait y a que des baleines crevées et des forêts abattues et des déchets radioactifs qui durent des millions d'années. Ça vaut pas la peine de grandir, si vous voulez mon avis.

Subséquemment - pour tout dire et pour être précis un quart d'heure plus tard -, Moite von Lipwig fut arraché aux bras de Morphée par la poussée nettement moins délicate d'une lame appartenant à un garde du palais d'Ankh Morpork, une race qu'il n'appréciait guère de toute manière car ils étaient imperturbables et bêtes. Il fallait reconnaître que les agents du Guet municipal aussi, de l'avis de Moite, mais eux au moins étaient la plupart du temps d'une bétise créative autant qu'amusante, ce qui les rendait plus intéressants. Après tout, on pouvait leur parler et donc leur embrouiller la cervelle, alors qu'avec les gardes du palais... eh bien, ils ne savaient qu'aiguillonner de la pointe de leur épée, et ils avaient le coup de main. La sagesse conseillait de ne pas les contrarier ; très au fait de la procédure de telles interventions. Moite s'habilla en bougonnant et les suivit vers le palais, et indubitablement vers une audience avec le seigneur Vétérini.

Vimaire lui lâcha la main alors qu'elle déclarait : "Vous êtes un grand homme, commissaire, et j'espère qu'on vous élèvera une statue !
- Oh là là, j'espère que non ! On n'élève des statue qu'aux morts !"

- A quoi voulez-vous que je réfléchisse ? Qui sont ces scarabés, ces cafards, pour fondre sur un monde et le consumer à leur guise, pour détruire à vitesse grand V tout ce qui était, tout ce qu'il aurait pu être, afin d'alimenter une nouvelle étape insignifiante de leur expansion sans fin ?
-Hum... je vous donnerais raison si ce n'était pas précisément ce qu'à toujours fait l'humanité, comme vous m'en avez souvent rabattu les oreilles.

Certains pirates s'assuraient l'immortalité par de grands actes de cruauté ou de bravoure. D'autres en amassant de grandes richesses. Mais le capitaine avait depuis longtemps décidé qu'il préférait, en fin de compte, s'assurer l'immortalité évitant de mourir.

- Je vous assure que cette idée ne m'est même jamais venue à l'esprit, monseigneur.
- Vraiment ? Alors moi à ta place, je poursuivrais ma figure en justice pour diffamation.

Elle riva son regard sur le chat. « Bon. Que diable êtes-vous ?
Une forme de vie mécanique. Comme de juste. Avec le dernier cri en matière d'IA. Ce qu'il y a de bien avec l'intelligence artificielle, c'est que c'est toujours préférable à la stupidité artificielle. Non ? Ha ha ! »

Les automobiles offrent en théorie un moyen d'une rapidité fantastique pour se déplacer d'un point à un autre. De leur côté, les embouteillages sont une occasion fabuleuse de rester immobile. Sous la pluie, dans un demi-jour, pendant qu'autour de vous, le volume et l'exaspération de la symphonie discordante de klaxons s'exacerbent sans cesse.

FROUTISME

Beaucoup ont entendu parler de Thomas Bowdler, qui a publié une édition des oeuvres de Shakespeare expurgée de tous leurs éléments scabreux. Peu se souviennent de Bébé Mâle Froufrou, qui souffrait de la lubie irrésistible d'ajouter des grossièretés à des livres et des chansons qui en étaient en principe dépourvus. Il avait contracté cette manie très jeune, en commençant par griffonner des mots comme "naigreau" ou "tiraucu" dans les marges de ses livres de classe (son incapacité, sa vie durant, à maîtriser l'orthographe n'a jamais arrangé son cas), mais, suite à un gros héritage à vingt et un ans, il avait eu les moyens de réimprimer des livres entiers qu'il avait "froutés". Il les avait subtitués aux ouvrages originaux, auxquels ils ressemblaient par ailleurs comme deux gouttes d'eau, quand les libraires avaient le dos tourné.
Au bout de plusieurs mois, l'opération n'avait eu d'autre effet qu'un net regain des ventes de plusieurs livres. Les choses s'étaient cependant gâtées quand un petit ouvrega de Mlle Epetheme Occicloche, publié à titre privé et intitulé Réflexion dans un jardin de campagne, avait gagné de haute lutte plusieurs prix littéraires, et qu'un juge en avait vanté " la position encourageuse et controversée sur la question des primevères".
Monsieur froufrou, mort à quatre-vingt-quatre ans, est enterré dans le cimetière des Petits-Dieux à Ankh-morpork. On peut aller observer sa tombe, sur demande exclusive auprès du fossoyeur en chef, car elle reste en permanence recouverte d'un papier d'emballage uni afin de ne pas heurter la sensibilité des visiteurs.

(NOTIFICATION MEDICALE)

Le temps a estompé ce qui m'a poussé à écrire ce texte, mais c'était sans doute après avoir entendu un propos saugrenu de trop dans la bouche d'un de ces trop nombreux politiciens à la manque, toujours très mauvais quand ils veulent nous materner et qu'ils s'y prennent de travers.

(Veuillez respirer à petits coups courts ou coucou)

La voiture passa devant un grand nombre de bâtiments de ce type, autant de petits palais sûrement pour leurs occupants qui avaient fui la rue Coquebec, la rue Montsoue ou les autres quartiers dont les résidents s'imaginaient encore capables d' "améliorer leur condition", un exploit réalisable le jour béni où ils auraient "un petit nid bien à eux". C'était un rêve envoûtant quand on ne regardait pas de trop près des termes comme hypothèques, remboursements, expropriation et faillite, et la petite bourgeoisie d'Ankh-Morpork, qui s'estimait piétinée par la classe au-dessus et injustement volée par celle au-dessous, faisait la queue avec l'argent emprunté pour acheter, par traites échelonnées, son propre petit Oi Dong*.

* Oi Dong étant l'équivalent de paradis terrestre.

Ma foi, se dit-il, vous fermez tous les yeux sur la contrebande quand les citoyens qui s'y livrent vous agréent, parce que ce sont des copains, et, dans le cas contraire, vous les condamnez lourdement. Vous appliquez une loi pour les pauvres et aucune pour les riches, ma chère, parce que les pauvres sont une vraie plaie.