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Citations de Thibault Isabel (29)


La vraie justice n’est pas indifférence. Elle dévoile les différences avec perspicacité.
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Aristote a rendu célèbre l’éthique du juste milieu, à laquelle on associe son nom, alors qu’il en a donné une interprétation faussée, presque chrétienne avant l’heure : il envisage le juste milieu d’une manière fixiste, qui oblitère l’aspect dynamique de la nature. Il jouira pour cette raison d’une grande renommée à l’époque de la scholastique et du thomisme. Chez Aristote, les extrêmes deviennent des vices ; il conçoit le milieu comme un pivot pour ainsi dire immuable. Toute sa réflexion repose sur une acception ordonnancée de la réalité.
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Pour les païens, l’homme n’est ni bon ni mauvais. Il complète la nature ou se heurte frontalement à elle. De là découle son bonheur ou son malheur.
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L’orphisme tendra à dévaluer ce monde-ci, trompeur, cruel et mauvais ; il nourrira la conviction que l’apparence chaotique au sein de laquelle nous nous mouvons doit être dissipée au profit d’une vérité stable et sereine venue des cieux. On verra se développer une morale végétarienne et ascétique du renoncement, visant à réintégrer la plénitude du Tout, contre l’ancienne morale de la participation au tumulte de l’existence.
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Pyrrhon était l’apôtre d’un scepticisme intégral. Selon lui, quel que soit le point de vue que nous envisageons, nous devons prendre soin de comprendre le point de vue opposé, afin de cerner la pertinence de chacune des perspectives en conflit – ou du moins leur pertinence apparente – et de nous tenir en retrait de toute croyance ou conviction. Le sceptique radical évite d’accorder un trop grand crédit aux idées, même en relation à un contexte donné, et préfère se ranger à la « tranquillité heureuse ». Chacun se rappelle la formule latine : « In dubio abstine » (« Dans le doute, abstiens-toi »). Au lieu de nous rendre malheureux à force de chercher la vérité, résignons-nous à ne rien connaître ; et, au lieu de lutter contre les conventions établies, choisissons de nous y soumettre avec calme. […] Même le fait de s’obstiner à dire que rien n’est vrai et que nul ne peut rien connaître du monde constitue pour Pyrrhon un attachement excessif à la recherche de la vérité et trouble notre quiétude, que les Grecs qualifiaient d’ « ataraxie ».
Cette démarche philosophique est exclusivement morale : elle porte sur l’attitude subjective à adopter face au monde et ne dit rien sur la nature objective du réel. Elle refuse par principe de porter un quelconque jugement de connaissance, y compris pour affirmer que l’Être paraît inconnaissable. Le seul jugement qu’elle porte est éthique : l’homme tranquille se garde de chercher la vérité.
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Plus qu’une religion, le paganisme caractérise un modèle de sagesse potentiellement présent dans n’importe quelle tradition spirituelle. C’est pourquoi il n’y a jamais eu de paganisme unitaire, mais des paganismes particuliers, propres à leur lieu et leur temps ; et c’est aussi pourquoi il n’y aurait aucun sens à vouloir restaurer les religions défuntes, alors que les peuples, tout en préservant leur continuité, se transforment au fil des siècles.
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Jusqu’à la Réforme protestante, l’Europe était profondément païenne, y compris dans son christianisme. Au travers des rites chrétiens, des messes, des pèlerinages, c’était pour une part la célébration des divinités ancestrales qui se poursuivait !
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Après la République romaine, au cours de la période impériale, on a assisté à une brutale évolution des mentalités « païennes ». Un certain puritanisme moral se faisait jour ; le salut de l’âme et la métaphysique étaient à la mode ; on commençait à ostraciser les croyances déviantes. Sous le règne de Marc Aurèle, le stoïcisme a teinté le discours public d’ascétisme, en invitant à une lutte acharnée contre la dépravation des passions. L’accouplement se trouvait réduit à un « frottement du ventre et à l’éjaculation d’un liquide gluant accompagné d’un spasme » [Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, VI, §13]. Enfin, le siècle de Cicéron et celui des Antonins ont bouleversé la conception des rapports conjugaux ; au sortir de cette métamorphose, la morale sexuelle païenne ressemblait beaucoup à la future morale chrétienne du mariage et l’adultère y était sévèrement condamné. Le paganisme s’était donc déjà « christianisé » avant même que le christianisme ne devînt une religion bien implantée.
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Le monothéisme adopte une logique de conquête ; le paganisme ignore la notion d’hérésie.
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Du point de vue païen, le monde n’a pas été créé par un Dieu extérieur ; il est le fruit d’une formation progressive, d’une autocréation. Il ne peut pas y avoir de vérité révélée, de dogme venu de l’au-delà. En lieu et place du sur-monde, c’est le monde qui est divin, et l’homme qui est un dieu à travers lui.
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Le paganisme ne repose pas sur une foi, sur un Créateur qu’on ne voit pas et auquel on devrait cependant croire, mais sur un certain rapport à l’existence.
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Le courage, le sens de l’honneur, la loyauté, le respect de la parole donnée, la générosité et l’exigence illustrent quelques-unes des vertus païennes les plus importantes. Ces valeurs ne sont pas vertueuses parce que le Créateur l’a décrété pour nous, mais parce qu’elles nous rehaussent dans notre humanité. Celui qui les bafoue n’ira pas en enfer ; il rendra le monde moins beau. Le paganisme est d’abord une esthétique – une esthétique de vie.
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L’adjectif « païen » traduit deux termes en usage à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge. L’un est d’origine grecque, hellène, et l’autre d’origine latine, paganus : si l’on en croit Philastrius, ils étaient interchangeables dans leur acception courante. « Être hellène en matière de religion » se disait au IVe siècle de ceux qui adoraient les dieux. L’expression était employée par les principaux concernés eux-mêmes, mais semble avoir eu une dimension péjorative et était surtout mise en avant par les adversaires du polythéisme. Depuis une décision prise sous Caracalla, en l’an 212, tous les hommes libres de l’Empire étaient considérés comme « citoyens romains », même s’ils habitaient Byzance ou l’Anatolie : qualifier les partisans de la vieille religion d’ « Hellènes », et non de « Romains », était une manière de les exclure, pour en faire des citoyens de second rang.
Le mot paganus a donné en français les termes « païen » et « paysan ». C’est ce dernier sens qui était initialement accolé à paganus signifiant l’ « homme de la campagne, du terroir » (le territoire local se disait pagus). Plus tard, l’expression servit de qualificatif injurieux pour les idolâtres qui refusaient de se convertir au christianisme. A force d’être traités de cette façon, les « païens » ont accepté cette étiquette et, d’une insulte qu’elle était, y ont vu un titre de gloire et un cri de ralliement, bien que l’utilisation laudative du terme ne se soit répandue qu’à l’époque moderne, avec l’éveil du néopaganisme.
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Les païens, au début du Moyen Age, étaient les paysans qui refusaient de se soumettre à la religion du Christ, décrétée culte officiel de l’Empire après la conversion de Constantin et les réformes de Théodose, au IVe siècle de notre ère. Le dogmatisme chrétien a favorisé la stigmatisation des peuples barbares, ces païens prétendument incultes qu’il fallait tourner vers la vraie foi et le progrès des mœurs.
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Nietzsche […] ne voyait pas la mort de Dieu d’un œil tout à fait favorable. Cette mort nous ouvre certes de nouvelles perspectives, puisqu’elle met un terme aux vieilles morales de l’ascèse et de la culpabilité ; mais elle nous confronte aussi à un très grave danger. Le nihilisme guette lorsque nous renonçons à toute valeur et à toute spiritualité. Nous ne croyons plus en rien ; nous n’attendons plus rien ; nous ne savons plus vraiment qui nous sommes. L’être humain constitue une arche entre le passé et l’avenir. S’il perd le souci de bâtir des œuvres et des institutions susceptibles de durer des siècles, comme les cathédrales, s’il se met même à douter du bien-fondé de son action, il cède à une léthargie mortifère.
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Ce goût de l'équilibre se retrouvera en filigrane dans la critique du système socialiste réformiste. Les partisans de la doctrine sociale-libérale se contentent de prôner un capitalisme rapace limité dans une partie de ses aspects par un étatisme redistributif : il n'y a pas alors équilibrage d'un excès par une autre, de manière à ce que les deux se mesurent mutuellement à travers leur ouverture réciproque, mais addition de deux excès contraires qui évoluent en parallèle.
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La bourgeoisie avait longtemps été une classe de moindre importance, brimée par la carcan de l'Ancien régime: tant que les nobles s'arrogeaient la majeur partie des affaires lucratives, les roturiers ne pouvaient espérer faire fortune. Mais la révolution de 1789 leur avait laissé le champs libre, et, tout en prétendant abolir les vieux privilèges, avait permis aux jeunes loups ambitieux de conquérir une position prééminente. Le peuple ne s'était dressé contre la tyrannie, au doux chant de "liberté, égalité, fraternité !", que pour voir ses idéaux trahis. A quoi bon se défaire de l'allégeance au roi si l'on se trouve ensuite soumis à un patron ?
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Nous avons voulu une mondialisation outrancière ; nous avons eu en même temps l’individualisme, le réchauffement climatique, le dumping social, la standardisation culturelle, le mercantilisme, la guerre pour les parts de marché, le repli national face aux excès de circulation des flux, le terrorisme, l’élevage industriel ou la dévastation des sols surexploités – et nous avons maintenant aussi la Covid-19. Notre cure forcée de quarantaine nous contraint à méditer, comme des moines en ascèse. Lorsque tout sera terminé, nous ne pourrons pas recommencer comme avant. Alors, à défaut de changer le monde dès aujourd’hui, essayons au moins de le penser.
Thibault Isabel (préface)
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Si la modération se situait toujours au milieu exact entre deux extrêmes, être moral ne nous demanderait aucun effort. Cela reviendrait à suivre un dogme, puisque le juste milieu serait statique. Mais le monde est dynamique : ce qui est modéré dans une situation ne l'est pas dans une autre. Il n'y a pas de juste milieu entre le courage et la prudence : l'héroïsme se manifeste à propos, au moment où la lâcheté risquerait d'inhiber notre action, tandis que la témérité s'applique hors-de-propos à des situations qui auraient nécessité davantage de retenue. Il est raisonnable de s'exposer au risque lorsque le jeu en vaut la chandelle. Etre modéré réclame de prendre des mesures extrêmes si elles sont justifiées ; et c'est un signe de sagesse que de ne pas rester timoré face aux embûches.
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La doctrine de la Nouvelle Académie, qui remonte au IIIème siécle et au IIéme siécles av. J.-C, se révélait beaucoup plus proche du paganisme archaïque. Quoique sceptique dans son inspiration, elle était anti-pyrrhonienne. Pour la Nouvelle Académie, le sceptique ne doit pas s'abstenir de formuler des points de vue ; il doit refuser d'en faire des certitudes péremptoires. Nos "vérités" ne sont rien d'autre que des jugements probables, toujours soumis à révision ; et c'est au nom de ce probabilisme qu'on peut désormais envisager le scepticisme comme une doctrine dotée d'un contenu de connaissance objectif, à rebours de l'attitude morale [ndlr purement] subjective préconisée par Pyrrhon.
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