Citations de Thierry Bellefroid (23)
Le vocable « 9e Art » pour désigner la bande dessinée n'est pas une nouveauté. Une étude du « Collectionneur de bande dessinée » a montré qu'il avait été forgé par le critique de cinéma Claude Beylie qui aurait utilisé ce concept dans « Lettres et Médecins, supplément littéraire de la Vie médicale », de janvier à septembre 1964, soit trois mois avant Morris et Van Keer. L'ont-ils lu ? C'est possible. Mais il est clair en revanche que la rubrique de « Spirou » scelle définitivement l'usage des mots « 9e Art » pour désigner la bande dessinée.
2411 – [p. 26] Didier Pasamonik
On dit qu'Hergé aurait qualifié un jour le dessin de Franquin d'« un peu vulgaire ». Ce n'est peut-être pas faux, et même compréhensible. Lui qui définissait son héros par son contour, d'une ligne « claire », pure et idéale, comme un géographe trace les frontières d'un pays et signifie peut être ainsi que toute incursion étrangère s'apparenterait à une guerre, comment s'étonner de cette résistance instinctive face à l'extraversion de conflits intérieurs ? De ces deux géants du 9e art qui s'opposent, on retiendra que le génie de l'un éblouit souvent au point d'aveugler celui de l'autre, comme le Soleil chasse la Lune, et réciproquement.
2389 – [p. 69] Bernard Hislaire
Il y a des moments dans la vie où l’on sait qu’on n’est pas dans le camp des plus forts. On sait avec conviction qu’on est dans le camp des justes. Il faut simplement avoir le temps de savourer son triomphe, fût-il modeste
La première biographie consacrée à un auteur d'histoires en image a été consacrée à François Georgin (1801-1863), ce dessinateur d'images d’Épinal qui célébra l'épopée napoléonienne. Publié sous Vichy, cet opuscule figure dans une collection d' « artisans célèbres » … Georgin dont l'oncle combattit à Austerlitz signa ses bois très tôt, fait rare dans ce métier où les graphistes sont souvent anonymes. On remarqua sont style : « Georgin savait trouver le trait juste pour exprimer les sentiments des masses et c'est pour cela qu'il les conquit » écrit son biographe (René Cercler). On le collectionna comme on collectionnait Granville ou Gustave Doré.
2410 – [p. 23] Dider Pasamonik
Gaston (Lagaffe) est l'opposé de Tintin. L'un est un anti-héros « sans-emploi », rebelle, paresseux et irresponsable. L'autre, le modèle du héros au cœur noble (politiquement correct, dirait-on aujourd'hui), un reporter qui parcourt les pays, dont la psychologie est proche de l'abstraction intellectuelle pour être le témoin « transparent » du monde, celui de son créateur, Gaston, lui, ne sort pas de son bureau (ou presque) mais veut réinventer son monde, se heurtant inévitablement à ses frontières.
2388 – [p. 64] Bernard Hislaire
Méfie-toi le peintre, t’es trop sensible pour la vie en mer. Un vrai marin, ça ne regarde pas le matelot. Un vrai marin ça lui parle pas. Ça lui hurle. Toi, le peintre, t’écoutes trop dans ta tête. Tu vois avec les yeux du cœur. Ici, c’est quand il s’arrête de battre qu’on sait qu’on en avait un
Hergé l'a tout de suite compris : la presse est éphémère, le livre est facteur de pérennité. Si la presse sera toujours un support d'information e de communication du travail en cours, le résultat final est pensé comme une entité : cet album que le lecteur rangera un jour dans sa bibliothèque, à côté des romans.
C'est en cela qu'Hergé se révèle le premier auteur majeur de la BD européenne. Consciemment, livre après livre, il bâtit une œuvre.
Je ne comprends rien à cette guerre.
Comment suis-je arrivé là ?
Je ne comprends rien aux hommes.
Mon ignorance est un sauf-conduit; elle m'empêche de devenir fou.
Mon père dit toujours que si j'avais fait polytechnique avec le même sérieux que sourd-muet, je serais à Santorin à l'année, au bord d'une piscine, les orteils en éventail et un éventail entre les doigts d'une geisha à mes pieds.
"Que les autres expliquent la "BD" comme ils l'entendent, que l'on en fasse un 9e, 10e ou 11e art, un phénomène soial de l'époque, une mode passagère, un snobisme, voire-même l'expression d'une philosophie, Nous, nous n'avons jamais cessé de rêver et de nous amuser avec nos images qui sentent le petit pain au chocolat de la sortie de l'école " déclare ainsi rené Goscinny en 1968.
Hergé, c'est le père tutélaire. Quand on est auteur de bande dessinée, on ne peut pas s'empêcher, à un moment ou un autre, de faire référence à Tintin et de rouvrir un album. Il a construit les fondations de ce que nous sommes. (p.30)
On ne fait pas d’homme net sans casser des vœux. Fussent-ils pieux, mon ami
Je ne comprends pas ce que veut dire "Atua Tzipu".
Je ne comprends pas davantage le cubisme.
Il y a des choses qui doivent rester dans la sphère du mystère.
C'est le jour de mon mariage.
Ni robe blanche, ni alliance.
Ni témoins.
J'ignore le nom de la femme que j'épouse.
J'ignore que nous serons séparés peu de temps après.
J'ignore mon propre nom dans la langue de ce peuple de peintres.
... la bande dessinée est l'art de l'ellipse...
2387 - [p. 84] Claude Renard
[...] la multiplication des galeries marchandes ces cinq dernières années amène le public à voir de plus en plus souvent les planches de bande dessinée sans aucune scénographie, dans une approche muséale.
Éclaboussés de lumière, ces originaux n'ont pour but que d'être mis à nu par l’œil expert de l'acheteur, ramenant le travail de l'auteur à une pure performance graphique.
Les techniques modernes assurent certes une qualité de conservation inconnue jusqu'ici, mais pour combien de temps encore ? Ces technologies sont fragiles et évoluent : comparez le mode de stockage des données informatiques entre aujourd'hui et il y a 20 ans.
Si Pilote est une réussite, sa série vedette, Astérix, s'impose en moins de dix ans comme le premier véritable challenger de Tintin. Par un effet de domino inversé, le succès phénoménal d'Astérix aspire toute la bande dessinée dans sa spirale commerciale ascensionnelle. Cette décennie est justement celle où l'édition d'albums de bande dessinée se professionnalise.
Après Hergé, Jijé s'avère donc le deuxième dessinateur de bandes dessinées professionnel en Belgique. Deux, c'est suffisant pour créer une profession. En moins d'une décennie, celle-ci va s'épanouir de manière exponentielle.
La bande dessinée moderne belge prend sa source dans l'encrier d'Hergé. En 1929, Tintin fait son apparition [...] Avatar graphique du feuilleton populaire, l'histoire en images est alors une affaire de presse, une récréation enfantine, une animation dominicale pour un public jugé peu exigeant.
Susciter le regard d'auteurs d'aujourd'hui sur le travail de leurs devanciers parfois illustres, fait mentir l'adage qui veut que le carrosse du passé ne conduit nulle part.
J. P. Hupkens