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Critiques de Tim Gautreaux (148)
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Nos disparus

Sam Philippeaux débarque en France le jour de la fin de la première guerre mondiale. Forcément déçu de ne pouvoir combattre, il se rendra vite compte que finalement il a beaucoup de chance de n’arriver qu’à la fin, devant se contenter de faire le ménage sur les champs de batailles où bon nombre de ses compatriotes ont malheureusement perdu la vie.

Le départ du roman se passe en France, dans ce bourbier indescriptible de l’après-guerre.

De retour au pays, il trouve un emploi de responsable d’étage dans un grand magasin, où bien malgré lui, une petite fille, Lily, se fait kidnapper. Sam se retrouve sans boulot et se met en action pour tout faire pour retrouver la gamine.

Il se fera embaucher sur l’Ambassador, un vieux bateau à aubes, rafistolé de toutes parts, et partira en villégiature sur les fleuves et rivières, pour le bonheur de nombreux touristes d’un jour venu là pour en découdre, se saouler, ou même parfois juste danser ou écouter la musique de l’orchestre de jazz du bord.

Sam, lui, n’aura en tête que de retrouver Lily, ce qui le mènera dans des contrées impossibles, à la rencontre de personnages tout aussi malveillants, rustres et violents, dans une atmosphère qui prend à la gorge, décrite de main de maître par Tim Gautreaux, l’auteur de cet excellent ouvrage.

On vit à la place des personnages, on souffre avec eux, car bien évidemment, les conditions de vie sont extrêmement difficiles, entre la misère, les maladies et la violence.

Sam, aura aussi à cœur de connaître, en parallèle, son histoire personnelle, qui a débuté par le massacre de toute sa famille alors qu’il n’était encore que bébé.

Personnages attachants, détestables, Gautreaux joue avec eux et nous livre une fresque épique, qui pour moi est une réussite presque parfaite, ne reprochant qu’un passage un peu trop long sur le bateau avant d’attaquer le vif du sujet. Mais ce sera vite oublié par l’intensité que provoque la suite de la lecture.

En un mot, premier essai avec l’auteur, essai réussi.
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Nos disparus

Nos disparus raconte l'histoire de Sam Simoneaux, un homme qui a été profondément marqué dès l'enfance, lorsque sa famille est massacré à ses six mois. A l'âge adulte, on l'envoie en France le jour de l'Armistice afin de nettoyer les champs de bataille. Rentré traumatiser de cette expérience, il arrive quand même à mener sa vie avec sa femme et son travail de responsable d'étages dans un grand magasin.

Mais sa situation va encore empiré lorsqu'une petite fille, Lily Weller, est kidnappée pratiquement sous ses yeux. Face au désespoir et à la demande des parents, il va se lancer à la poursuite des ravisseurs, s'engageant pour ça comme lieutenant à bord de l'Ambassador, un bateau organisant des excursions sur le Mississippi, lui permettant de revisiter l'itinéraire des parents Weller, travaillant eux-mêmes sur ce bateau.

Cette quête va lui faire parcourir des paysages étonnants, le faisant voyager à travers la musique, les commerces d'enfants et la découverte de soi.

(Suite de ma chronique sur mon blog.)
Lien : http://chezlechatducheshire...
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Nos disparus

Certains livres, trop rares, à peine refermés, s’intègrent à votre expérience du monde... Celui-ci en est un : je sais déjà que je ne pourrai plus entendre parler de bateaux à aube, ou des débuts du jazz sans ressentir toutes les impressions que Tim Gautreaux fait passer dans son roman : l'odeur de l'eau croupie, les traces de suie, la végétation du bord du fleuve, la musique...



Car j'ai aimé ce roman avant tout pour son ambiance et le monde très particulier qu'il décrit. Le personnage principal, Sam, est responsable d'étage dans un grand magasin de la Nouvelle Orléans, dans les années 1920. Heureux dans son travail, heureux dans son mariage, il a surmonté tous les traumatismes : le massacre de sa famille, lorsqu'il n'avait que quelques mois, le nettoyage des champs de bataille de la première guerre, en tant que soldat, la mort de son fils en bas âge... Mais tout est remis en cause lorsqu'une petite fille est enlevée dans le magasin. Considéré comme responsable, Sam perd son travail, et toute chance d'en retrouver un autre. Les parents de la petite Lily lui proposent de le faire embaucher sur le bateau où ils travaillent, contre la promesse qu'il les aidera à rechercher la fillette. Et voilà Sam chargé de maintenir l'ordre sur un vieux bateau à aube transformé en dancing. A bord un orchestre blanc, et un orchestre noir, qui joue du jazz,, pour un public parfois plus que dangereux... A la si vivante évocation du bateau succède, au fil de l'intrigue la description d'un sud des Etats-Unis où règne la loi du plus fort, la prohibition, les hors la loi. Tout un monde que j'ignorais, peuplé de personnages secondaires hors du commun : un chef de gare en fin de vie, attaché à faire une dernière bonne action, une femme-pilote de bateau, des chanteurs et musiciens...



Le personnage de Sam est également fort attachant : un homme simple, qui ne s'interroge pas sur ses motivations mais agit selon sa conscience. Au lecteur d'interpréter ses actes, et de construire sa propre réflexion sur la culpabilité et la vengeance au travers du parcours de cet homme qui cherche à se faire pardonner par ses disparus, et à pardonner à ceux qui ont fait disparaitre sa famille.



Un livre fort, à découvrir
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Nos disparus

Il y aurait tellement à dire sur ce livre... le ton d'abord. Cette justesse que tient Tim Gautreaux sur la façon dont les gens simples agissent en ce monde, c'est sidérant de vérité. Ensuite l'ampleur du récit qui va et vient le long du Mississippi mais pas seulement. L'ambition étrange d'un héros qui vacille et dont la moralité au-delà de tout soupçons lui vaut les pires emmerdements. le rythme enfin, cette musique jazz qui entraîne et entraîne encore de pauvres âmes pour un peu de bonheur en boîte de nuit flottante. Les eaux denses et puissantes du Mississippi, le fleuve comme un étrange tueur muet au sang froid.

Ce roman est fantastique. Tim Gautreaux y explore avec maestria la vie de bohème d'une certaine classe de gagne-petits qui bossaient à bord des grands bateaux à aubes du grand fleuve. Ces gens trimaient pendant des semaines, le bateau accostant dans un port le temps de charger une cargaisons de cul-terreux prêts à tout pour dépenser les trois dollars d'économies durement gagnés à la mine, à la scierie ou aux champs. Arrivés sur le dancing, cette clique buvait tant et tant aux rythmes des premiers jazz, parfois les orchestres étaient blancs, d'autres fois noirs. Inévitablement toute cette smala finissait en bagarre générale et notre héros, Sam Simoneaux, vétéran de la grande guerre arrivé en France le lendemain de l'Armistice, était chargé de faire respecter l'ordre.

Voilà pour la première face du roman, mais telle n'importe quelle pièce de menue monnaie, le côté pile comporte un autre dessin. Sam Simoneaux est orphelin de père, de mère, il n'a plus ses frères et soeurs, tous tués alors qu'il avait moins d'un an. Son deuil impossible, Sam Simoneaux va le porter toute sa vie comme un fardeau impossible et, tout comme le Mississippi, plein de fureur contenu.

En attendant que sa fureur éclate, Sam va commettre un impair malgré lui et laisser une petite fille se faire enlever par des malfrats. Sonné, il ignorera tout de la manoeuvre avant que les parents de la fillette le somment de la retrouver.

Le roman oscille entre toutes ces eaux qui sous la plume efficace de Tim Gautreaux prend des airs de grand roman, voire de chef d'oeuvre. Un roman dans lequel on extraie de belles vérités telles que "la seule chose plus triste qu'une chanson triste est aucune chanson du tout". Mais surtout, la seule chose plus triste qu'un roman triste serait pas de roman du tout. Ici, comble de bonheur, le roman est à la fois triste et doux, chaud et froid, humide et sec. Très grand livre.
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Nos disparus

Après avoir lu et aimé Le dernier arbre de Tim Gautreaux, j'étais très curieuse de lire son deuxième roman et je n'ai pas été déçue. Un portrait fouillé de la vie à la Nouvelle-Orléans dans les années 1920 pour un descendant d'Acadiens et sa famille, la ségrégation, peut-être moins violente que celle des Noirs, envers les Cajuns et la misère abjecte sévissant dans certains bleds le long du Mississippi. Gautreaux possède un grand pouvoir d'évocation et sait nous rendre les émotions de ses personnages, tous bien campés.
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Nos disparus

Le roman commence sur un bateau, avec un débarquement. Il s'agit de jeunes américains, malades d'une éprouvante traversée, qui arrivent à Saint-Nazaire le 11 novembre 1918. La guerre étant terminée, ils sont affectés au nettoyage des zones de combats. Parmi ces jeunes gens, Sam Simoneaux, dont la famille a été massacrée alors qu'il avait six mois. On retrouve Sam quelques années plus tard, à la Nouvelle-Orléans, responsable d'étage d'un grand magasin. Une petite fille est enlevée dans les rayons dont il a la charge, et Sam en gardera une culpabilité qui va influer sur la suite de sa vie, le lançant dans une quête dont il ne sortira pas indemne. Il commence par se faire engager sur le bateau, celui-là même où les parents de la petite Lily Weller travaillent.

Si le début manque un peu de rythme, passant rapidement sur une longue période, puis s'attardant, des personnages secondaires apparaissant dont on ne sait pas s'ils vont être importants ou pas, assez vite, tout se met en place, les personnages acquièrent une belle consistance et le roman devient passionnant. J'ai été épatée par la manière de recréer des lieux et des paysages, que ce soit la forêt d'Argonne après la guerre, les rues de la Nouvelle-Orléans dans les années 20, un bateau-dancing sur le Mississippi ou les usines qui crachent leur fumée sur les berges du fleuve, on s'y croirait ! Sans compter des coins complètement déshérités, au milieu de marais infestés de moustiques, zones où aucun shérif ne se risque jamais et où Sam Simoneaux devra aller poursuivre sa quête.

Le style, les événements dramatiques qui se succèdent, la noirceur de l'ensemble, contrebalancée par l'humanité de Sam, tout m'a séduit dans ce roman. C'est une découverte qui m'a fait forte impression que l'univers de cet auteur, et je ne manquerai pas de lire le dernier arbre !
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Le dernier arbre

Le dernier arbre sera coupé sans état d'âme... L'époque n'est pas à la sensibilisation environnementale, ni sociale d'ailleurs... On se bat, on se tue parfois, un noir reste un noir et forcément moins que rien, moins qu'un blanc, dans ce Sud des Etats-Unis des année 20 où sévit encore la ségrégation raciale.

Un jeune patron, Randolph arrive dans sa nouvelle scierie, pour retrouver son frère Byron qui avait disparu depuis quelques années. Byron est transformé et l'esprit abîmé par les horreurs de la première guerre mondiale, qu'il a vécue aux premiers rangs. Il noie tout ça à coups de whisky et de disques sirupeux... Drôle de mélange.

L'alcool coule à flot, les arbres tombent les uns après les autres dans ces marais infestés de serpents, de moustiques et de violence.

La Louisiane profonde... à peine le téléphone et une petite ligne de chemin de fer... un coin isolé du monde où règne malgré tout un semblant d'ordre grâce à ce constable qui doit toujours choisir entre blesser ou laisser blesser, tuer ou laisser tuer... un retour constant dans le sang et la violence. Les armes à feu sont tout le temps de sortie, les armes de poing aussi.

Mais l'ordre règne juste assez pour continuer le travail, abattre et débiter les arbres entre deux bagarres.

La vie s'écoule, Byron et Randolph apprennent à se connaître à nouveau dans cette ambiance fermée, sauvage, saturée de testostérone et étouffante... L'humanité n'est pas si loin malgré tout...
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Le dernier arbre

D'une violence infinie, la destruction d'une forêt de cyprès chauve par une entreprise gérer par deux frères.

Dans les bois , loin de toute vie humaine, des hommes travaillent dur , boivent et s'entretuent.

Sur fond d'histoire fraternelle et de rentabilité maximum au détriment de toute considération morale.

Très dur .
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Le dernier arbre

Hasard de mes lectures, j'ai débuté "Le dernier arbre" peu de temps après avoir achevé la lecture d'un autre grand roman, "Serena" de Ron Rash, qui mettent tous deux en scène des personnages d'exploitants forestiers dans les Etats-Unis de la première partie du XXème siècle, les années 20 chez Gautreaux et les années 30 chez Rash.

Dans les deux cas, le lecteur retrouve une nature dévastée au coeur de l'intrigue, mise en parallèle avec la nature humaine capable de destruction et de sauvagerie.

Ici, Randolph Aldridge est chargé par son père d'exploiter une forêt perdue au fin fond de la Louisiane et de reprendre contact avec Byron, son frère aîné qui a quitté sa famille sans donner de nouvelles après son retour de la Grande Guerre. Devenu constable de cet endroit paumé, il tente de faire régner l'ordre à coup de revolver et de manche de hache.

Randolph, et par la suite sa femme, vont apporter la civilisation et la discipline dans cet endroit, au milieu de bucherons qui perdent leur paie dans le saloon régi par des mafieux siciliens.

Un grand roman sur la fraternité et la filiation, sur l'abnégation, sur la colère, la violence et la folie, sur la place de l'homme face à la nature...

Et Gautreaux, comme Ron Rash, savent peindre de beaux personnages féminins, capables de rivaliser et de s'imposer face aux hommes.

Je tiens à remercier à la fois les éditions Points et Babelio pour l'envoi de ce roman dans le cadre de l'opération Masse critique.
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Fais-moi danser, Beau Gosse

Premier des trois romans (à ce jour) de Tim Gautreaux, Fais-moi danser, Beau Gosse est aujourd’hui édité en France après Le dernier arbre et Nos disparus. S’il diffère de ses deux autres romans par son contexte historique, Fais-moi danser, Beau Gosse porte déjà néanmoins une bonne part des thèmes chers à Gautreaux : l’attachement à un monde qui ne finit pas de disparaître, les difficiles arrangements entre la rectitude morale que l’on voudrait avoir et la nécessité de trouver de quoi vivre, les relations entre les hommes et les femmes et, toujours, la manière dont l’ambition, quelle qu’elle soit – de partir pour s’élever ou de rester simplement pour vivre une vie sans surprises, bonnes ou mauvaises – se heurte à la réalité.

Nous sommes à Tiger Island entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Paul Thibodeaux, dit Beau Gosse, mécano surdoué et fin connaisseur de toutes les machines anciennes encore utilisées dans les chantiers navals ou l’industrie pétrolière est aussi un excellent danseur de jitterburg qui aime à finir les samedi soir par une bonne bagarre. Pas de quoi satisfaire sa femme, Colette, la plus belle fille de Tiger Island, mais aussi la plus ambitieuse. Caissière dans la banque locale, Colette est désespérée par le manque d’ambition de son époux et se sent écrasée par le poids d’une communauté isolée qui n’aspire à rien d’autre que de perpétuer un mode de vie ancestral sans se soucier du reste du monde. Frustrée, Colette s’étiole et, bien vite, en veut au monde entier de sa vie banale dans cette petite ville du bayou et en particulier à Paul, incapable de l’en sortir faute d’en avoir lui-même envie. Le divorce sera pour elle la solution. Et la fuite vers Los Angeles et ses lumières, la suite logique de cette décision. Mais la vie californienne rêvée ne tardera pas à apparaître pour ce qu’elle est vraiment, un miroir aux alouettes, et le retour au pays avec un Paul opiniâtre bien décidé à reconquérir sa femme sera bien difficile. En plein choc pétrolier, dans une Tiger Island ravagée par le chômage, il va falloir trouver d’autres moyens de subsistance et revenir aux pratiques traditionnelles, abandonner ses prétentions, ravaler sa fierté, et chasser le ragondin ou pêcher la crevette.

D’une histoire on ne peut plus simple et d’une situation de départ sans grande originalité, Tim Gautreaux tire un roman d’une grande force qui devient même dans sa seconde partie une véritable geste épique mettant en scène un peuple du bayou relevant la tête face à l’adversité et opposant au rouleau-compresseur de la crise économique et du libéralisme le plus odieux représenté ici par un salopard texan particulièrement bien campé, la solidarité de gens de peu.

Il y a surtout, déjà, dans ce premier roman de Gautreaux, de magnifiques portraits tout en nuances. Une formidable femme forte d’abord. Colette, par bien des égards antipathique dès le début révèle peu à peu sa fragilité face à un monde qu’elle a sans doute trop idéalisé et auquel elle se heurte et sa capacité à se reprendre en mains et à aller de l’avant sans se ménager. Paul ensuite, brave gars que l’on perçoit quelque peu falot face à sa femme, grand enfant incapable de saisir véritablement la frustration de son épouse et de comprendre le carcan que représente pour elle la communauté étriquée de Tiger Island, mais bien décidé à la reconquérir et à faire pour cela tous les sacrifices. Et puis il y a tous ceux qui tournent autour d’eux, les parents de l’un et de l’autre, les amis plus ou moins recommandables que Gautreaux peint avec la même précision et complexité. Certes, Tiger Island est un carcan, mais c’est aussi un cocon, un lieu où l’on s’entraide face à l’adversité du monde.

Belle histoire d’amour, aventure parsemée de beaux moments de bravoure – un concours de tir digne d’un western, des confrontations avec des mocassins d’eau ou des alligators, une tempête biblique et des bagarres débridées –, portrait vif d’une communauté et d’un mode de vie en train de basculer dans une modernité pas toujours engageante, Fais-moi danser, Beau Gosse est un formidable roman que vient sublimer l’écriture précise et poétique de Tim Gautreaux.


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Nos disparus

Timothy Martin Gautreaux, né en 1947 à Morgan City en Louisiane où il vit toujours, est le fils d'un capitaine de remorqueur. Professeur émérite d'anglais à la South Eastern Louisiana University, il est l'auteur d’un premier roman, Le Dernier Arbre en 2013, et de nouvelles publiées par The Atlantic Monthly, GQ, Harper's Magazine et The New Yorker. Son nouveau roman, Nos disparus, vient tout juste de paraître.

Sam Simoneaux, dont la famille a été massacrée quand il avait six mois, débarque en France avec l’armée américaine le jour de l’Armistice de la Grande Guerre. On l’envoie déminer les champs de bataille de l’Argonne durant quelques mois. Rentré à La Nouvelle-Orléans où il est devenu responsable d’étage aux grands magasins Krine, Sam ne peut empêcher l’enlèvement de Lily Weller, une gamine de trois ans. Licencié, sommé par les parents de retrouver leur enfant, il embarque comme troisième lieutenant à bord de l’Ambassador, bateau à aubes qui organise des excursions sur le Mississippi.

Sam est un garçon plutôt banal, élevé par son oncle dans le respect de la vie humaine, il n’aime pas la violence, d’un caractère doux et posé, emprunt de sagesse ou de bon sens, il mène sa vie comme il peut, c'est-à-dire comme un bouchon sur les flots, ce que l’écriture de Tim Gautreaux rend très bien, le ton est léger et la narration se déroule à un rythme de croisière (sic !), sans heurts. Pour autant, le récit ne manque pas d’aventures et de rebondissements, l’écrivain mariant, la vie à bord de ces bateaux montant ou redescendant le fleuve au son d’un orchestre de jazz, s’arrêtant de ville en ville pour faire le plein de clients, bouseux des campagnes prêts à s’alcooliser et s’étriper ou bien notables en goguette c’est selon, avec l’enquête de Sam qui s’étirera sur presqu’une année.

Le pauvre Sam devra jongler avec sa vie personnelle, marié, un enfant mort très jeune, un salaire de misère, le questionnement de ses collègues s’étonnant qu’il n’ait jamais eu l’idée de retrouver ceux qui avaient massacré ses parents, et la vie des autres, les parents de la petite fille enlevée musiciens sur l’Ambassador et les catastrophes dramatiques qui vont s’enchaîner, conséquences plus ou moins lointaines de l’enlèvement.

Tim Gautreaux, le plus simplement du monde, sans utiliser de grands mots ou concepts, aborde le problème de la vengeance, cette vendetta qui n’en finit jamais, et son inanité : « Et même si j’arrivais à me venger, tu peux être sur qu’il y en aurait un qui s’en tirerait, et avant deux ans, il débarquerait chez moi par une belle nuit pour nous attendre, tapi dans les broussailles, le couteau entre les dents. » Quand son enquête sur l’enlèvement et sa quête de vérité sur le massacre dont il a réchappé se rejoindront, Sam, incarnation de la bonté, saura prendre les décisions justes et sans lâcheté, dans le respect des valeurs qui lui ont été inculquées.

Un bon roman dont le plus grand attrait réside dans la tendresse profonde de l’auteur pour tous ses personnages, s’alliant à la perfection avec le rythme et le style de l’écriture. Aucune fausse note pour cette partition de jazz tirant plutôt vers le blues.

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Le dernier arbre

J’ai été tellement emballé par Nos disparus que j’ai eu envie de creuser un peu du coté de cet auteur qualifié de « Faulkner du XXIe » ou de « Conrad des bayous. » Ce livre est encore plus impressionnant et je le recommande vivement. Raconter ce roman ne peut lui rendre justice, il fourmille de tellement de thèmes que je ne peux qu’en esquisser l’intérêt.



La guerre a ravagé Byron Alridge ; à son retour du front, il refuse de reprendre sa vie d’avant et se consacre à faire respecter l’ordre. Il se retrouve constable d’une scierie paumée à Nimbus, au fin fond de la Louisiane, au plus près d’une forêt de cyprès qui lui fournit sa matière première. Ayant retrouvé par hasard la trace de son fils, le père Alridge achète la scierie et envoie son cadet, Randolph, pour gérer l’entreprise et ramener le fils prodigue. Gautreaux nous plonge dans l’univers de cette exploitation forestière, nous fait ressentir la dureté du labeur et les risques de la nature sauvage qui entoure la scierie ; il arrive à rendre sensible cet univers mécanique, nous décrit des engrenages et des pistons avec une réelle poésie et à la fin du roman, la forêt est entièrement détruite, jusqu’au « Dernier Arbre ».



L’usine, loin de tout, fonctionne en circuit fermé, maîtrise plus ou moins tout ce qui rentre et qui sort, à l’exception du saloon qui sert d’exutoire aux hommes et cause de grandes bagarres que contient Byron avec une violence qui n’est pas moindre. Le saloon dépend de Buzetti, mafieux italien originaire de Chicago, qui régie le jeu, l’alcool et les femmes ; la confrontation entre Buzetti et Byron dégénère quand un des cousins de Buzetti est tué par Randolph, une vengeance terrible se met en place qui touche les deux camps.



Cette trame de trame de roman noir est enrichie par une immersion dans cette Louisiane pauvre et reculée des années 20 mais aussi par les superbes relations tissées entre les personnages. Les couples Emma-Byron et Lilian-Randolph, les personnages secondaires, comme Merville ou May, ont tous leur importance ; leurs relations sont évoquées par petites touches avec beaucoup de finesse et cela participe de l’intérêt de ce livre. En plus d’être un excellent roman noir, Le dernier arbre est aussi un bon roman d’aventures mais c’est surtout une formidable épopée familiale portée par les thèmes de la fraternité et de la paternité.
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Nos disparus

Lucky, le chanceux…. C’est le petit nom qu’il lui est donné à l’issue de la Grande guerre dont il n’aura pas vu grand-chose, mais largement assez pour forger un être obstiné, et résolu à faire éclater la vérité.



Roman sombre aux allures de polar qui ne dit pas son nom, Nos disparus nous embarque en pleine Louisiane bercée par le jazz, et peuplée d’individus fort peu recommandables retranchés dans des zones de non droit où il ne fait pas bon s’aventurer. Sam, marqué à vie par les soubresauts de l’enfance, est un chic type qui aurait pu faire de la vengeance son moteur, mais qui au contraire saura contre toute attente dépasser sa propre souffrance pour se mettre au service de celles des autres.

Tim Gautreaux, est un excellent conteur. Dans une langue à la fois simple, et riche, évoque un sud dans toute sa complexité. L’évocation du Mississipi, de son environnement, est à mon sens assez remarquable. Indéniablement, il y a dans ce livre, une ambiance qui se fait immédiatement ressentir. Le pittoresque de la vie sur le bateau où le temps d’une soirée la population vient oublier le quotidien pour y danser, boire, se battre occupe une grande place dans ce roman, et pourrait presque faire de ce bâtiment un personnage à lui tout seul.



Tim Gautreaux signe un roman attachant, et dépaysant avec lequel on ne s’ennuie pas un instant. On en redemande.


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Le dernier arbre

Le Dernier arbre est un récit très riche, aux multiples facettes, toutes bien approfondies. A commencer par la dimension humaine, très forte. Le Dernier arbre aurait pu être seulement l’histoire de Byron ou seulement celle de Randolph. Mais Tim Gautreaux va bien au-delà, en parlant des conditions sociales de l’époque, en donnant de l’importance à la fois aux deux frères et à ceux qui les entourent.



Ainsi, l’auteur détaille ce qu’était le quotidien des travailleurs de l’époque, la ségrégation Noirs/Blancs dans les logements et les considérations sociales, le gouffre riches/pauvres qui pouvaient rassembler Noirs et Blancs autour de même difficultés, l’industrialisation en pleine évolution.

Le cadre choisi est particulièrement sauvage, isolé et inhospitalier. Le danger rôde sous de multiples formes dans les marais et la vie à l’écart des villes crée un dynamisme propre dans la communauté de la scierie. La mini société évolue beaucoup sur les quelques années que dure l’intrigue, sous l’apport des uns et des autres, dans la violence ou en douceur.



Pour les deux frères, ces quelques années sont une source de transformation profonde. Randolph souhaite tirer Byron de ses cauchemars de guerre, mais doit faire face à un quotidien radicalement différent de ce qu’il a connu auparavant. Ainsi, lorsque l’aîné lutte entre la folie et le retour à un équilibre mental, libéré de toute violence, le cadet civilisé doit s’adapter à un monde brutal et rude loin de sa réalité d’origine.

Les changements qui les touchent sont souvent subtils, parfois brutaux et déstabilisants. Le destin de Byron est particulièrement poignant mais Randolph est un protagoniste très intéressant. Intelligent et ouvert, plein de bonnes intentions et de morale mais capable de s’adapter, c’est un témoin privilégié de la vie de la scierie et ses employés.



Le cadre historique n’a pas été choisi au hasard. Dans les années 20, marquées par de lourdes difficultés sociales aux Etats-Unis et qui suivent la guerre, beaucoup d’individus sont marqués par une vie rude, matériellement et/ou psychologiquement.



Si le conflit n’est pas arrivé jusque sur le territoire américain, de nombreux habitants l’ont pourtant vécu de près. Byron a lui été présent sur le sol français au plus près des combats et n’a pas pu en sortir indemne. Randolph et au-delà de lui son père et une bonne part de la société américaine, a du mal à comprendre ce que vit son frère, mais il va l’apprendre au fil des mois sans jamais renoncer.



Des personnages secondaires viennent encore donner des détails sur la guerre : soldats locaux envoyés au front ou immigrés européens, qu’ils soient sympathiques ou non, parfois ennemis dans le présent. Malgré tous les antagonismes, ces hommes ont vécu un traumatisme semblable et l’auteur sait rendre leur passé abominable quand bien même ils sont des êtres humains détestables. L’horreur de la guerre est absolument partout et la même pour tous.



Ainsi, Tim Gautreaux ramène régulièrement au cœur de cette période trouble du monde, avec des exemples, descriptions et détails. C’est un pan important de l’intrigue, qui se mêle au contexte présent avec des ouvriers nomades, très pauvres, exerçant des métiers dangereux, mais aussi avec le souvenir d’une autre guerre encore bien présente dans l’esprit des américains : la guerre de sécession, également évoquée car elle a particulièrement marqué les États du Sud.



La violence est donc partout dans la vie des habitants de la scierie. Dans leur passé, dans leur métier et leur quotidien, dans leurs confrontations avec des truands… Randolph souhaite s’élever au-delà de toute cette brutalité, mais il lui faudra peu de temps pour comprendre que dans un cadre aussi rude, elle est parfois inévitable et que si celle-ci vous trouve, il faut pouvoir riposter. Il en résulte un récit âpre et fascinant, où l’homme lutte à la fois contre la nature, contre les autres et contre lui-même.



L’écriture lente et posée de Tim Gautreaux aide à s’imprégner de l’atmosphère humide et rude. Les différentes thématiques sont abordées de manière équilibrée, la voix étant alternativement laissée aux deux frères comme à certains protagonistes secondaires, ce qui permet d’étendre toujours plus l’impact du cadre et de l’intrigue, aux nombreuses tentacules.



Si la violence est partout, le style de l’auteur tout en finesse dévoile pourtant de grandes nuances dans cette thématique, entre les bagarres quotidiennes qui rythment la vie de la scierie et des épisodes plus brutaux et soudains qui marquent un changement radical et permanent, une blessure supplémentaire pour ces héros ordinaires. Et pourtant, malgré le décor et l’isolement, malgré les dangers, il y a quelque chose de fondamentalement beau dans ce livre, un amour et un respect pour ceux qui ont traversé toutes ces épreuves et on façonné le pays.

Au fil des pages, l’histoire de ces hommes et femmes prend racine dans l’esprit du lecteur, le marquant en douceur mais inexorablement. Le Dernier arbre est un roman véritablement puissant, de ceux qui envoûtent discrètement mais laissent une empreinte durable.



Lire Le Dernier arbre de Tim Gautreaux, c’est faire une rencontre. Celle du Sud des États-Unis marqué par les guerres, la dépression et l’industrialisation, celle d’hommes et de femmes en lutte avec eux-mêmes comme leur environnement ou leurs semblables.
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Le dernier arbre

Byron Aldridge est constable dans une scierie quelque part au cœur des marais de Louisiane. De retour du carnage de la première guerre mondiale, il a voulu mettre la plus grande distance possible entre lui et sa famille, son père notamment, riche exploitant forestier qui voit en lui son héritier. Son frère, Randolph, va retrouver sa trace et, missionné par son père, part retrouver Byron pour le ramener dans le giron familial. Une fois sur place, dans la torpeur des marais, l’entreprise semble moins aisée qu’il n’y paraissait : Randolph ne retrouve plus, dans le regard de Byron, le frère insouciant qu’il avait connu…



« Le dernier arbre » conte par petites touches âpres et moites l’histoire d’un monde en déséquilibre, au sortir de la première guerre mondiale qui a laissé des cicatrices dans les corps et les esprits des soldats survivants, tel Byron que la raison, ou en tout cas l’insouciance enfantine, semble avoir déserté, s’ouvrant sur la béance de l’angoisse, du néant insensé. C’est aussi le monde de l’Amérique des années 1920 marqué par le racisme, le clivage nord-sud, et sa frénésie de conquête financière qui passe par l’exploitation débridée des ressources naturelles, ici les arbres. « Le dernier arbre » met donc en scène une exploitation forestière perdue dans la torpeur des marais de Louisiane, et les mots de l’auteur rendent sans peine la rudesse de ce milieu et des hommes qui y travaillent, noyant dans le whisky, le jeu, les bagarres et les femmes le tragique de leur existence.

C’est un monde à la dérive qui bascule et se plie sous nos yeux et ceux des protagonistes, tel Merville, shérif à l’agonie :

« Merville s’assit dans un fauteuil à bascule et devant ses yeux la cour de la scierie se plia soudain en deux comme un journal et chuta à l’intérieur d’elle-même, les cheminées s’abattant à l’horizontale, les ouvriers et les mulets disparaissant dans une faille du terrain puis en ressortant. Ses oreilles sifflèrent, ses yeux devinrent aveugles puis ressuscitèrent. Il vit la scierie se redresser, mais déformée, comme si tout avait commencé à fondre. » (p. 343.)

Dans ce décor apocalyptique, Tim Gautreaux va tisser une trame narrative liant les deux frères, en montrant comment deux mondes radicalement opposés peuvent se rencontrer. Le rapprochement pourra s’opérer à la faveur à la fois de l’amour et de la souffrance occasionnée par la violence :

« - S’il devait envoyer quelqu’un, pourquoi pas un assassin ? Qui aurait tué d’un seul coup ? » Randolph frappa du plat de la main le montant de la véranda. « Mais un serpent, bon sang !

- C’est pour nous faire souffrir. Rien n’est aussi efficace que la souffrance.

- Je ne comprends pas.

- Moi non plus, dit Byron, dont l’ombre cachait la moitié du visage. Mais tu ne sens pas à quel point c’est efficace ? » (p. 319.)

Au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue, le monde des deux frères va, lui aussi, basculer, jusqu’au point de rupture, jusqu’à la clôture du « Dernier Arbre » :

« Le patron de la scierie eut l’impression que l’on venait de basculer un énorme interrupteur central, coupant d’un coup tout ce qui faisait sa vie. » (p. 404.)



Tout au long du roman, Tim Gautreaux sait jouer habilement sur deux tableaux, celui de l’histoire singulière des frères Alridge et de l’Histoire des Etats-Unis dans les années 1920. Un roman âpre, puissant, qui sait rendre la torpeur et la sauvagerie des marais de Louisiane, au risque, parfois, de certaines lenteurs narratives.
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Le dernier arbre

Byron Aldridgre, héritier d’une riche famille de négociants en bois de Pittsburgh et vétéran de la Première Guerre mondiale fait régner la loi dans une exploitation forestière de Louisiane tout en essayant d’oublier la boucherie à laquelle il a assisté en Europe et, par la même occasion, son père qui l’a poussé à partir là-bas avec les marchands de canons puis à s’engager dans l’armée. Mais le patriarche Aldridge entend bien faire revenir son aîné et héritier désigné dans le giron familial. C’est pourquoi il achète la scierie de Nimbus où officie Byron et y nomme son cadet, Randolph, comme directeur avec pour mission de faire du profit et de faire revenir Byron à la civilisation. Mais, sur place, Randolph se trouve confronté aux traumatismes de son frère et au conflit ouvert par ce dernier avec la famille mafieuse qui possède le bar installé dans la colonie.



Avec Le dernier arbre, Tim Gautreaux signe un roman ambitieux sur la violence, qu’elle soit faite aux hommes ou à la nature, sur la fraternité et la paternité et, partant, sur l’héritage. Ces thématiques manifestes mais malgré tout subtilement développées donnent au livre toute sa profondeur, l’intrigue, sombre histoire de vengeance entre un clan mafieux et les frères Aldridge, étant la colonne vertébrale sur laquelle elles viennent s’accrocher.

Ainsi le roman de Gautreaux est-il fondé sur de multiples oppositions : l’homme face à la nature, l’homme face à sa propre nature, la civilisation face à la barbarie… Sans que les frontières soient pour autant imperméables. Ainsi le bar sous le contrôle du truand Buzetti représente autant l’arrivée de la civilisation que de la barbarie en ce qu’il éveille les plus bas instincts des hommes et des femmes qui le fréquentent et pousse même Randolph, incarnation de la civilisation la plus convenable à basculer du côté de la violence. Il en va de même de la nature : victime de l’homme avec ces cyprès géants voués à la destruction, et entité dangereuse, inépuisable pourvoyeuse de serpents venimeux et d’alligators mangeurs d’hommes. Le seul être véritablement innocent est l’enfant et les seules à se placer résolument du bon côté sont les trois femmes fortes de cette histoire : May, Ella et Lillian.



Et puis, surtout, derrière tout cela il y à la Grande Guerre, celle qui marque l’entrée dans le monde moderne, le début d’un nouvel âge, en même temps que le sommet de la barbarie. Et Nimbus, au milieu des marécages reliée à la civilisation par une voie de chemin de fer aux rails gauchis est le lieu symbolique du passage de, pour reprendre les expressions de l’historien Éric Hobsbawm, l’Ère des Empires à l’Âge des Extrêmes. L’exploitation est le lieu de basculement d’une ère à l’autre où se mêlent une dernière fois des mondes incompatibles mais tous les deux fondés sur la violence du dernier conflit qui a appris aux hommes à tuer sans états d’âmes : « […] parfois lorsque Randolph entendait s’élever la voix pure du marchand de légumes, à deux pâtés de maisons de distance, il pensait à l’Allemand et à la chanson qui lui était venue aux lèvres au moment de mourir, et il se demandait qui il fallait tenir pour responsable de sa disparition : Vincente, ou lui-même, ou Buzetti – ou une guerre qui avait appris à tuer à tant d’hommes. »



Tim Gautreaux ne revêt pour autant pas ostensiblement le costume du moraliste et se contente de laisser parler ses personnages et son histoire ; cette saga âpre et violente d’hommes aux visions différentes, voire divergentes mais qui ne peuvent arrêter à eux seuls la courses de la civilisation et n’entendent pas forcément renoncer à un progrès et un profit qui passent par la destruction d’un monde.

Sombre, profond, violent, édifiant et doté d’un vrai grand souffle romanesque, Le dernier arbre est sans conteste un des très beaux romans de l’année 2013.



« Par-dessus le toit métallique abrupt d’une maison de trappeur, le patron de la scierie regardait une forêt de cyprès d’une hauteur considérable, n’appartenant pas à sa parcelle, et il passait le temps à calculer le volume de bois-d’œuvre qu’il pourrait en tirer.

Byron suivit son regard.

« Tu veux abattre tous les arbres de la Terre ?

-Il y en a pour une fortune, devant nous.

-Une forêt, c’est utile à autre chose qu’à fabriquer des volets et des bardeaux »

Son frère le considéra d’un air ébahi.

« À quoi, par exemple ?

-Eh bien, c’est beau à regarder, ne serait-ce que ça. »

Randolph se tourna de nouveau vers les arbres et fronça les sourcils.

« À regarder pour quoi faire? »








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Le dernier arbre

Il en est parfois des livres comme des femmes. Un jour, on en rencontre une tellement parfaite qu'on voudrait la voir nous accompagner partout, tout le temps, matin et soir, à la nuit, au petit jour, une femme belle mais dure, sensible et fourbe, passionnée mais vertueuse, une femme comme on en rencontre à peine une ou deux par vie d'homme. Il est parfois des romans rares qu'on voudrait également retrouver partout, tout le temps. Pouvoir l'ouvrir à la terrasse d'un café longeant un petit canal ensoleillé, allongé dans l'herbe fraîchement coupée et ses senteurs d'été, la nuit, coincé sous la couette tandis que le martèlement de la pluie fracasse les ardoises au-dessus de nos têtes et imprime à nos mains le rythme de lecture.

Le dernier arbre est de ces romans là. Rare comme l'oeuvre de Faulkner, précieux comme les premiers chapitres d'A la recherche du temps perdu. Ici, Gautreaux est roi en son roman. Il place savamment ses billes, ses hommes et ses constructions subtiles en un puzzle d'équilibriste, peut-être s'agit-il plutôt d'un mobile, et fait jouer en as de la plume, une intrigue des plus simple - un frère recherche un frère dans l'ombre d'un père - une symphonie sensuelle, violente, éprouvante et fulgurante.

Ce livre est simplement beau, du début, conradien en diable, à la fin, shakespearienne, Gautreaux régale par la subtilité de ses phrases, par des scènes d'anthologie et par ses personnages complexes. Le bayou poisse chacune des pages mais on ne l'en aime que davantage. Il tache ce roman rare et imprime sur les pages une touffeur propice à faire couler l'encre. Peut-être d'ailleurs faudrait-il davantage en écrire, sur ce livre, il n'est pas si fréquent de rencontrer des femmes sublimes.
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Nos disparus

Troumal. Arkansas. Une famille est massacrée à l'exception d'un nourrisson qui a eu le temps d'être balancé par son père dans le poêle à bois (éteint) avant que des hommes canardent parents et enfants. Le décor est planté.



Le Mississipi n'est qu'à quelques encablures. C'est d'ailleurs grâce à ce fleuve que Sam, une fois devenu adulte va pouvoir vivre. Marié, il vit chichement de son boulot de surveillant dans un grand magasin de La Nouvelle Orléans. N'ayant pu empêcher l'enlèvement d'une fillette dans cette enseigne, le voilà licencié ; or les boulots ne sont pas légion dans le coin. En revanche, la pauvreté intellectuelle, la misère, le racisme le sont. Sam embarque donc sur l'Ambassador, rafiot rafistolé qui propose des croisières musicales le long du Mississipi. Il est chargé de surveiller les clients, de récupérer coupe-choux, armes à feu et autres joyeusetés au moment de l'abordage. Mais Sam s'est aussi donné deux missions : retrouver la fillette disparue pour la rendre à ses parents et mettre la main sur les sauvages qui ont abattu sa famille.



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J'ai bien aimé ce roman où l'on vogue tranquillement sur le Mississipi en suivant Sam sans cesse en quête et l'atmosphère des bayous, même si elle est inhospitalière, était plaisante à parcourir. A un moment du livre la découverte de ce que l'on attend est intenable ; j'étais très pressée d'arriver au bout du livre or je n'en étais qu'à la moitié. Je mettrai un bémol sur un passage du roman que je n'ai pas trouvé très crédible.
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Nos disparus

C’est une évidence, le personnage principal est un magnifique bateau à aubes sillonnant le Mississippi, l’Ambassador.

L’intrigue y est secondaire et pas très palpitante et les personnages principaux ne sont guère crédibles. L’auteur est passionné par les bateaux, c’est une certitude et le reste ne sert que de faire valoir. J’avais hâte de terminer ce roman.
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Le dernier arbre

Issu d’une prospère famille du Nord, Randolphe est expédié dans le fin fond de la Louisiane pour ramener son frère à la raison. Car Byron mène une vie en rupture des ambitions paternelles depuis son retour de la guerre.

En cette année 1923, les voilà donc réunis dans une exploitation forestière, une usine à ciel ouvert assortie de campements et d’un saloon mal famé, à peine reliée au reste du monde par une voie ferrée.

Il m’a fallu quelques efforts pour pénétrer dans ce lieu brutal ; mais passés les premiers chapitres ardus, je suis pleinement récompensée.

C’est l’immersion totale dans la sueur, la sève et le sang. Je navigue à vue mais avec envie dans la moiteur et la violence, dans le labeur et une très sale histoire de vengeance.

Un roman poisseux sur les douleurs qui hantent forcément les fondations de l’Amérique, vu le prix payé par la nature pour la civilisation et la prospérité.

Tel un western écologique qui a réussi l’exploit de me faire craquer ma petite larme face à ce désastre annoncé.
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