Ah, la rentrée...
Les hordes d’étudiants amorphes qui se dirigent comme des zombies vers leur lycée, la vieille colle Cléopâtre dont l’odeur d’amande te fait vivre un orgasme olfactif, sans oublier le visage gris de Monsieur Vincent, prof’ de lettres de son état mais qui n’est qu’une pâle contrefaçon de Monsieur Chabance, prof’ de lettres communiste et brassensophile extraordinairement extraordinaire, mais là je me répète.
Ah... Ça m’aurait presque manquée.
Alors, quoi de mieux que la rentrée et le rush qui va avec pour s’atteler à de la lecture plus légère ?
J’ai entendu dans le fond « Un séjour à l’hôpital », et « une semaine de vacances à Périgueux chez Tante Odile ».
J’ai vraiment un lectorat perspicace. Que je ne mérite absolument pas.
Donc, oui, au lieu de ranger mes fiches Bristol par couleur et de descendre acheter un stock de Redbull qui me soutiendra lors de mes révisions vespérales, oui, au lieu de jouer à la Galette-Saucisse studieuse, j’ai ouvert un manga.
Même pas un roman classique du XIXe. Non, un manga.
- Tu files du mauvais coton, la galette, m’informes-tu, car tu te soucies de mon avenir.
Oui, c’est vrai, je file un mauvais coton. Mais ça, ma mère le sait déjà.
Alors, pourquoi en arriver là, à lire un bouquin que se lit à l’envers ?
Bonne question. Va demander ça à mon frère.
Mon petit frère, donc, ne figure pas encore dans le GaletteSaucisse Cinematic Universe. Ainsi, rapides présentations.
Il a onze ans, il est inculte mais il cite les Inconnus sur le chemin de l’école (« Aimez-vous les uns les autres, bordel de merde »), et il lit peu. A part ça je l’aime quand même.
Donc, hier, en tentant de reprendre les Tri Yann sur ma guitare, j’en pète une des douze cordes. Sol aigu. Ce qui m’emmerde.
Ça m’arrive quelquefois de péter une corde, donc dans ces moments-là, même Philippe mon chien comprend qu’il vaut mieux se tirer. Mais Philippe est très intelligent.
Mon frère, bravant cette règle non-écrite, fait irruption dans la pièce et me tend ce livre.
(Note : Ma mère dit qu’il est téméraire, mais moi je crois plutôt qu’il est un peu con.)
- Tiens, la galette. C’est un peu bizarre, mais vu que t’es bizarre aussi, ça va te plaire.
- Dégage si tu veux pas te retrouver avec une anthologie de Popeck dans la gueule.
- Je te jure que tu vas aimer.
Cette dernière phrase m’a rappelée un souvenir pas si lointain.
Celui de Bonne-Maman me tendant Le Paradoxe de Casanova – que j’ai critiqué récemment, donc si tu as du temps à perdre, fais-toi zizir, tu peux aller y jeter un coup d’œil, mais c’est vraiment parce que c’est toi.
Etant donné que Le Paradoxe, malgré une couverture dégueulasse, ne fut pas une si mauvaise expérience – 4 étoiles, c’est rare de ma part, mais faut dire que le système pileux de l’auteur fausse un peu ma note –, je me dis que je vais laisser une chance à mon frère.
Une fois la corde changée, parce qu’il faut pas déconner, on n’est pas des sauvages tout d’même, non ?
Et puis, une dizaine de minutes plus tard, je me pose dans le fauteuil, ce pot de colle de Philippe à mes côtés, comme de juste. Et c’est parti.
Bon, alors, qu’est-ce que donc que ce bouquin-là ?
C’est un manga. Genre inconnu pour ma part. Il te faut déjà comprendre comment ça se lit, donc au début tu comprends pas grand’chose, mais une fois que tu as pris le pli, c’est dans la poche.
Les dessins, bien sûr, n’ont pas de couleur, nan mais je précise au cas où, voilà, cela dit vu que le thème est très noir, ça ne choque pas.
- Et l’histoire, dans tout ça ?
Calme-toi, j’y viens.
C’est un lycéen, qui s’appelle Light malgré ses « yeux bridés et sa face de citron », comme eût dit le grand Didier Bourdon (je préfère préciser sinon je vais encore me faire engueuler).
Signe particulier du garçon : C’est un habitué des premières places aux examens nationaux. Donc il pèse.
Un jour, ce garçon trouve un carnet par terre. Comme ferait tout un chacun, il le ramasse.
Et c’est là qu’il se rend compte que, grâce à ce carnet, il peut choisir de tuer n’importe qui de la manière qu’il désire, pourvu qu’il prenne la peine de prendre son stylo et d’y noter son nom. D’où le nom de « Death note ». (Ça veut dire « Cahier de la mort », en français. Je précise au cas où tu avais 8 de moyenne en anglais au collège)
« Death Note », j’admets que ça a plus de gueule en anglais, mais j’attends de voir ce que ça donne en esperanto.
Comme Light est un petit filou qui crache à la gueule de Badinter, il se dit qu’il va buter tous les criminels, à commencer par les gros dangereux, puis peu à peu les délinquants.
Histoire de faire un monde mignonnet où tout le monde s’aime parce que tout le monde est gentil. Trop bien.
Aidé du propriétaire du carnet (une sorte d’Ange de la Mort un peu gothique qui doit se scarifier en écoutant Tokyo Hotel), il va tenter de continuer la mission qu’il s’est imposée tout en évitant de se faire pincer.
Autre signe particulier du garçon : Son daron, c’est le chef de la police.
Enfin, j’ai pas bien compris, mais en gros le padre est haut placé chez Interpol édition Japon. Et il a une moustache, aussi. Nan mais je précise pour te mettre dans le bain.
En plus d’être assez bien développée et agrémentée de dessins qui font pâlir de désespoir mes vieux bonhommes-bâtons sur Paint, l’idée de scénario est sympa.
Après, sans pour autant faire comme Monsieur Chabance et mettre une grande photo de Robert Badinter sur le mur, je ne suis pas super partisane de la peine de mort. Donc l’idée d’utiliser un tel carnet pour faire des trucs pareils, c’est pas trop mon délire.
Du reste, c’est possible que je dise ça parce qu’intérieurement, j’enrage de ne pas avoir un tel objet entre mes petites mains potelées.
Le gamin du troisième qui s’amuse à botter le cul de Philippe quand j’ai le dos tourné ? Paf, je lui colle un tonton neuneu façon Bernard Laroche, et ça finit dans la Vologne.
Et monsieur mon voisin fétichiste des chants de messe le samedi à 7h30 ? Paf, crise cardiaque pendant des jeux coquins mettant en scène un crucifix et un cierge à Sainte Rita, de quoi faire marrer pour les vingt prochaines années les pandores intervenus pour constater le décès.
Et la petite vieille qui essaie de payer en francs ses vingt-huit paquets de litière pour chat quand juste derrière je tente de faire passer un pauvre paquet de pâtes ? Paf, je la... je la... je la fais mourir de vieillesse, dans l’amour de ses proches et de ses trente-deux chats. On ne badine pas avec les vieux, merde.
Enfin voilà, tout ça pour dire que, oui j’ai lu un manga, oui mon frère avait raison, et non je n’ai pas envie de descendre acheter ces putains de cannettes de RedBull. D’où mes divagations qui retardent l’échéance.
Mais je n’ai plus rien à dire, hormis te conseiller de jeter un œil sur cet ouvrage si tu dois offrir un cadeau à ton neveu de treize ans, qu’il se scarifie sur Tokyo Hotel ou pas.
Avis, donc, aux intéressés.
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