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Citations de Valérie Manteau (125)


Alors, quelles sont les nouvelles du pays des droits de l'homme ? Je me demande si c'est ironique, mais non. J'essaie de continuer à lire un peu la presse française, qui paraît outrageusement futile et autocentrée quand on ne vit pas dans Paris intra-muros, quand on est par exemple sur un balcon surplombant Istanbul. Qu'est-ce qui fait la une aujourd'hui ? On a deux ministres qui ont démissionné la semaine dernière, économie et culture. Grosse crise politique, scission de la gauche, drama. Et maintenant on apprend qu'ils sont en couple et qu'ils ont choisi comme premier geste politique après leur révolution de palais d'aller se prendre en photo en amoureux à San Francisco.

Page 19, Le Tripode, 2018.
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A propos de Taksim, épicentre des manifestations, la romancière Asll Erdogan écrit : « La place Taksim est à nous, ceux qui y sont morts à tout le monde... chaque fois que nous marcherons vers cette place méconnaissable, malgré les matraques, les canons à eau, les lacrymos, chaque fois que nous en prendrons le chemin, elle sera à nous. » Aujourd'hui interminablement en travaux (personne ne comprend bien pour quoi faire, et tout le monde s'en fout), j'ai l'impression qu'elle appartient davantage aux pigeons qu'à nos souvenirs. Il y avait des tentes partout, de part et d'autre d'une allée baptisée Hrant-Dink, du nom d'un journaliste arménien assassiné quelques années auparavant, adopté comme figure tutélaire par les manifestants qui occupaient la place pour empêcher la destruction d'un des rares espaces verts de la ville. Au milieu du cordon de flics, des musiciens, des artistes, des jeunes et des vieux en tous genres, des babas cool, des bobos, des cols blancs, des islamistes.

Pages 17-18, Le Tripode, 2018.
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J’essaie d’être celle qui raconte l’histoire, sans prendre parti, mais dans son intégralité. Car si vous la racontez d’un seul point de vue, vous n’entendez plus l’autre et, plus grave, il ne vous entend plus.
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"Il est beaucoup plus fécond que les différentes religions vivent ensemble, les unes avec les autres, plutôt que côte à côte. Car, si l'on parvient à une lecture correcte de leurs différences, on s'aperçoit qu'elles se nourrissent et ne se détruisent pas. L'appel à la prière du muezzin, entendu cinq fois par jour par un chrétien comme moi (... chrétien et athée ), lui rappelle qu'il est chrétien."
p.55
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«  La différence entre l’Orient et l’Occident, écrit Hakan Günday, c’est la Turquie. Je ne sais pas si elle est le résultat de la soustraction, mais je sais que la distance qui les sépare est grande comme elle.  »
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Hrant souhaitait plus que tout au monde ne pas avoir à quitter son pays, ce voeu au moins aura été exaucé : son sang impur à bien fini par abreuver la terre de ses ancêtres Comme dit un proverbe arménien, l eau avait fini par trouver sa fissure.

Page 52
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Sérieusement, que représente encore la France dans le monde aujourd'hui. Les droits de l'homme ? On est en pleine décadence, lobotomisés par la télé, la peur, le kitsch partout tout le temps, on est un pays mort de chez mort du point de vue culturel et politique, et il y a encore des gens qui regardent de notre côté pour savoir d’où pourrait venir une grande et belle voix humaniste ?
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Ne sois pas si sûre de ce que tu sais d'Istanbul, tu ne connais que nos quartiers mais essaie de sortir de Kadiköy un peu. On est tellement minoritaires. Dans les nouveaux quartiers, cette ville de 2016, qui ne ressemble pas à celle des Grecs, des Arméniens, des Juifs d'autrefois, annonce celle qui viendra et qu'on ne connaîtra peut-être pas. Peut-être dans cette future Istanbul n'y aura-t-il plus de filles se promenant seules et tranquilles de terrasse en terrasse, ni de types en jean slim et boucles d'oreilles. La Gay Pride a de facto déjà disparu, interdite à cause de l''état d'urgence et ne reviendra pas. La manifestation de l'année dernière, brutalement dispersée par la police à coups de Karcher aura donné lieu à un dernier moment de poésie, les jets d'eau formant un arc-en-ciel au-dessus de la foule en déroute. Cette année, les hélicoptères survolant Istiklal et les barrages militarisés ont dissuadé des manifestants. Il y a quelques semaines, une jeune trans a été retrouvée brûlée vive en ville.



Pages 175/176
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Le ramadan à peine commencé on sent bien que cette année ce ne sera pas drôle. Juin c'est le pire moment de l’année pour jeûner, les jours sont au plus long et il fait une chaleur pas possible ; ça va être tendu. Un groupe d excités profite d’une soirée organisée par un petit vendeur de vinyles de Cihangir pour faire un coup d'éclat qui veut donner l'exemple, ils passent à tabac les clients et le disquaire qui buvaient de la bière en écoutant le tout nouvel album de Radiohead.

Sur les réseaux sociaux, l'incident est viral et soulève une indignation dont on ne sait trop quoi faire. C’est les gamins de Tophane qui ont fait ça soupire Ahmet, qui habite pile à la frontière entre le quartier bobo de Cihangir et la zone dominée par la mosquée de Tophane. On les voit circuler par petits groupes la nuit, ils communiquent entre eux, ils interviennent dès que quelque chose ne leur plaît pas. Et tout le monde laisse faire.
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Je me console de la violence faite à ces esprits éclairés et sensibles en me disant que les prisons turques n’ont jamais été si bien fréquentées qu’aujourd’hui, et que sans doute s’y tiennent les plus pointus des salons littéraires d’Istanbul.
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... dans The Guardian, l’écrivaine Ece Temelkuran signera une tribune intitulée « La vérité est une cause perdue pour nous » : « C’est comme jouer aux échecs avec un pigeon : même si vous jouez selon les règles, le pigeon va renverser toutes les pièces et finalement chier sur le plateau, vous laissant gérer le bordel. Soyez prévenus. Depuis quinze ans, nous jouons aux échecs avec un pigeon en Turquie, et maintenant nous n’avons même plus d’échiquier.  »
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Il me cite Nietszche ... : « Qu’est-ce que le journalisme, la fausse alerte permanente. »
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Que, vue de Paris, Istanbul n'ait pas l'air d'un endroit où il fait bon vivre pour les musiciens, on le conçoit tous. Mais qui peut avoir la cruauté d'écrire aux Turcs pris en tenaille par l'intégrisme et la dictature, que 'nous' on aime boire des verres et faire de la musique, pas risquer notre vie pour le plaisir. Ahmet accuse le coup en riant nerveusement, mettant sur le compte de l'ignorance le petit ton narquois de l'e-mail qui me met hors de moi. Il lève son verre, vive l'arrogance, vive la France.
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Neuf ans de violences conjugales, elle a tenté en vain d'obtenir une protection de la part de la police, et finalement elle a utilisé le pistolet qui la menaçait pour abattre son mari. A un micro qui lui demandait si elle regrettait, elle a simplement répondu : "Pourquoi faut-il toujours que ce soient les femmes qui meurent ? Les hommes peuvent mourir un peu aussi."
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Il semble qu’une partie de la presse se repose sur des gens comme moi pour trouver et transmettre les informations, et que les rédacteurs en chef de ces journaux qui prétendent incarner la liberté d’expression française ne voient pas l’intérêt de payer de vrais journalistes pour couvrir un moment historique de bascule d’un État de droit dans l’arbitraire. Depuis leur bureau de Paris ils recommandent de faire attention, proposent d’écrire tout en conseillant de ne pas le faire, ils appellent et demandent s’il est bien prudent de parler au téléphone. 
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Il y a un dessin de Wolin [ski] merveilleux, des années 1970, on voit une fille ligotée à un arbre. Un homme passe, la mate, l'embrasse. Elle demande "Vous êtes un salaud, hein ?" Il répond oui et s'apprête à passer son chemin. Alors elle déracine l'arbre et le suit tout sourire en disant "Je viens avec vous. Je crois que je vous aime". C'est moi ça. Je n'en souffre pas particulièrement, je n'ai pas de manque, je ne veux pas fonder de famille simplement parce que quand on a un arbre généalogique comme le mien où l'on se suicide les uns les autres, c'est bien simple, on n'a pas vraiment envie de transmettre. (p. 35)
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Agos, c'est Le Sillon. C'était un mot partagé par les Turcs et les Arméniens ; en tout cas par les paysans, à l'époque où ils cohabitaient. Le sillon, comme dans la Marseillaise ? Qu'un sang impur abreuve nos sillons, quelle ironie, pour quelqu'un assassiné par un nationaliste.
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Après la dislocation de l'Empire, les Grecs expulsés en application du traité de Lausanne fondèrent en Grèce deux Néa Chalkidona orphelines : la Chalcédoine du Bosphore devint Kadikôy, «le village du Juge», intégré en 1930 à la nouvelle municipalité d'Istanbul. C'est ainsi qu'à l'entrée de son marché cohabitent aujourd'hui encore une église grégorienne arménienne et cette église orthodoxe grecque qui porte le nom d une martyre locale du III’ siècle, Euphémie. Décapitée, ou jetée aux fauves, ce n’est pas clair. Chaque 16 septembre, du sang est réputé s'écouler de son caveau. Les Perses tentèrent bien de brûler les reliques pour mettre fin au phénomène, mais ils n’obtinrent que davantage de sang et la sainte, intacte, aurait même accompli un second miracle quelques siècles plus tard.
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Bashung chante « J’ai dans les bottes des montagnes de questions, ou subsiste encore ton écho. »
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Ce n'est pas moi qui le dis c'est Amin Maalouf- déjà en 2004: « L'intranquillité turque est intense. Le pays s'est détourné de son passé Ottoman et il a renoncé à sa primauté au sein du monde musulman pour s'identifier à l'Europe ; alors que celle-ci ressasse encore et encore le souvenir des janissaires sous les murs de Vienne. Que faire lorsqu'on a derrière soi l'abîme et devant soi une porte fermée, ou faussement entrouverte ? »
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