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Le 5/5 :
Manifestation d'ultra droite : le gouvernement patine
Mort de Georges Kiejman, avocat et ancien ministre
On a appris ce matin la mort de maître Georges Kiejman, grand ténor du barreau de Paris qui a traversé un demi-siècle de notre histoire contemporaine. On en parle avec Vanessa Schneider avec qui il avait publié L'Homme qui voulait être aimé aux éditions Grasset.
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Ils sont rares ceux qui reconnaissent craindre la folie de l’autre, avouent fuir devant les dérèglements.
Il n’est jamais trop tard pour dire aux gens qu’on les aime.
Tu sembles ne pas savoir qui tu es. Tu n’as pas de papa. Ta maman t’aime mal, tu as la mine inquiète des enfants qui pressentent que le chemin de la vie sera pavé de pierres coupantes.

Joëlle aurait aimé naître quelques années plus tôt, avoir 20 ans en mai 68 et monter sur les barricades, trainer ses baskets dans les usines occupées, tracter dans les amphis, se frotter à la flicaille le soir venu. Elle avait le sentiment rageant d’être arrivée trop tard. Les aînés avaient vécu le meilleur, l’époque de tous les possibles : faire la révolution, mettre à bas l’Etat tortionnaire, donner le pouvoir au peuple. Puis ils s’étaient lassés sans voir que tout était à portée de main, qu’il s’en serait fallu d’un rien pour renverser les nervis impérialistes. Les trotskos, les maos, les gauchos de toute obédiences avaient baissé les bras. Ils avaient volé les rêves des ouvriers, trahi la confiance des pauvres. Ils s’étaient fatigués avant même d’avoir véritablement commencé à agir. Ils pactisaient avec la social-démocratie, ils entraient dans les lieux de pouvoir comme des rats affamés, monnayaient leurs diplômes et leur habileté à établir stratégies et tactiques contre des emplois sûrs et grassement rémunérés.
[Ma mère] passe dix heures par jour devant la télé à boire des sodas et à manger des beignets. Avec tous les médocs qu'elle s'enfile depuis des années, elle a perdu son regard, elle n'écoute plus quand on lui parle. Elle ne dit rien non plus d'ailleurs. Elle est devenue silencieuse. De temps en temps, elle m'attire à elle sur le lit et elle me serre très fort dans ses bras en me demandant pardon. Ça me bouleverse quand elle fait ça. J'ai envie de chialer moi aussi, mais je me retiens car c'est déjà suffisamment angoissant et puis je n'ai pas envie qu'elle sache que ça me rend horriblement triste de la voir comme ça [...]. (p. 88-89)
"Dans ma famille, on ne fait pas les choses à moitié .
Quand on boit , on meurt à huit grammes. "

Quand il avait aperçu Ménigon se garer et sortir de la 205 rouge, Pareno s’était concentré pour rester naturel. Il avait plongé la tête dans le rayon abritant les pots de moutarde et de cornichons et fait mine d’hésiter entre différentes marques. La décontraction de la fille, sui commençait ses courses, l’avait aidé à retrouver son calme. Elle ne faisait pas attention à lui, empilait la nourriture dans son chariot. Vu la quantité, Pareno s’était dit que le couple attendait sûrement de la visite. Ça sentait le festin. Elle était restée suffisamment de temps dans le magasin pour qu’il puisse à coup sûr l’identifier.
Sur les bases de son rapport, l’ordre d’arrestation avait été lancé. Les gradés se chargeraient de décider du nombre d’hommes et de véhicules à mobiliser. Il fut convenu que Pareno les rejoindrait sur les lieux peu après l’installation du gros des troupes, juste avant l’assaut. Il était rentré chez lui dans un état de surexcitation avancée. Il avait acheté un pack de bières sur le chemin du retour, tout en sachant que ça ne suffirait probablement pas à le tranquilliser. Il se sentait à la fois fébrile et joyeux. Il ressentit soudain l’envie de partager tout ça avec quelqu’un : les années de traque, les humiliations, les déceptions, les récompenses, le courage et la violence, les vices et les vertus de son métier. Chantal lui manquait.
Personne n’a écrit que tu étais partie en buvant du champagne, ta boisson favorite, la mienne aussi, celle qui fait oublier les meurtrissures de l’enfance et qui nimbe de joie les fêlures intimes des âmes trop sensibles. Tu t’en es allée au milieu des bulles et des éclats de rire, de visages aimants et de sourires pétillants. Debout, la tête haute, légèrement enivrée. Avec panache.
J'étais assise sur la canapé du salon en train de lire un magazine, lorsque [mon père] est arrivé et a éteint la télé. Quand il fait ça, c'est qu'il y a quelque chose de super important dans l'air parce que chez nous, on n'éteint quasiment jamais la télé sauf pour dormir, et encore, ça arrive qu'on oublie et qu'on la laisse allumée. (p. 73)

Le lendemain de ta mort, « Libération » affiche en une grande photo de toi te montrant poitrine nue et offerte, bestiale, objet sexuel. Une photo tirée du « Tango ». Tu aurais détesté que l'on te rende hommage ainsi. Tu en aurais pleuré, tu te serais mise dans une rage folle, toi qui as passé toute ta vie à essayer d'effacer les marques que tu pensais infâmes. Nous n'avons pas aimé non plus cette représentation de toi. Parce qu'on ne voulait pas te voir réduite à ta chair. Parce que tu étais autre chose que ce corps exhibé. Parce qu'on ne représente pas les morts ainsi. Parce que jamais un journal n'aurait choisi pour accompagner une nécrologie l'image d'un homme dévêtu. Parce que le journal qui avait décidé de le faire n'était pas n'importe quel journal. C'était le nôtre, c'était le mien. C'était celui que mes parents achetaient quotidiennement depuis son premier numéro en 1973. Celui qui nous avait initiés, nous les enfants, à la politique et à tant d'autres choses comme le combat pour les femmes. Celui qui m'avait donné envie de devenir journaliste. Celui où j'avais travaillé pendant treize ans et où l'un de mes cousins écrivait encore. Ce n'était pas de ce côté là que l'on attendait le coup.