Vera Caspary

Il n'est pas de bonne politique de mettre trop d'oeuvres d'un artiste sur le marché à la fois surtout lorsqu'on s'attend à voir augmenter les prix.

- Est-ce qu'il ne vit pas un peu au-dessus de ses moyens ?
- C'est déductible de ses impôts pour frais professionnels.

Immédiatement, il mit l'accent sur la véritable valeur d'une oeuvre d'art, déterminée par le temps, ce juge suprême. Un homme n'était pas mort tant que son esprit vivait dans les trésors qu'il avait créés.

La distance et le temps me font voir nettement que ces magazines induisent en erreur tous les lecteurs naïfs qui croient aveuglément à la chose imprimée. Au nom de la vérité, on déforme les faits, on fait courir de faux bruits, on chante les louanges d'escrocs, on donne de l'autorité à des charlatans.

La loi ne reconnaît pas le vol d'une idée, car une idée est trop peu substantielle pour être revendiquée par un auteur comme sa propriété exclusive. Mais des phrases, des expressions, des paragraphes, tous dûment imprimés, tous protégés par un copyright, constituent un lien tangible.

La foi guérissait les maux qui, n'ayant d'existence que dans l'esprit, déterminaient des souffrances aussi intenses et des symptômes aussi nets qu'une maladie organique. Les psychanalystes exploitaient les causes secrètes de ces maux. Mais ces hommes, au contraire des guérisseurs par la prière, étaient des pédants qui vérifiaient sans cesse les résultats, qui traitaient un ego malade comme un liquide dans un tube à essai, et torturaient très souvent le patient en ramenant à la surface des souvenirs que l'âme malade protégeait par une structure compliquée de souffrances. Seuls les intellectuels pouvaient supporter pareil traitement, et seuls les riches avaient les moyens de se l'offrir. Le pire, c'était que les psychanalystes tuaient les miracles par leurs explications.

Ses origines ne l'avaient pas destiné à devenir membre d'un cercle ; il y était arrivé à la force du poignet. A présent que j'avais un emploi assez important, j'étais digne d'être amené à son cercle.
- Merci bien, mais je ne crois pas aux cercles. Ils exaspèrent la lutte des classes. Quand on me parle de cercles, je me sens devenir communiste.

Un examen de ses rayonnages révélait qu'il était surtout un amoureux du beau style, et on peut supposer que c'était un puriste qui écrivait trois lignes le lundi, ajoutait deux virgules et un point-virgule le mardi, retranchait une virgule le mercredi, passait le jeudi à critiquer ce qu'il avait écrit, jetait tout au feu le vendredi et consacrait son samedi à penser qu'il avait trimé toute la semaine.

- Dites donc, Lola, il y a cent façons de traiter une nouvelle policière. Après tout, le crime montre le niveau de notre civilisation aussi bien que nos lois ou nos règles de conduite. L'histoire d'un meurtre a une importance sociale.

Le népotisme régnait dans les services de la rédaction : on trouvait des parents pauvres dans tous les coins.

Les passions humaines, la cupidité, le culte du succès, l'ambition et la jalousie tenaillaient tous les hommes et toutes les femmes de son temps et de son pays. Génération tarée, ces millions d'êtres étaient-ils tous des menteurs, des escrocs, des faussaires, des assassins ?

C'est facile d'avoir des principes de haute morale quand on ne risque rien. Qu'as-tu à perdre ? tu as une source de dollars. Tu veux quelque chose ? Tu n'as qu'à rédiger un chèque ; ton compte en banque n'est jamais épuisé. Tu n'as jamais eu à t'élever puisque tu étais sur la plus haute cime.

- Êtes-vous un escroc ?
- Tous les hommes n'ont-ils pas recours à des manoeuvres plus ou moins louches, en affaires, en politique, en amour ? C'est l'époque de l'opportunisme. Toutes les minutes doivent avoir leur utilité.

Les hommes d'affaires ne gardent pas rancune lorsque le pardon leur rapporte davantage.

- Je voulais venir, mais j'ai été obligé de prendre l'avion pour le continent et je suis rentré aujourd'hui.
- Paris ? demanda Stuart.
- Vous autres américains, vous imaginez que Paris est la seule ville du continent.

Dans toutes les classes de la société, le tout-puissant dollar américain inspirait une dévotion plus fervente que les saints. Dans le monde entier, la nature humaine est pareille. [....] Pourquoi, se demandait Stuart, pourquoi nier que l'argent est le ressort de tous nos actes ?

- Vous êtes normale. Si vous agissez comme une femme, vous décrocherez un homme.
- Comment doit agir une femme ? Vous me voyez en train de minauder ?

La foi se nourrit non pas d'intelligence mais d'émotion, et l'émotion est un produit du désir. Si on le veut de toutes ses forces on peut arriver à croire presque n'importe quoi.

Les odeurs sont de puissants stimulants de la mémoire.

Ce n'était pas par cruauté qu'il prenait plaisir à la faiblesse de sa femme. C'était là une conséquence de l'éducation qu'il avait reçue. On lui avait enseigné que l'homme est fort, la femme, faible ; que le dévouement et le sacrifice de soi forment l'étincelante couronne de l'amour.