Citations de Victor Guilbert (204)
Il n’aime pas l’idée que certains jours mériteraient de ne pas être vécus, la vie est trop courte pour en jeter des morceaux.
Je ne sais pas mentir, mais je sais me taire.
Vous utilisez encore des cartes de visite, commissaire ? Vous avez un fax aussi ? Des pigeons voyageurs ?
Son genou rebondit dans une oscillation de stress ingérable. C’est une journée qu’il aurait préféré éviter. Passer directement d’hier à demain et se débarrasser d’aujourd’hui.
Et puis, il y a le problème du doute, cette goutte amère capable de vous ruiner toute une marmite de certitudes.
J’allume la petite radio sur ma table de nuit, cadeau de mon père à l’adolescence. Les transistors des années quatre-vingt-dix tiennent plus longtemps que les portables sortis il y a trois ans.
Côme a déjà commandé une tournée de bières que la serveuse propulse sur notre table sans faire tomber la moindre goutte. Je suis sensible à cet art de la dextérité bistrotière. « Bière de Snick, la lambic authentique qui tombe à pic » est inscrit en lettres rouges sur les verres. La serveuse zélée précise à mon intention qu’en vrai, c’est pas une lambic, c’est pour la rime. On lève nos pintes en attendant que l’un de nous lance une sentence à propos. Rien ne vient, alors on hoche la tête, on ferme les yeux et on savoure la première lampée de Snick.
Je pars à Lille demain. On peut se revoir à mon retour dans une semaine ?
Elle sourit.
- En paléontologie, une semaine ce n’est rien.
- Dans la police, c’est une éternité.
La chaleur donne soif et la bière lilloise donne chaud. Un cercle vicieux qui s’autoalimente sans que ce soit désagréable.
Vais-je reprendre un carré de chocolat ou me décider à réduire ma consommation ? Je soupire. C’est un leurre de croire qu’on se libère du tabac. Ces carrés de chocolats noirs millésimés, je peux me convaincre que je les savoure, que je les suçote… La vérité, c’est que je les fume. J’apprécie bien plus le manque vaguement comblé que le goût amer du cacao d’exception.
Pendant que le taulard soulageait sa conscience, Antoine Dupuis avait pensé qu’à Brou, il avait ses habitudes et que les habitudes, ce sont des bouts de cercueil qu’on assemble jour après jour jusqu’à ce que la grande boîte soit prête à nous accueillir.
Regarder dans la même direction, c'est le début d'un lien.
L'inspecteur se lève en rajustant son costume trop grand. Il est persuadé que les costumes le vieillissent, qu'ils lui donnent ses vingt-huit ans que sa tête de blondinet lui refuse.Alors qu'en flottant dans son costard, il empire l'effet. On dirait qu'il l'a emprunté à son père.
Ce n'était pas l'honneur fait à un antirerépublicain dans un pays à cheval sur les libertés du peuple qui m'étonnait. C'était la mise en valeur de l'échec. Avocat de Louis XVI. Défenseur d'un homme condamné à la peine capitale malgré des appuis certains en haut lieu. Ce n'est pas le genre de ligne qu'un avocat met en avant dans son curriculum vitæ. Alors j'ai mené ma toute première enquête et j'ai forgé le début d'une méthode.
C'est l'avantage d’être un casanier qui ne tient pas en place. J'ai toujours envie de rester chez moi, mais je me sens chez moi partout où je vais. C'est peut-être la définition du voyageur, d’être un pantouflard ambulant.
(…) Mentir, ce n’est pas chercher à faire passer le faux pour du vrai. C’est convaincre la personne à qui on ment qu’on le fait parce qu’on n’a pas le choix, que c’est la meilleure réponse pour tout le monde. Le mensonge n’a pas d’importance, c’est être pris pour une conne qui l’est. (…).
Ma mère dit que c'est mon cancer qui l'a tué. Celui auquel j'ai échappé grâce à lui. Je ne crois pas aux petits arrangements du destin. Je ne vois pas pourquoi la nature éliminerait un médecin de premier ordre pour donner une leçon à un flic qui fume trop. Il y a juste des coïncidences qui mettent mal à l'aise.
Je sais pourquoi vous ne voulez pas voir de psy. Fouiller dans le subconscient d’un flic, ça revient à creuser un trou dans le sable à marée haute.
Le jeune inspecteur sous-entend la dépression sans la nommer, cette fois-ci. Ce qui ma fait prendre conscience que je prononce rarement le mot "Alzheimer" en évoquant ma mère. La pudeur linguistique, c'est le déni de la pensée.
Du temps où ses souvenirs étaient intacts, elle répétait souvent que le passé ne l'intéressait pas. Le destin l'a prise au mot.