Citations de Victor Guilbert (204)
Mais pour Jim qui scrute l’étendue vallonnée depuis son point culminant, c’est le plus bel endroit de la terre. D’aussi loin qu’il se souvienne, c’est l’unique jardin qu’il ait connu. Les enfants aiment les jardins, il l’a entendu quelque part. Et la vieille Sara, qui sait tout, lui a dit qu’il était un enfant, qu’il devait avoir entre dix et douze ans, sûrement. Et quand on lui demande son âge, c’est ce qu’il répond. « Je suis un enfant, j’ai entre dix et douze ans, sûrement. »
Perché sur son sommet, Jim contemple bien haut l’étendue multicolore qu’il appelle son jardin. Des collines de déchets accumulés dans une anarchie devenue presque esthétique au fil des ans. Avec l’aide du vent et de l’attraction terrestre, les tas de détritus se sont mués en de multiples pyramides colorées faites de ferrailles, de plastiques et de divers rebuts de matériaux agglomérés. La plus grande décharge sauvage à ciel ouvert de France, les hectares de la honte comme on le murmure dans la région et jusque derrière la frontière belge qui la jouxte de trop près.
Le problème dans cette affaire, ce n'est pas le nombre de pièces dans le puzzle, c'est le nombre de puzzles.
A ma famille nucléaire, qui est centrale.
Il n'y a rien de tel que de se perdre en forêt pour nourrir ses angoisses.
L'humain réagit mieux aux excès . Il n’y a rien de pire que d’être un peu déçu . Secoué, malmené, oui mais un peu déçu . ..C’est le flasque, le mal du siècle, l’intermédiaire , l’indécis . C’est quand on commence à se contenter qu’on sombre pour de bon.
Un type qui voyage avec un siège bébé sans bébé et qui range des chocolats dans un étui à cigarette , c’est parfait pour se fondre dans Douve .
Je n’ai pas pensé à demander à la petite brasserie de Sainte-Eudoxie pourquoi ils avaient donné le nom de Colonel à leur bière. C’est une drôle d’impression de contempler un parterre de flics et de gendarmes arborant des bouteilles de bière sur lesquelles on peut lire Colonel en grosses lettres. Il y a de quoi donner des vertiges à un objecteur de conscience abstème.
Douve. Aucune promesse joyeuse dans cette traînée monosyllabique. Personne ne sait d’où le village tire son nom. J’ai lu quelque part, sans doute dans le livre de ma mère, que l’abondance de marais dans les environs est une explication que l’on donne parfois. Un hameau terne et marécageux planté au bout d’une route de campagne. Peut-être le seul village non montagneux dont la traversée ne mène nulle part. Douve est une impasse, le dernier village avant le néant. Une seule route y mène, elle le traverse et se meurt en un chemin forestier approximatif que personne n’emprunte jamais. Une forêt hostile et humide qui n’intéresse pas même les randonneurs, avec des sapins trop hauts à perte de vue. On n’arrive pas là par hasard. Sur une carte, l’effet est saisissant. La route pénètre dans le village et s’arrête net. On dirait une aigrette de pissenlit. À la différence qu’on ne peut pas souffler dessus pour que tout s’envole. Certains diraient que c’est dommage.
C’est la carte qui me fascinait, enfant.
Quand on a eu une mère comme professeur de sociologie, on apprend que dans la plupart des cas, l'habit fait le moine.
Voilà ce que je pense. Je me fous qu'un meurtrier se fasse buter, j'étudie le droit, pas la miséricorde. Mais s'ils en viennent là, le village est foutu. Il n'y aura pas de retour en arrière possible. Douve a déjà utilisé toutes ces vies.
Je me méfie de la nostalgie. Elle enjolive le passé.
Le café. La boisson des gens pressés.
Le thé. La boisson des contemplatifs.
Dans toute situation étrange, il faut tenir compte de deux éléments majeurs : le contexte visible, qu'on découvre sans trop d'efforts, et la face cachée. [...]
À cause de la phase cachée. Celle qui nous apprend que dans le noir, il y a du blanc. Qu'il n'y a pas le haut et le bas, l'inverse et l'opposé, mais que tout se fond : le yin et le yang, c'est des conneries. L'univers et bancal.
— À sa mort, on a trouvé chez lui une valise remplie d’argent.
— Vous pensez qu’on l’a mise là pour le discréditer ?
— Un faisceau de preuves, ça implique un faisceau de ratés en amont. Après avoir été un espion irréprochable, il aurait été une taupe inconséquente ? Même si c’est vrai que ce type était bizarre… Il était obsédé par les chaussettes. Il vivait sans excès particulier, à l’exception de ses chaussettes, confectionnées sur mesure par de grands couturiers…
Trahir son pays pour se payer des socquettes haut de gamme, ce n’est probablement pas une motivation répandue. Mais l’argent reste un mobile universel qui connaît une forme de pérennité à travers les âges.
— Je me demande s’il est vraiment non-voyant. C’est peut-être un coup de com, pour parfaire la superstition. Un éclairagiste aveugle, un accessoiriste trisomique, un théâtre qui porte chance… Un combo, quoi. Et William ? Il cache un truc, William, non ? T’y crois vraiment à son histoire de gamin black de Harlem qui parle avec l’accent d’un lord anglais ? C’est peut-être un agent britannique du MI6, comme James Bond…
— Non, James Bond c’est le directeur.
Je ne crois plus au soleil.
On ne devrait jamais fouler l'enfer tant qu'on est encore en vie.
Arrêtez de m’emmerder. Vous avez une bille dans la tête, une loupe dans la poche, vous lâchez tout pour vous lancer dans une enquête au premier fait divers venu…Vous êtes autant zythologue que je suis danseuse étoile.