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Critiques de Virginie DeChamplain (69)
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Les falaises

« J’ai l’automne à l’envers. En dedans au lieu d’en dehors. Humide, tiède dans le creux des joues. Du vent qui craque dans la cage thoracique.

C’est octobre.

Ma mère est morte et j’ai pas encore pleuré. »



Voici comment s’ouvre ce roman. Comme une éclipse d’une vision qui hantera à jamais l’auteure.



Voyage introspectif dans les eaux troubles de la maternité, ses silences, ses non-dits, ses apocalypses.



Au rivage des falaises de Gaspésie au Quebec, la mère de l’auteure est retrouvée morte telle une sirène échouée. Nul doute n’est permis. C’est un suicide. V. nous livre ici un texte hypnotisant d’une mère au bord du naufrage tout le long de sa vie, une femme ayant toujours préféré partir le plus loin possible. Toujours plus loin.

Ça la rassurait, trouver le chaos ailleurs. S’assurer qu’on existe encore à l’autre bout du monde.



Ce livre, ce sont quelques bribes poétiques, toujours immergées dans l’eau des falaises. Des éclipses temporelles, des émois de femmes, de deux sœurs, de deux corps à corps. Des tentatives pour accrocher l’oxygène, gonfler ses poumons d’instantanés quand reviennent en carambole les souvenirs.



Le roman s’entrecoupe des pages manuscrites de la grand mère, au temps où elle portait son enfant, la mère de l’auteure.

On devine une souffrance intergénérationnelle, un fardeau de mère en fille, une souffrance latente.



Les larmes sont au bord du cœur, retenues dans les eaux froides de Gaspésie. On entend les fantômes murmurer les chants des défunts, on voit des sirènes couler loin des bras aimants des marins, les falaises enlèvent, réveillent, retiennent et sondent les cœurs tristes.

Les falaises au bord des lèvres pour distiller l’encens de ces amours qui jamais ne s’éteignent.



Un premier roman hypnotisant à souhait, d’une rare beauté où viennent se perdre quelques mots québécois pas toujours évidents à comprendre, un langage à la fois fort, brûlant et jeune avec ces phrases abruptes sans négation, flottant entre poésie et regards acerbes.

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Les falaises

Une narratrice, V. . Son « je » pour dire la mort de la mère. Déjà lu. Certes. Mais là où ce premier roman impressionne, c'est par la profondeur du traitement de ce thème, juste par la grâce d'une écriture enthousiasmante qui transcende la petite chose intimiste.



Virginie Dechamplain écrit en français mais c'est comme si elle écrivait dans une autre langue, et pas uniquement parce qu'elle utilise du parler québécois. Ses mots sentent la Gaspésie, cette presqu'île sauvage où la mère de la narratrice a été retrouvée morte, suicidée. Ils sentent l'iode, les embruns, le souffle du vent, le vertige des falaises, aux confins de la poésie : «  le Saint-Laurent jusqu'à l'échine », « l'air salin comme une ligne de coke ».



Tout devient sensation, les mots percutent avec énergie et emporte le lecteur dans un vortex d'émotions dans ce roman-tempête, à l'image du ressenti de la narratrice. Pour combler le trou béant laissé par la mort de sa mère, pour lui pardonner de l'avoir abandonné aussi, elle doit se réapproprier l'histoire de sa lignée : celle de sa mère bien sûr, mais aussi celle de sa grand-mère maternelle originaire d'Islande dont elle retrouve les carnets.



«  Je suis prise dans ma grand-mère. Dans son fleuve de mots. Je suis pas capable de décrocher d'elle. de sa mémoire. de ses doigts serrés sur son stylo. du bruit qu'elle fait en écrivant quand tout le monde dort. C'est comme tourner un couteau dans le passé. Gosser ( « sculpter dans du bois » ) dans la plaie pour l'agrandir.

Je l'entends. Partout. Et soudain elle me manque, ma grand-mère. Elle me manque d'avoir pas été là. J'entends sa voix quand je lis ses mots. Sa voix que j'ai jamais entendue. Sa voix rauque, qui finit ses phrases abruptes. Rauque, mais qui chante.  Une voix du Nord un peu triste. Je file d'un cahier à l'autre, dévore les années où on s'est manquées. Comme deux trains qui se croisent à toute vitesse et font trembler la campagne alentours. »



La résilience passe par l'archéologie familiale, une très belle idée, qui apporte du romanesque à un roman très introspectif. Les souvenirs jaillissent et apaisent la colère de la perte. le texte se fait cathartique et sa lumière réchauffe, pas uniquement le coeur de V. Les larmes, après s'être écrasées avec les poings, se sèchent dans la douceur.
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Les falaises

Un livre sur le temps qui passe, la transmission entre générations. La narratrice V est de retour dans la maison familiale suite au suicide de sa mère, c’est le moment de faire le ménage, mais les blessures du passé non cicatrisées réapparaissent.

Un livre qui se lit avec le ventre, avec palpitation, un premier roman qui secoue le plus intime et une fois le livre commencé, impossible de s’arrêter avant d’assembler toutes les pièces du puzzle . Les chapitres sont courts, entrecoupés d’apartés poétiques, des carnets de la grand-mère que V a retrouvé et dont elle s’est entourée. Il va falloir réapprendre à vivre, prendre son envol en se réappropriant les vertiges intérieurs, et aussi entreprendre un retour au pays natal de la grand-mère l’Islande.

Un roman puissant, hypnotisant, j’ai adorée !!!!

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Les falaises

La mort d’une mère, probablement un suicide, car elle est tombée dans le fleuve, du haut des falaises…



Un récit comme un journal tenu par sa fille, pour comprendre, pour se raconter, pour accepter.



La vie avec sa mère, une vie de bohème, voyageuse et psychologiquement instable, une enfance toujours au bord de l’intervention des services sociaux.



Puis le deuil, faire le ménage de la maison qu’il faut vider, faire le ménage de ses souvenirs et de son cœur qu’il faut apaiser.



Apprendre à vivre sans remords, sans culpabilité.



Et la guérison demandera de se tourner vers d’autres lieux et d’explorer d’autres falaises…



Un roman plein d’émotions, avec une écriture qui emploie le langage parlé, mais aussi une belle profondeur poétique.

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Les falaises

" Je cherche ma mère ma grand-mère ma galaxie de femmes. Éparpillées dans le monde, j'essaie de les retracer"...



Un premier roman d'une auteure canadienne très prenant, émouvant. Une quête difficile de la narratrice , revenue au bord du Saint-Laurent, là où sa mère s'est jetée d'une falaise. Elle reste au milieu de la maison maternelle , île -refuge, pour la vider, mais surtout pour comprendre ce vide en elle. Des souvenirs affluent, pas toujours agréables, et façonnent pour le lecteur une figure maternelle en fuite, proche de la folie, ayant laissé des traumatismes chez ses deux filles.



Le texte est entrecoupé d'extraits des journaux intimes de la grand-mère, d'origine islandaise, et de courts poèmes inaugurant chaque chapitre.



Outre ces destins singuliers de femmes rebelles, apatrides, ce qui attire et retient le lecteur, c'est l'écriture. Pas vraiment les expressions canadiennes, même si elles sont savoureuses. Non, c'est l'aspect brut,sauvage, poétique qui saisit. Et provoque l'émotion. Parlant de sa soeur, elle écrit:



" Je regarde Ana. Ses yeux de feux de forêt,. de rivières qui sont sorties de leur lit. Ses cheveux toujous mêlés. Ses mains qui tremblent subtilement. Je regarde les fêlures dans sa façade. "



Il faudra un départ pour l'Islande, l'île des origines, pour, peut-être, se trouver et conjurer le passé, s'accorder douceur et apaisement... Un bien beau premier roman!
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Les falaises

Le nom de l'autrice de ce beau livre( a tous points de vue : Edts La Peuplade ) fait penser à "la belle province" et effectivement ce récit va des berges du St Laurent aux aurores boréales de l'Islande.

C'est un récit déjà lu avec plus ou moins de bonheur: le retour d'une jeune femme dans sa région natale après le décès de sa mère.

Ils s'agit donc de souvenirs partagés, grand-mère, mère, fille, chacune leur caractère, rebelle, aventureuse, posée. Illusions perdues, regrets, mais une attirance profonde pour les racines.

De l'émotion , une écriture fine et poétique, un premier roman réussi.

Il est à noter que le parler de la Gaspésie , à l'oreille ,nous plaît bien ,écrit, parfois il heurte un peu le déroulé de la lecture , mais c'est vraiment infime et donne du charme aux berges du St Laurent. Une bien belle lecture.
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Les falaises

Un roman féminin puisqu'il s'agit de retrouver les traces intimes laissées dans un cahier par la grand-mère de la narratrice alors que celle-ci revient en Gaspésie lorsque sa mère se suicide et qu'elle vide la maison.



Son aïeule évoque tout ce qu'elle n'a pas pu dire à sa fille alors qu'elle l'a portait dans son ventre, ses rêves, son présent.



Même si ce fut une lecture agréable, limpide parsemée de certains termes québécois, je ne fus pas transportée par ce roman que j'avais vu passé ici et là. Un livre sur le deuil, sur les disparitions des origines, des racines et la transmission.
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Les falaises

V. est-elle en train de passer à côté de sa vie ?

Des voyages avec sa mère ,bourlinguée d' aéroports en cités latino américaines ; elle en garde odeurs et rumeurs ,souffle de l'air sur la passerelle à l'arrivée…

Images fugaces, mémoire floue... vécu ou rêvé ?

Tombant sur les carnets de vie de sa grand-mère Frida, islandaise qu'elle n'a pas connue et dont sa mère n'a pas su ou voulu lui parler…Un grand-père absent pêcheur des mers froides et les hommes de sa mère en proie à maintes crises …

On flotte un peu comme dans cet étrange climat des films du jeune québécois Xavier Dolan: rencontres impromptues, nuits d' angoisse et matins embrumés …



Reçu quelques jours plus tôt via “masse critique”, Les Falaises de Virginie Dechamplain , premier roman d'une jeune autrice, primé - le roman- au Salon de Rimouski traînait sur le canapé. Éreinté par le rangement de deux stères de bois calés sous la remise ,je me chauffe un bol de soupe ,me déchausse et projette une bonne douche …

23 h Je m'éveille ….le bouquin est ouvert page 40: escalier chambre couette lunettes ; bien calé on ne lâche pas...!

Le Saint Laurent omniprésent et ce maudit vent dans la baie, les maisons de bois ,le bar de Chloé, Chloé comme celle de Boris Vian …tiens tiens !...

Des expressions comme j'en entendis naguère vers Matane ou St Jean de Cherbourg comme s'enfarger dans les bouteilles vides * ou son chum** qu'est parti sans sa blonde

Cette grand mère islandaise qui perdit un fils pêcheur , (son oncle donc) des tunes années 80 d Elton John

1h du matin :dormir ou tenir ? Un mug de thé vert arrosé d' un trait de limoncello (ça sent le bonbon…) Je poursuis ...

Rare qu' un roman me tienne ainsi ; Dalva et la Route du Retour ou encore La Lettre à Helga ,récit d'un paysan islandais, une nuit blanche d'un nouvel an dans la Hague /Cotentin.



Chloé la rousse-incrédule -en renarde improbable sur la coursive et pourtant elle y rôdait bien cette renarde .

Une pause vers l'ordinateur, interview en visio covid sur Radio Canada, mais le son est pourri... je reprends pour découvrir l' Islande où elle atterrit , dans une famille d' hôtes chaleureux et attentionnés : des pages sensibles ,un peu de douceur, d'empathie enfin…



Et ma douche ? Il est grand temps je crois ...!



Un anti “feelgood” que j' ai kiffé grave les amis/ies , un vrai style étonnant et accrocheur.

Je vais en toucher un mot à Catherine , ma libraire , et whynot ,lui proposer d' en rédiger l' accroche en quatre phrases, juste pour inciter l' indécis à se porter sur la quatrième de couve .



* s'enfarger :se prendre les pieds, trébucher.

**chum : compagnon, petit ami ou amoureux
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Les falaises

V. se rend en Gaspésie, au bord du fleuve Saint-Laurent, afin d'aider sa sœur et sa tante à vider la maison de sa mère qui vient de mourir noyée dans le fleuve.

Très vite, elle propose de prendre en charge seule cette tâche et se retrouve écrasée dans son isolement par les souvenirs douloureux et les découvertes qu'elle fait, sur sa mère et sa grand-mère. Elle flotte entre rêve et réalité, passé et présent, deuil et amour.



Je n'ai pas aimé cette lecture, tant à cause de l'histoire que du style.

Le récit est flou et j'ai dû parfois faire des retours en arrière pour comprendre et déclencher des images mentales.



L'histoire de cette famille, de ces trois femmes, ne m'a pas touchée et je n'en ai pas saisi la finalité.



Le style choisi par l'autrice est le langage parlé québécois au présent. Sur 200 pages, c'est lassant et j'ai très vite eu envie de retourner à une lecture plus littéraire.



Ce premier roman présente cependant des qualités appréciables: le personnage de V. est très attachant, comme d'ailleurs plusieurs personnages rencontrés au cours de l'histoire; les émotions et sentiments peu exprimés par des mots sont pourtant bien ressentis par le lecteur; le récit non linéaire, fait de flashbacks, d'extraits de journaux intimes de la grand-mère, est très bien maitrisé.



Je lui souhaite de trouver son public.
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Les falaises

La narratrice, V., vient d'apprendre la mort de sa mère. Elle se rend à sa maison d’enfance, au bord du fleuve Saint Laurent où s'est glissée sa mère, dans le but de vider l'habitation, mais aussi de renouer les liens distendus de cette famille matrilinéaire où les hommes ne faisaient que passer, occupés par d'autres voyages.

D'octobre à mars, nous suivons V. dans un périple d'abord immobile, découvrant les écrits de sa grand-mère, née en Islande, évoquant les souvenirs de sa mère, marquée par une grande instabilité psychologique, mais emmenant ses deux filles, V. et Anaïs aux quatre coins du monde.

Bientôt V. partira sur les traces de son ancêtre, mais elle sait déjà que ce sera pour mieux revenir.

Femmes sauvages, femmes à la fois faibles et fortes, marquées par leur amour de la nature, Virginie DeChamplain leur offre une voix poétique, ultra sensible qui parfois broie le cœur. La lettre que la grand-mère écrit à sa fille nouvelle née est parmi l'une des plus belles lettres d'amour que j'ai lue.

Un texte au plus près des corps, des émotions, de la nature, qui ne fait pas l'économie de la souffrance ,mais sans jamais tomber dans le pathos. Une langue libre qui se réinvente pour mieux dire l'amour et la mort Un texte puissant et marquant qui file sur l'étagère des indispensables.
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Les falaises

Le fleuve a ramené son corps, mais son âme est déjà loin. Elle allait s’y jeter, un jour ou l’autre. Elle avait déjà essayé. Cette fois, personne ne l’a empêchée. V. doit soutenir sa sœur, vider la maison, faire son deuil. Elle se retrouve dans cette bâtisse dont l’escalier craque, encore pleine du parfum et des affaires de sa mère. Elle retrouve les journaux intimes écrits par sa grand-mère. Elle lit, et voyage entre trois vies : celle de sa grande-mère, celle de sa mère et la sienne. Toutes trois étaient à la recherche d’une terre et d’un sens. Dans cette maison où V. , sa sœur et sa mère posaient leurs valises entre deux voyages, elle se demande ce qui l’a poussé à partir, et surtout, à ne jamais vouloir revenir. Perdue sur cette falaise, qui semble si loin de son appartement métropolitain.



La plume ouvre la porte à la rêverie et s’interroge sur les origines. La narratrice nous ouvre son cœur, tout en nous tenant à distance. Un joli texte, qui plaira aux amateurs des styles nordiques.


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Les falaises

Acéré et impétueux. Comme une falaise. J'ai beaucoup aimé ce roman qui relate l'histoire d'un deuil vertigineux comme une falaise : le deuil d'une mère.



L'auteure arrive à transcender la souffrance infinie d'un océan de douleur grâce à son style d'écriture métaphorique, poétique et presque aérien. Elle réussit à nous faire voyager avec elle en nous berçant par le bruit des vagues, en nous faisant sentir l'air salin et les fines gouttelettes des embruns sur notre peau ainsi que le vertige ressenti tout en haut d'une falaise.



Ce fut une lecture douce et dure à la fois. Mais je ne retiens que la beauté du sentier sinueux emprunté par l'auteure pour exprimer toute la détresse vécue lors d'un deuil difficile. Une résilience, une force imposante et puissante...comme une falaise. Un chemin pour apprendre à trouver cet océan de beauté à l'intérieur de nous.



"Je m'arrête pour respirer l'ampleur de la beauté." Virginie DeChamplain
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Les falaises

« J’ai l’automne à l’envers. En dedans au lieu d’en dehors. Humide, tiède dans le creux des joues. Du vent qui craque dans la cage thoracique.

C’est octobre.

Ma mère est morte et j’ai pas encore pleuré. »



Le corps de sa mère a été retrouvé dans le St Laurent aux pieds de sa maison, et la narratrice retourne en Gaspésie pour l’enterrer. Ce retour et cette perte exposent à nu le vide fondateur qu’elle a en elle. « Y’a toujours quelque chose qui brise plus creux ou qui me pousse à m’enfuir ». Quand la mer est haute, les empreintes de nos pas disparaissent et on peut se persuader que l’on n’a pas de pieds. Depuis longtemps elle courrait pour toujours rester à marée haute, mais l’océan a disparu et la voici fauchée en plein soi. Le trou dans son ventre nourri à la rage contre cette mère qui n’a jamais pu rester en place ni être là.



Mais tandis qu’elle vide la maison maternelle, elle va découvrir des cahiers écrits par sa grand-mère. Une femme qu’elle n’a pas connue, morte juste avant qu’elle ne vienne au monde. Des cahiers écrits de 1968, année de la naissance de sa mère, à 1992, celle de sa naissance à elle. Une grand-mère venue d’Islande, dont les mots vont amorcer un voyage. Un voyage qui dévoile ces femmes qui l’ont précédée et qui l’ont faite, aussi. « Je suis les femmes devant moi ». Suivre et être, la narratrice va essayer de trouver sa place et son chemin.



Il y a un grand souffle dans ces pages. Comme un envol, un air vivant qui te coupe le souffle et pique les yeux. J’ai aimé lire Les falaises et il me trotte encore souvent en tête depuis que je l’ai terminé il y a quelques semaines. Se réapproprier son passé pour pouvoir en guérir. Dans ce premier roman de femmes et de résilience, la voix inspirée de Virginie DeChaplain frappe par sa poésie un peu rugueuse qui emporte en émotions. Encore une belle découverte des éditions la Peuplade !



« Des fois j’aimerais ça me rappeler des choses que je me rappelle pas. Comme ma naissance. La première chose que j’ai vue. La première chose qui m’a fait rire. Qui m’a fait pleurer pour vrai. La première fois que j’ai eu mal. J’aimerais aussi avoir pris une photo mentale de moi pendant des moments importants pour pouvoir me les rappeler quand je vais être vieille. Je prends pas la peine de me souvenir de moi. De quoi j’avais l’air en dedans quand je suis tombée en amour. À quel âge j’ai eu peur de mourir pour la première fois. Et toutes les autres. Les fois où je me suis perdue, les fois où je suis partie, celles où j’aurais voulu rester. »
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Les falaises

Le fleuve, le vent, les criques et les falaises.

Des femmes éparpillées, déconnectées.

Un deuil.

Une quête personnelle.

Un bistrot et encore une femme.

Un voyage.

Fuir puis revenir.

La Gaspésie, les rives du Saint-Laurent et au loin l’Islande.

Le poids des non-dits.

Une ambiance, un rythme, un style.

De la poésie, de la poésie qui sent la terre.

Une langue totalement libre.

C’est beau.

C’est rare un premier roman comme celui-là.
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Avant de brûler

On voudrait parfois ne pas dire grand-chose d’un texte, juste garder un silence stupéfait et respectueux, et exprimer ainsi, par ce mutisme même, notre totale admiration, notre profonde adhésion à ce que ses mots nous ont donné. Et c’est bien le cas, à cet instant, en refermant le nouveau roman de Virginie DeChamplain, on aimerait lui épargner le bavardage du commentaire, à peine célébrer son étrange beauté et en quoi les histoires dont il est tissé nous touchent au plus intime, tant ici, comme dans le récit Farah le dit à un moment de l’œuvre de Margaret Atwood, on peut apprécier tout l’art mis par l’autrice pour laisser « la réalité se lover dans la silhouette terrifiante de la fiction ».

L’allusion à Margaret Atwood est, d’ailleurs, bien justifiée, puisque le roman de Virginie DeChamplain emprunte une voie narrative proche de celle de l’auteur de La Servante écarlate, en offrant comme décor à l’intrigue un monde à peine différent du nôtre, notre monde de demain peut-être, certains diront post-apocalyptique, en tout cas un monde bouleversé par les sombres évolutions politiques que nous pouvons redouter et les menaces climatiques que nous devons craindre.

La société dans laquelle vivent les personnages du roman a laissé les murs se construire de plus en plus haut autour d’elle, pour interdire l’accès au territoire à d’indésirables étrangers. Mais ces solides frontières n’ont en rien arrêté les ouragans, les vagues des flots déchaînés, les incendies violents, générés par un changement climatique, désormais incontrôlable… Cela vous rappelle quelque chose, non, ce paysage pas si dépaysant ?

Tous ont été contraints de fuir les villes, leur cadre de vie habituel, pour se réfugier là où c’était encore possible. Au cours de cet exil, la narratrice, dont on ne connaîtra jamais le nom, a rencontré Marco, un homme qui deviendra son compagnon, un ami bientôt, un amant merveilleux mais occasionnel, quelqu’un en tout cas avec qui envisager de reconstruire un monde. Ils habitent, désormais, au cœur d’une forêt, assez proches d’un village pour y proposer leurs services, mais assez éloignés aussi pour ne pas s’encombrer de trop de présence humaine, préférant à leurs congénères leur chien Django. Un jour, la jeune femme, en quête de vivres dans ce bois que hantent désormais les loups, découvre Farah, une mère entourée de deux enfants qui s’agrippent à ses jambes, et portant encore un bébé dans ses bras. Le premier contact est difficile, presque hostile, tant la rencontre semble menaçante. Mais Farah la suit, et très vite, la cohabitation s’organise, favorisée par l’attitude paternelle de Marco à l’égard des enfants et la danse joyeuse du chien autour d’eux…

Farah et la narratrice s’observent, se cherchent, lentement s’apprivoisent, apprennent à crier ensemble. L’une et l’autre sont habitées par leur passé, la disparition dans le déluge de leurs compagnes respectives, les traces récurrentes de deux amours fous. L’une et l’autre, aussi, sont en quête de reconstruction. Si leurs histoires divergent, elles ont toutes les deux, et il y a ici comme une mise en abyme de la fonction de la romancière dans son texte, une même passion pour l’écriture, Farah, comme chercheuse universitaire et journaliste critique, quand la narratrice, elle, cherche à garder trace des choses du monde et de leur transformation dans des carnets où elle consigne les détails de la « flore » et de la « faune » (« Flore » et « Faune » sont aussi, tiens donc, les titres des deux premières parties du roman), mais aussi dans de courts poèmes, qui cristallisent l’impression d’un moment.

Dans la forêt aussi, il y a la bête, une biche, orpheline de son faon, sans cesse pourchassée par les loups, mais qui sait que les deux « humaines » peuvent la protéger… Trois femmes, en somme, et leur désarroi face à un monde dont elles ne savent pas comment il va tourner, vers la mort ou un renouvellement de la vie ?, « tombeau ou matrice » ?, cette expression revenant dans leur esprit comme une antienne. Et ce sera peut-être finalement au lecteur de décider, avec ou sans elles, du nouveau cours des choses…

On sent bien, oui, que nous y sommes également, lecteurs, dans cette forêt, pris, comme les deux héroïnes humaines, dans une « rencontre-miroir » et la même quête de sens. Mais pris au piège aussi d’une narration captivante et aux charmes d’une écriture où traîne parfois un accent québécois, d’une langue capable de nous donner un « chat tempête », « une femme racine », « une femme pilier », des « baiser orages et ruines…, baiser ongles et morsures », d’imaginer des « bras caverne », de décrire un Marco, amant protecteur, comme faisant partie « de cette catégorie secrète des garçons cathédrales, à la structure imposante, mais à l’intérieur remplis de chants chorals »… Oh oui, comme nous aimons, nous, ce roman cathédrale et les mots caverne de ce texte! Et vous aussi, maintenant, « avant de brûler» ?

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Les falaises

Ce roman met en scène «une galaxie » de femmes, éparpillées de par le monde mais qui se rejoignent lors de la mort de la mère de la narratrice. Cette maman qui a bourlingué de par le monde avec ses filles, ne restant jamais longtemps au même endroit … une fuite en avant pour trouver une vie meilleure ? Mieux accompagnée ? Pour revenir à sa terre originelle : la Gaspésie où elle se donne la mort, raison du retour de ses filles qui y retrouvent une tante.

V., la fille narratrice restera seule pour assurer la suite du décès. Dans la maison, elle retrouvera des photos à partir desquelles elle retrace la vie chaotique de sa mère et par ricochet, la met face à sa propre existence, ses choix, ses doutes et ses douleurs. La découverte du journal intime de sa grand-mère permet de ponctuer ou d’expliciter certains chapitres, d’accentuer les similitudes entre la fille et la mère et d’expliquer les traumatismes qui hantent sa propre réalité.

Ce premier roman, très intimiste et touchant, l’est par cette introspection sans concession, mais aussi par l’atmosphère pittoresque des grands espaces sauvages décrits et la langue francophone si imagée qu’est le québécois. Poésie et psychologie s’articulent avec aisance, pour le plaisir d’une lecture dépaysante et enchanteresse.

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Les falaises

V., la narratrice, vient de perdre sa mère, dont le corps a été rejeté sur une plage par le fleuve Saint Laurent.

Il lui faut revenir dans sa Gaspésie natale pour vider la maison familiale avec sa sœur Ana et sa tante Marie...



C'est une histoire simple, sauf que la manière de la raconter ne l'est pas forcément : l'auteure écrit dans la langue intense, cash et expressive du Québec. Si cela a rendu ma lecture encore plus intéressante, il est possible que l'écart entre ce vocabulaire mi-poétique mi-distrayant (pour qui n'y est pas habitué) et la gravité des thèmes abordés puisse déconcerter certains lecteurs. J'ai aimé ces chapitres brefs racontant comment le personnage part à la rencontre de sa mère, qui aimait ses filles mais les aimait mal, mais aussi de sa grand-mère, femme de pêcheur qu'elle n'a jamais connue. Dans ses cahiers, celle-ci raconte sa vie, puis celle de la mère, celle de V. aussi en fin de compte puisqu'elle descend de ces femmes fleuve et que tout, toujours, les ramène à ce village, à cette maison, au Saint-Laurent.

Une jolie découverte très originale, lue dans le cadre de la sélection du Prix Harper Collins Poche.
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Les falaises

Premier roman très particulier que celui de Virginie DeChamplain.

Parsemée de mots et expressions en québécois, sa lecture en est parfois fluide, parfois à la limite du décousu et souvent surprenante.

La poésie quant à elle n'est jamais très loin grâce aux pages des manuscrits de l'un des personnage.



C'est en Gaspésie que Je, la narratrice, accompagnée tout d'abord par sa jeune sœur Ana, puis seule, va remonter le temps de son histoire familiale. Leur mère, Claire, celle qui criait avoir perdu son prénom à la naissance de ses enfants, a été retrouvée morte.

Il est temps pour "Je" de débarrasser la maison, de s'en séparer, de tourner définitivement la page d'une période de sa vie qu'elle a du mal à supporter, d'oublier sa mère vagabonde et sa grand-mère aventureuse.

Mais la découverte dans le grenier, des manuscrits de cette grand mère qu'elle n'a pas connue, vont changer les choses : petit à petit la narratrice découvre son histoire familiale, va mieux comprendre les sacrifices de cette mère si particulière.



Roman sur le deuil, sur la vie après le départ d'êtres incompris, sur le besoin et la difficulté de l'oubli;

mais aussi odes aux femmes insoumises, roman sur l'amour filial.

Tels sont les thèmes que Virginie DeChamplain nous propose de parcourir, à sa façon.



Certes certains passages sont émouvants, bouleversants mais le mélange de la langue parlée et de la poésie ont réellement altéré mon plaisir de lecture; trop de grand-écarts... aussi, je ne saurais classer ce texte dans une PLL (pile de livre à lire)











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Les falaises

C’est un premier roman pour l’auteure de 26 ans. Même si j’ai mis un temps à entrer dans l’histoire, je dois dire qu’au bout du compte, j’ai aimé partir avec la narratrice à la recherche de ses filiations. Mère et grand-mère se promènent d’une falaise à l’autre. Elle est avec l’une par le souvenir et avec l’autre par son journal que la narratrice découvre dans la maison de son enfance. Virginie De Champlain a dit avoir été inspirée par La femme qui fuit d’Anais Barbeau-Lavalette et on peut en effet découvrir une certaine parenté dans l’approche, les chapitres courts, les allées et venues des impressions et des sensations comme des marées toujours changeantes. Pour bien apprécier ce roman, je crois qu’il faut le lire par petites touches, se laisser aller au fil du courant et fuir un peu soi-même.
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Avant de brûler

« Avant de brûler », l'effusion insurpassable qui cristallise le sacre de ce livre.

L'écriture poétique, charnelle, somptueuse est déjà, à elle seule, l'entrée dans le grandiose.

« Il y a toujours quelque chose qui passe… Ici tout laisse une trace. »

La jeune narratrice est à la lisière du monde. L'ère post-apocalyptique, le dérèglement climatique, entre les pluies diluviennes, les feux dévastateurs. Elle est en repli dans les bordures de la forêt, et la clairière qui élève le vrai langage. La résistance face aux alias irrémédiables.

Le récit est une chapelle qui reste sur ses gardes et prend soin des personnages qui savent l'heure précieuse. Les petits riens qui sont dans cette orée des urgences vitales.

La trame est une feuille cousue d'or.

« Depuis que je suis ici, je note des choses… Je note parce qu'il est pas question que je me fasse encore surprendre par la fin du monde. »

Elle vit avec Marco, un compagnon, un allié, un homme amical et doux. Django son chien et son chat qui vit d'indépendance. Comme l'arche de Noé en quelque sorte.

« Moi je l'appelle Rien parce qu'il n'appartient à personne. »

Dans la forêt, il y a des meutes de loups. Tout semble renouer avec l'imprévisible. Et là, elle croise une biche. « La bête l'ignore, mais elle est depuis quelques heures la dernière représentante de son espèce. »

Dans un même cycle, à l'instar d'une fusion, d'un magnétisme, d'une destinée révélée, elle rencontre sur le seuil de la canopée fragilisée, Farah. Une jeune femme, avec ses trois enfants, dont un bébé dans ses bras. Une corbeille féminine. L'aura qui élève la fièvre essentialiste.

« Je me rappelle Farah comme un coup de poing dans le ventre. »

Elle est d'eux. Ils sont d'elle et des enfants. Ils vivent en fusion, en communauté, « et un semblant de routine s'est posé dans la maison comme de la neige sur la mousse. Je me réveille au son des enfants. »

L'hospitalité comme cercle, ils sont soudés dans cette vulnérabilité. le temps d'avant est rompu.

Ils ne travaillent plus. Le rien est devenu matière. L'autarcie et le végétal pour rideau. Ils ne vont que peu dans le monde d'avant qui s'écroule peu à peu comme une feuille qui se meurt, craquante et fragile.

Tout est transformé, défiguré, comme hors du temps et de l'espace. La narratrice rassemble l'épars. Compte les pas, cueille les plantes, retient et prend garde au moindre mouvement furtif.

Marco est le socle. Paternel avec le bébé, tendre et intuitif, la bonté naturelle. Il est la marche de leur antre de survie.

Théologal dans sa pureté. Il est l'homme qui n'attend plus rien du monde. Ils sont dans cette échappée, cercle où la biche est l'emblème de la genèse agonisante. Unique.

La trame spéculative vaut mille vies. Elle retient les gestuelles. Elle sait l'heure de la déliquescence. L'omniprésence de la mort, la dégénérescence.

« Je vais m'installer dans le divan opposé à Farah et j'observe à la dérobée cette femme dompteuse de chaos, observe sa vie qui s'immisce maintenant dans tous les interstices de ma maison. »

Ils sont naufragés. La nature signe peu à peu l'advenir de ces êtres dont la maison, plus qu'un refuge est l'Alcazar. « Se bâtir quelque part où peut rentrer et descendre les épaules. « À la place je regarde Farah dormir sur le divan, en cuillère avec ses enfants. »

Farah et la narratrice déambulent dans la forêt. Toujours en quête de semences, d'essences, de bois craquant sous leurs pas. La biche happe leurs présences, cherche, elle aussi, un point d'appui dans ces miraculeuses connivences.

Le périple est un havre de verdure, salvateur. Sylvestres et conscientes de la fin du monde.

« Elle avait lu Margaret Atwood, et depuis quelques années elle observait, un rire jaune coincé dans la gorge, la réalité se lover dans la silhouette terrifiante de la fiction. »

« Avant de brûler » est un livre qui tresse la lecture à voix haute. L'écoute en veillée dans ce qui va advenir. Ce grand texte cardinal de Virginie DeChamplain qui honore la féminité, la solidarité-soeur, la biche, parabole d'un même coeur, l'union dans le délitement du monde vivant. Ce livre est une ode à la nature. Un texte fascinant d'empathie. Un lanceur d'alerte. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.

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