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EAN : 9782925416135
216 pages
La Peuplade (04/04/2024)
4.1/5   10 notes
Résumé :
Quand vient l’effondrement du monde, sous l’effet des déluges, des canicules et des incendies, deux femmes se rencontrent dans une forêt que les loups ont reconquise. L’une a trouvé refuge avec un compagnon d’exil dans une maison isolée, à l’autre il ne reste que ses trois jeunes enfants épuisés à qui elle veut offrir un lieu où aspirer à plus que se détruire encore. Toutes deux ont en commun des histoires qu’elles ne sont pas prêtes à raconter. Lors de leurs marche... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
On voudrait parfois ne pas dire grand-chose d'un texte, juste garder un silence stupéfait et respectueux, et exprimer ainsi, par ce mutisme même, notre totale admiration, notre profonde adhésion à ce que ses mots nous ont donné. Et c'est bien le cas, à cet instant, en refermant le nouveau roman de Virginie DeChamplain, on aimerait lui épargner le bavardage du commentaire, à peine célébrer son étrange beauté et en quoi les histoires dont il est tissé nous touchent au plus intime, tant ici, comme dans le récit Farah le dit à un moment de l'oeuvre de Margaret Atwood, on peut apprécier tout l'art mis par l'autrice pour laisser « la réalité se lover dans la silhouette terrifiante de la fiction ».
L'allusion à Margaret Atwood est, d'ailleurs, bien justifiée, puisque le roman de Virginie DeChamplain emprunte une voie narrative proche de celle de l'auteur de la Servante écarlate, en offrant comme décor à l'intrigue un monde à peine différent du nôtre, notre monde de demain peut-être, certains diront post-apocalyptique, en tout cas un monde bouleversé par les sombres évolutions politiques que nous pouvons redouter et les menaces climatiques que nous devons craindre.
La société dans laquelle vivent les personnages du roman a laissé les murs se construire de plus en plus haut autour d'elle, pour interdire l'accès au territoire à d'indésirables étrangers. Mais ces solides frontières n'ont en rien arrêté les ouragans, les vagues des flots déchaînés, les incendies violents, générés par un changement climatique, désormais incontrôlable… Cela vous rappelle quelque chose, non, ce paysage pas si dépaysant ?
Tous ont été contraints de fuir les villes, leur cadre de vie habituel, pour se réfugier là où c'était encore possible. Au cours de cet exil, la narratrice, dont on ne connaîtra jamais le nom, a rencontré Marco, un homme qui deviendra son compagnon, un ami bientôt, un amant merveilleux mais occasionnel, quelqu'un en tout cas avec qui envisager de reconstruire un monde. Ils habitent, désormais, au coeur d'une forêt, assez proches d'un village pour y proposer leurs services, mais assez éloignés aussi pour ne pas s'encombrer de trop de présence humaine, préférant à leurs congénères leur chien Django. Un jour, la jeune femme, en quête de vivres dans ce bois que hantent désormais les loups, découvre Farah, une mère entourée de deux enfants qui s'agrippent à ses jambes, et portant encore un bébé dans ses bras. le premier contact est difficile, presque hostile, tant la rencontre semble menaçante. Mais Farah la suit, et très vite, la cohabitation s'organise, favorisée par l'attitude paternelle de Marco à l'égard des enfants et la danse joyeuse du chien autour d'eux…
Farah et la narratrice s'observent, se cherchent, lentement s'apprivoisent, apprennent à crier ensemble. L'une et l'autre sont habitées par leur passé, la disparition dans le déluge de leurs compagnes respectives, les traces récurrentes de deux amours fous. L'une et l'autre, aussi, sont en quête de reconstruction. Si leurs histoires divergent, elles ont toutes les deux, et il y a ici comme une mise en abyme de la fonction de la romancière dans son texte, une même passion pour l'écriture, Farah, comme chercheuse universitaire et journaliste critique, quand la narratrice, elle, cherche à garder trace des choses du monde et de leur transformation dans des carnets où elle consigne les détails de la « flore » et de la « faune » (« Flore » et « Faune » sont aussi, tiens donc, les titres des deux premières parties du roman), mais aussi dans de courts poèmes, qui cristallisent l'impression d'un moment.
Dans la forêt aussi, il y a la bête, une biche, orpheline de son faon, sans cesse pourchassée par les loups, mais qui sait que les deux « humaines » peuvent la protéger… Trois femmes, en somme, et leur désarroi face à un monde dont elles ne savent pas comment il va tourner, vers la mort ou un renouvellement de la vie ?, « tombeau ou matrice » ?, cette expression revenant dans leur esprit comme une antienne. Et ce sera peut-être finalement au lecteur de décider, avec ou sans elles, du nouveau cours des choses…
On sent bien, oui, que nous y sommes également, lecteurs, dans cette forêt, pris, comme les deux héroïnes humaines, dans une « rencontre-miroir » et la même quête de sens. Mais pris au piège aussi d'une narration captivante et aux charmes d'une écriture où traîne parfois un accent québécois, d'une langue capable de nous donner un « chat tempête », « une femme racine », « une femme pilier », des « baiser orages et ruines…, baiser ongles et morsures », d'imaginer des « bras caverne », de décrire un Marco, amant protecteur, comme faisant partie « de cette catégorie secrète des garçons cathédrales, à la structure imposante, mais à l'intérieur remplis de chants chorals »… Oh oui, comme nous aimons, nous, ce roman cathédrale et les mots caverne de ce texte! Et vous aussi, maintenant, « avant de brûler» ?
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« Avant de brûler », l'effusion insurpassable qui cristallise le sacre de ce livre.
L'écriture poétique, charnelle, somptueuse est déjà, à elle seule, l'entrée dans le grandiose.
« Il y a toujours quelque chose qui passe… Ici tout laisse une trace. »
La jeune narratrice est à la lisière du monde. L'ère post-apocalyptique, le dérèglement climatique, entre les pluies diluviennes, les feux dévastateurs. Elle est en repli dans les bordures de la forêt, et la clairière qui élève le vrai langage. La résistance face aux alias irrémédiables.
Le récit est une chapelle qui reste sur ses gardes et prend soin des personnages qui savent l'heure précieuse. Les petits riens qui sont dans cette orée des urgences vitales.
La trame est une feuille cousue d'or.
« Depuis que je suis ici, je note des choses… Je note parce qu'il est pas question que je me fasse encore surprendre par la fin du monde. »
Elle vit avec Marco, un compagnon, un allié, un homme amical et doux. Django son chien et son chat qui vit d'indépendance. Comme l'arche de Noé en quelque sorte.
« Moi je l'appelle Rien parce qu'il n'appartient à personne. »
Dans la forêt, il y a des meutes de loups. Tout semble renouer avec l'imprévisible. Et là, elle croise une biche. « La bête l'ignore, mais elle est depuis quelques heures la dernière représentante de son espèce. »
Dans un même cycle, à l'instar d'une fusion, d'un magnétisme, d'une destinée révélée, elle rencontre sur le seuil de la canopée fragilisée, Farah. Une jeune femme, avec ses trois enfants, dont un bébé dans ses bras. Une corbeille féminine. L'aura qui élève la fièvre essentialiste.
« Je me rappelle Farah comme un coup de poing dans le ventre. »
Elle est d'eux. Ils sont d'elle et des enfants. Ils vivent en fusion, en communauté, « et un semblant de routine s'est posé dans la maison comme de la neige sur la mousse. Je me réveille au son des enfants. »
L'hospitalité comme cercle, ils sont soudés dans cette vulnérabilité. le temps d'avant est rompu.
Ils ne travaillent plus. le rien est devenu matière. L'autarcie et le végétal pour rideau. Ils ne vont que peu dans le monde d'avant qui s'écroule peu à peu comme une feuille qui se meurt, craquante et fragile.
Tout est transformé, défiguré, comme hors du temps et de l'espace. La narratrice rassemble l'épars. Compte les pas, cueille les plantes, retient et prend garde au moindre mouvement furtif.
Marco est le socle. Paternel avec le bébé, tendre et intuitif, la bonté naturelle. Il est la marche de leur antre de survie.
Théologal dans sa pureté. Il est l'homme qui n'attend plus rien du monde. Ils sont dans cette échappée, cercle où la biche est l'emblème de la genèse agonisante. Unique.
La trame spéculative vaut mille vies. Elle retient les gestuelles. Elle sait l'heure de la déliquescence. L'omniprésence de la mort, la dégénérescence.
« Je vais m'installer dans le divan opposé à Farah et j'observe à la dérobée cette femme dompteuse de chaos, observe sa vie qui s'immisce maintenant dans tous les interstices de ma maison. »
Ils sont naufragés. La nature signe peu à peu l'advenir de ces êtres dont la maison, plus qu'un refuge est l'Alcazar. « Se bâtir quelque part où peut rentrer et descendre les épaules. « À la place je regarde Farah dormir sur le divan, en cuillère avec ses enfants. »
Farah et la narratrice déambulent dans la forêt. Toujours en quête de semences, d'essences, de bois craquant sous leurs pas. La biche happe leurs présences, cherche, elle aussi, un point d'appui dans ces miraculeuses connivences.
Le périple est un havre de verdure, salvateur. Sylvestres et conscientes de la fin du monde.
« Elle avait lu Margaret Atwood, et depuis quelques années elle observait, un rire jaune coincé dans la gorge, la réalité se lover dans la silhouette terrifiante de la fiction. »
« Avant de brûler » est un livre qui tresse la lecture à voix haute. L'écoute en veillée dans ce qui va advenir. Ce grand texte cardinal de Virginie DeChamplain qui honore la féminité, la solidarité-soeur, la biche, parabole d'un même coeur, l'union dans le délitement du monde vivant. Ce livre est une ode à la nature. Un texte fascinant d'empathie. Un lanceur d'alerte. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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Non ce n'est pas déprimant. Je n'ai pas lu La Route (honte à moi!!!) donc je ne peux pas dire si c'est le pendant féminin de ce récit. Ici, ce je peux dire c'est que c'est charnel, chaleureux et en même temps glaçant. C'est parfois dur mais à côté de cela tu as des moments d'une poésie magique. Un roman à découvrir d'urgence. C'est beau à pleurer. Un roman québécois, le deuxième de l'auteurice, un monde qui pourrait être le nôtre d'ici peu. J'en sors à l'instant toute bouleversée. Bon j'arrête là. 😉
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L'une a survécu à un incendie (avec ses enfants), l'autre à une inondation (avec un presqu'inconnu). Toutes les deux se rencontrent, tous ensemble ils se retrouvent au coeur de la forêt, depuis laquelle les observe un animal.
Pour reprendre pied il leur faudra réapprendre la faune, la flore, le rythme des saisons, la douceur des peaux, comment dire et quoi se dire, entre survivants faire famille et avancer.
C'est avec une sublime langue venue de chez nos amis les québécois, une plume urgente de poésie et brûlante de beauté que Virginie DeChamplain signe un nouveau roman d'après le monde.
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critiques presse (3)
LaPresse
24 avril 2024
Virginie DeChamplain nous offre Avant de brûler, un deuxième roman qui confirme son talent.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaLibreBelgique
23 avril 2024
La Québécoise Virginie DeChamplain signe un roman gorgé d'humanité autant que de sensualité.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeDevoir
08 avril 2024
Virginie DeChamplain livre un récit d'anticipation apocalyptique ancré dans le territoire.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Elle attendait. Que je lui dise à voix haute que je voulais faire la paix. Mais je voulais pas faire la paix. J’avais envie qu’on baise enragées, de baiser orages et ruines, de baiser ongles et morsures. J’avais envie de la sentir en vie et brûlante, j’avais envie d’arracher et de recoudre plus tard, de sentir ses mains malaxer mes fesses, sa langue remonter ma colonne, ses doigts gelés mais sûrs plonger dans mes sous-vêtements et me toucher furieusement, en cercles mouillés et insistants, sa respiration dans mon cou aussi affamée que ses doigts, envie qu’elle me touche avec sa magie de sorcière, pour que j’aie pas d’autre choix que de venir en criant vraiment fort. Qu’un son guttural s’échappe de moi, qu’on l’entende jusqu’au village en bas de la colline, un son pour réveiller la terre et tous ses morts.
Elle attendait, à quelques atroces centimètres derrière moi, et je tremblais, mais pas de froid, je tremblais de la vouloir trop et qu’elle me refuse sa furie. C’était mon lieu, mais elle en faisait ce qu’elle voulait.
Elle en ferait toujours ce qu’elle voulait.
La galerie est six pieds sous mer, maintenant. Probablement attendrie par les algues et les limnories, charriée au loin par les bas-fonds. Je sais pas si elle rôde encore, si elle y retourne parfois pour m’attendre. Si sa peau s’est couverte d’écailles et si ses mains palmées caressent d’autres monstres marins. Si ses dents pointues se plantent dans d’autres fesses, si sa langue donne du plaisir à d’autres. J’espère pour elle. La vie est trop courte pour la passer seule.
(pp.150-151)
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On leur avait dit de rassembler ce qui leur restait, de se diriger par n’importe quel moyen disponible vers la frontière.
Ce qui leur restait.
Ce qui lui restait ?
Comment met-on, dans une valise, le reflet du soleil dans la cage d’escalier les après-midi d’été, les plans abandonnés pour rester au chaud sous la couverture, les soupers de famille, les crises de coups de pied au plancher, les émissions pour enfants du dimanche matin, la musique en sourdine et les verres de vin qui font danser ?
Où est-ce qu’on mettait ça, tout ce qui lui restait ?
Dans les décombres de sa maison quelque chose la tirait. Une main minuscule essayait de se glisser dans la sienne. De se frayer un chemin dans ses doigts figés. Des petites racines poisseuses de sang et de poussière. Sa fille. Son fils peut-être. La main de Farah a serré la main minuscule. Elle l’a cachée, l’a fait disparaître. L’air sentait le pin blanc et la terre humide et c’est tout ce qu’elle parvenait à protéger pour l’instant.
(pp.17-18)
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Je me secoue. Maintenant la vie est ici. Dans cette craque en dehors du temps où j'habite avec Marco et Django, mon chien. Et un chat qui vient et repart quand il veut. Un chat venteux, un chat-tempête avec un oeil en cicatrice. Marco l'appelle Sac à puces. Il le menace du bout du gun quand il miaule tard des fois le soir. Mais je sais qu'il tirera jamais. Moi je l'appelle rien parce qu'il appartient à personne.
On nomme pas les choses qui nous appartiennent pas.
(pp.11-12)
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Vidéo de Virginie DeChamplain
Au programme de cet épisode, deux livres, écrits par des femmes (oui, oui, il y en a plus que vous ne le pensez) et qui traitent de la figure maternelle dans leur vie. A travers le deuil avec "Les falaises" de Virginie Dechamplain (éditions La Peuplade) et à travers une enfance mouvementée et chaotique avec "Basse naissance" de Kerry Hudson (éditions Philippe Rey)
Générique et sound design : Gampopa
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