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Citations de Virginie Deloffre (76)


L'espace est du domaine du mystère, Léna. Pour l'approcher, c'est un peuple de rêveurs et de fous comme le nôtre qu'il fallait. Nous avons rempli le récit de noms secrets et de personnages fantastiques, nous en avons fait une légende. Et si on me propose de déposer un tout petit mot sur l'une des pages, tu crois que je pourrais refuser ? Nous appartenons à cette histoire, c'est elle qui nous choisit. Ecoute-la si tu cherches des réponses.
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Il s'en était plutôt bien tiré avec cette mutation dans un trou et une restriction de déplacement. C'était une histoire commune que la sienne, même à cette époque où la dissidence était à peine naissante. Celle d'intellectuels, mais aussi de gens de toute sorte, qui n'arrivaient pas au minimum d'hypocrisie ou d'indifférence requis pour survivre. (p. 58)
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Chez nous les Soviétiques, un homme seul ça n'existe pas. On va aux réunions des pionniers, des komsomols ou du Parti, on a son collectif de travail, on fait la queue, l'été les gens des villes s'en viennent aux maisons dans les brigades, on est toujours ensemble, quoi ! C'est une maladie qu'ils ont à l'Ouest ça la solitude, paraît que ça s'est propagé chez eux comme une véritable infection, mais chez nous c'est une rareté. (p. 56)
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Te rappelles-tu, mon oncle, quand tu partais pour tes relevés topographiques et que tu m'enmenait avec toi pour plusieurs jours. Nous allions vers le nord. Tu m'avais fabriqué des skis. Le soir tu montais la tente et tu étendais pour moi une peau de renne dans laquelle j'arrivais à m'enrouler toute entière. Il y faisait bon. Quand on revenait, Varvara se précipitait sur moi pour m'examiner le nez, les joues, les orteils. Elle me déshabillait, me frictionnait sans cesser de brailler: " C'est-y des idées de camper sur la neige avec une gamine de huit ans par des moins trente ! Attendez voir que je lui trouve la moindre petite engelure, je vous dénoncerai à la cellule... Je vous ferai expédier dans les mines de la Kolyma !"
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Mon petit, c'est toi qui as raison. Elle est incroyablement belle de là-haut, incroyablement belle et ronde. C'est pour cela qu'ils partent. C'est notre Mère la Terre humide, elle nous a donné la vie, elle nous a nourri et elle seule nous console quand il ne reste plus rien d'autre. Ell gémit sous l'assaut des tempêtes, elle tremble quand ses entrailles s'agitent. Elle crie désormais sous la violence des hommes qui prétendent la ployer. Mais elle murmure aussi, certains clairs matins d'été où l'air embaume, elle murmure à chacun que tout est vain, que rien n'existe sauf cette instance de lumière et de douceur, qu'à elle nous retournerons en poussière et qu'elle nous accueillera sans racune dans ses bras moussus.
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Quand nous coulerons, reprit-il, les gens à l'Ouest se réjouiront. Ils le feront sincèrement. Ils ne penseront pas au prix que nous allons payer cette liberté. Avec la façon de faire qui est la nôtre, on peut imaginer le pire. La faillite de l'État, les salaires qui ne seront plus payés, les vieux et les faibles abandonnés à la misère et mourant par millions. Une catastrophe sans nom inaugurée dans la liesse mondiale.
Ils ne verront pas non plus venir la vague souterraine qui les atteindra ensuite. Quand il faudra vivre dans un monde sans illusions ni idéal où l'homme étant définitivement irrécupérable, la seule lutte à proposer consistera à tenter d'encadrer ses méfaits. Quelle violence nouvelle sortira alors d'un tel vide d'espoir ?
Page 169-170, Albin Michel 2011
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Expliqué de cette façon, il ne savait plus que dire. Il n'aimait pas la voir peinée. À un moment ou un autre, la discussion se heurtait à un obstacle infranchissable pour lui : les souffrances d'une génération qui avait effectivement construit de ses mains, à un coût insensé, cet immense État soviétique qui aujourd'hui était là, de guingois peut-être mais debout, grâce à eux. Malgré les tâches noires de ce passé, il aurait fallu une cruauté qu'il ne possédait pas pour piétiner ce morceau d'histoire, renvoyer ceux qui l'avait vécu à l'oubli et au non-sens, ôter à Varia l'espoir que les souffrances humaines vont quelque part, que sa vie de dureté avait servi à quelque chose et aplani la route, au moins un peu, pour les petits drilles à venir.
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C'était une histoire commune que la sienne, même à cette époque où la dissidence était à peine naissante. Celle d'intellectuels, mais aussi de gens de toute sorte, qui n'arrivaient pas au minimum d'hypocrisie ou d'indifférence requis pour survivre. Qui ne pouvaient se résoudre à ce que certains mots qui avaient éclairé une génération fussent devenus des coques creuses, ânonnées à longueur d'éditorial de L'Étoile rouge ou lors des innombrables réunions qui encrassaient la vie quotidienne. Qui n'arrivaient pas à renoncer. Des idéalistes, ahuris par le visage qu'avait pris le paradis promis mais sans illusions sur l'Occident, à qui il ne restait que le désespoir.
Page 58, éditions Albin Michel, 2011 (impression en 2012)
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Mais je sais comment ils reviennent. Je sais comment ils sont après, cet air absent, les yeux vides qu'ils ont. Ils on vu ce qu'on n'a pas le droit de voir et plus rien ne peut ranimer leur regard. Oh j'imagine comme elle est belle de là-haut, comme elle est bleue ! C'est pour cela qu'ils partent, n'est-ce pas ?

Mais c'est défendu. L'homme est enchaîné à notre Mère la Terre humide, comme nous l'appelons en russe. Elle le serre, elle le tient plaqué contre elle par une force invisible. Celui qui s'en arrache pour aller contempler sa beauté nue est un banni. Il reviendra de ce voyage avec des yeux éteints, brûlés par les couleurs qui n'existent que là-haut et les seize couchers de soleil par jour. Il errera parmi nous habité de visions inaccessibles, avec un coeur mort que la nostalgie a empoisonné pour toujours. C'est ainsi que la Terre punit ceux qui échappent à son étreinte.

On ne revient pas de là-bas. On me rendra une enveloppe vide. On me rendra une ombre. Que vais-je devenir ?
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L'espace est du domaine du mystère, Léna. Pour l'approcher, c'est un peuple de rêveurs et de fous comme le nôtre qu'il fallait. Nous avons rempli le récit de noms secrets et de personnages fantastiques, nous en avons fait une légende. Et si on me propose de déposer un tout petit mot sur l'une des pages, tu crois que je pourrais refuser ? Nous appartenons à cette histoire, c'est elle qui nous choisit. Ecoute-la si tu cherches des réponses.
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Je ne sais si Tolstoï a raison. Peut-être que les familles heureuses n'ont pas d'histoire. Il a omis d'ajouter que le malheur absolu n'en a pas non plus.
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- Varia, qu'est-ce qu'il se passe quand on a perdu son âme ?
- Eh bien... c'est difficile à expliquer. On s'agite, mais pour rien. Chez les Nénètses, on raconte que l'âme détachée se met à courir en tous sens à travers la toundra. Elle erre seule, abandonnée. On a beau l'appeler, elle ne revient pas, elle ne reconnaît plus son propriétaire. C'est ce qui est arrivé aux gens du monde libre à mon avis, c'est la raison pour quoi ils se remuent comme ça toute la journée. Ils courent à la poursuite de leur âme. Et comme ils n'arrivent pas à la rattraper, forcément ils s'arrêtent jamais.
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Je savais bien qu'il voulait la lune, mais je croyais pouvoir l'être pour lui puisqu'il l'était pour moi. Je la connais aussi la ligne d'horizon, je l'ai aimée autant que lui. (...) Mais je n'ai jamais voulu l'attraper ni la posséder ! Il me suffit qu'elle existe. Que vais-je dire à Macha et aux autres ? Que je suis jalouse de l'univers ? Qu'il me trompe avec les étoiles ? Je vais tout perdre. J'ai déjà perdu la paix. Il y a en moi des sentiments que j'ignorais auparavant et que je hais. La colère par exemple, c'est une sensation affreuse, c'est noir et tordu avec des pointes qui dépassent et cela enlaidit tout. L'angoisse. L'angoisse est terrible parce qu'elle fait bouger. On se lève, on marche en rond dans la pièce mû par un besoin sans objet qui ne peut être assouvi. Il n'y a plus d'immobilité possible avec elle.
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C'est pas un nom pour mourir ça, Königsberg. Ca vous racle la gorge, on dirait un crachat puis un rot s'ensuivant. Je suis bien reconnaissante à Staline qu'il a rebaptisé ça Kaliningrad par la suite. Maintenant c'est à Kaliningrad qu'il est mort mon Victor, ça sonne quand même plus joli, non ? Kaliningrad... on dirait des clochettes d'enfant qui résonnent dans la forêt. On doit y reposer tranquille et en douceur, il me semble...
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Quitte-t-on jamais la toundra ? Souvent il s’était demandé quelle trace avait laissé en Léna sa filiation avec les Seigneurs de l’hiver. Que lui racontait sa mère qui s’était arrêtée un jour au village de Salekhard pour épouser un Russe, mais avait toujours regretté sa vie d’avant la tente ? Peut-être avait-elle gardé pour toujours dans le regard la nostalgie de ces images que lui-même, simple passant, n’avait pu oublier. Que lui chantait-elle ? Le sifflement du lasso dans l’air brillant, le ciel s’illuminant dans la nuit profonde de l’hiver quand s’allument les aurores boréales et leur ballet de lumière… Ou le cortège des traîneaux en marche sur la neige étincelante, et l’immensité blanche de l’espace droit devant soi abolissant la durée… Est-ce pour cette raison qu’en Léna le temps ne semble pas s’écouler ? Est-ce cela qui l’a rendue bizarre cette petite ?
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C'est que la langue c'est comme les chaussures, ça ne s'use point pardi!
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Qu'est-ce qu'une centaine d'années pour un peuple millénaire qui a survécu au climat le plus extrême de la planète?
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Paraît que ça existe le scorbut des âmes.Quand on s'étiole par manque de substance de l'intérieur...
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L'absence de Vassia,je la connaît bien,elle n'est pas ainsi.Elle ne fait pas de bruit et elle n'a pas d'odeurs.Elle me prend par la main,m'attire près de la fenêtre.
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J'ai lu quelque chose là-dessus dans un des livres de Dimitri:le problème en Russie,qu'y avait écrit,c'est que 5000 kilomètres séparent une idée de la suivante.
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