Citations de Virginie Troussier (28)
Faire confiance à ceux qui nous font confiance.
Faire œuvre avec ce qui devrait vous anéantir est une des beautés de l'alpinisme. Jaeger se donne tout entier, il rejoint les mystiques par ses rafales intérieures, par sa volonté de s'attaquer à l'invraisemblable, d'aller au-delà, sans reculer devant aucun danger. Son cœur bat comme un fou, avec acharnement. La précipitation de ce cœur. La furie de ce cœur. Cœur forcené. Bérardini y voit l'immédiateté de la vie, l'engagement exclusif. Jaeger n'a rien d'un héros ; il ne surpasse pas les qualités d'un homme, mais il ne garde rien pour lui.
La recherche d'adrénaline est une réalité mais il faut aussi savoir la contrebalancer par l'écoute de soi.
Le mythe du windsurf prend corps en 1986, avec la retransmission en direct et en national, pour la première fois, de l'épreuve de Coupe du monde qui se déroule à la pointe de la Torche, en Bretagne.
Je navigue pour atteindre, par le corps, le noyau le plus préservé de ma propre sauvagerie. Je me rapproche d'un moi brut et poli, comme les pierres roulées par l'océan.
Je me demande pourquoi j'écris. Je crois qu'il ne faut pas trop se poser la question, et sûrement ne jamais trouver la réponse définitive.
Dans le magazine " Alpes magazine " N° 194 mai/juin 2022.
L'homme intime ne dit rien. Les mots qu'il peut prononcer sont imprécis par rapport à ce qu'il ressent. Rien n'est facile à extraire, les couleurs de l'âme, les nœuds de l'estomac ne sont pas conjugales.
p98
L'instant relie tous les épisodes de leurs vies d'alpinistes comme si la chronologie n'était plus linéaire mais étoilée.
Les visages de Pierre Kohlmann, d'Antoine Vieille, de Robert Guillaume, d'Andrea Oggioni resteront toujours jeunes, ils vivront parmi eux, en eux. Nous vivons avec nos disparus, et cette relation est l'une des choses les plus profondes qu'il nous soit donné de vivre.
Savoir que l'âme de leurs compagnons perdurera au creux des sommets les réconforte. La peau de leurs amis fait corps avec le monde. Le lieu ultime n'est pas la tombe mais la montagne. Seuls les lieux restent à la fin, à la fin de tout, ils continuent, ils persévèrent avec les âmes de ceux qui les ont traversés, ceux qui y sont restés.
Ils comprennent alors qu'il faut accepter le mystère, renoncer à cette quête épuisante d'un pourquoi qui n'existe pas, sortir de cette nuit.
Revenir ne signifie pas seulement reconnaître les siens, reprendre la place que l’on occupait avant. Être de retour, c’est autre chose : c’est être pour toujours, à la fois ici et là-bas, maintenant et hier.
Nos vies d’en bas sont fermées sur leur intimité, protégées des sensations qui en dissoudraient le confort. Ces montagnards ont l’habitude de faire un pas de côté, un seul pas qui les dispose à tout sentir. Et déferlent alors, jaillis de la même source, le ravissement et l’incertitude.
Le montagnard s’accepte vulnérable, il mise tout sur une hauteur qui l’a saisi. Attiré par la peau de la Terre, l’épiderme des sommets, il s’engage pour le plaisir de se fondre dans les éléments, le ciel, le jour et la nuit, les gestes continus, la paroi striée de lignes qu’il faudra suivre comme les lignes de la vie même. Ce qu’il engage avec la montagne n’est plus seulement combat ou possession, mais étreinte, corps-à-corps et dialogue. Il visualise une ligne, un mouvement, une trajectoire, une expérience. Il sculpte le sommet à son image. Là-haut, en orbite, on prend la lumière autrement.
Rien ne me fascine plus, ne me projette réellement hors de moi, que le geste d'un sportif de haut niveau. Quelque chose éclate, tant il y a d'énergie et de beauté mêlées. Une fulguration d'une puissance à vous flanquer par terre, qui n'a nul précédent et ne se répètera jamais plus.
A chaque départ, il y a ces quelques secondes qui perlent sur les tempes, un temps infime suspendu au-dessus du vide et de l'inconnu, des tremblements qui traversent, le sang qui se disperse en rafale, un peu d'âme qui butte contre les dents et la poitrine qui se dilate.
L’attention se focalise sur Bonatti. L’immense Bonatti.
La beauté, il faudrait pouvoir se la greffer dans le corps, s’en emplir.
Mais c’est humain : quand on a perdu un fils ou un frère dans un drame, on regarde avec un mélange d’envie et de ressentiment le compagnon qui se trouvait avec lui et qui est revenu sain et sauf. Malgré cela, Bonatti en a été douloureusement frappé, et comme atterré.
Dino Buzzati
Esprit de compétition ? Pas seulement. Les premières attirent. Faire une première en montagne, c'est passé où personne n'est passé, où personne n'a réussi à passer, toucher ce que personne n'a touché. Éprouver au plus intense le froid, la peur, la variété de la lumière, s'affranchir de tout ce qui est connu, sûr, topographié, aller vers le paysage pareil à de l'os, attraper la matière des pics, leur froncé, leur grain.