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Critiques de Walter Bonatti (15)
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Montagnes d'une vie

Parmi les alpinistes qui me font rêver, Walter Bonatti tient une place toute particulière, parce qu'il a été un extraordinaire grimpeur, mais aussi parce que j'éprouve une grande admiration pour l'homme.

L'éditeur Michel Guérin le dit dans sa postface : "Bonatti est un mythe pour les alpinistes du monde entier." Oui, Walter Bonatti est un mythe : un mythe parce qu'il a accompli des ascensions fantastiques, un mythe parce qu'il était lui-même un homme exceptionnel. Pierre Mazeaud l'écrit dans sa préface : "Pour moi, il est assurément le plus pur de tous."

"Pur" est bien le mot qui convient : Bonatti était un puriste, un véritable amoureux de la montagne, respectueux de la nature, qui ne cherchait pas l'exploit pour l'exploit, mais pour qui chaque nouvelle course n'était pas une confrontation mais une communion avec les éléments.

La carrière d'alpiniste de Walter Bonatti est riche de nombreuses prouesses et pourtant, la vie ne l'a pas épargné. Ayant très jeune montré des capacités hors-norme, il fit partie à seulement vingt-quatre ans des alpinistes sélectionnés pour constituer l'équipe italienne chargée en 1954 de conquérir le K2, deuxième plus haut sommet de la planète. Les Italiens réussirent, le K2 fut vaincu. Mais l'expérience fut amère pour Bonatti qui subit trahison et mensonges de la part des "vainqueurs", une épreuve douloureuse qui le laissera changé à jamais et qui le détournera pour toujours des grandes expéditions, ne le faisant s'investir que dans des projets en solitaire ou avec un petit nombre d'amis fiables, triés sur le volet. (Si ce sujet vous intéresse, je vous conseille "L'affaire du K2" du même auteur.)

Dans le chapitre consacré au K2, Bonatti conclut en disant : "Cela marque d'une façon indélébile l'âme d'un jeune homme et déstabilise son assiette spirituelle encore insuffisamment affermie." Si cette sordide affaire l'amena à tirer un trait sur une certaine forme d'alpinisme, Walter Bonatti eut une carrière riche d'ascensions extraordinaires aux quatre coins du monde. Ce livre, dans lequel il nous les raconte, en témoigne.

Je ne vais pas vous faire la liste, année après année, de ses exploits : vous trouverez tout dans ce livre très complet dans lequel, à travers des récits d'alpinisme, Bonatti se raconte avant tout. Sa façon de vivre la montagne, son avis sur telle ou telle pratique, sur l'évolution des techniques et des mentalités. C'est passionnant.

Les récits des différentes ascensions sont fascinants. Walter Bonatti est un excellent conteur. Il sait restituer les différentes sentiments qui le traversent : la peur, le découragement parfois, l'exaltation, la joie pure et intense lors de l'arrivée au sommet. Bonatti raconte les conditions météorologiques difficiles, les bivouacs tantôt agréables tantôt laborieux et exténuants, les voies risquées, les décisions difficiles à prendre, les joies et les peines, les réussites et les échecs, les accidents et les pertes douloureuses des compagnons de cordée.

Si le récit est la plupart du temps sérieux, tour à tour descriptif et introspectif, Walter Bonatti ne manque pas d'humour, comme à la fin du chapitre consacré à la mythique face nord des Grandes Jorasses. Après une ascension difficile, qui a nécessité sept bivouacs, dans des conditions souvent peu confortables et peu reposantes, l'alpiniste rentre chez lui : "J'appelle un taxi qui me ramène chez moi. C'est le comble : là non plus, personne ne m'attend. Pendant une bonne heure, je reste enfermé à l'extérieur, devant la porte : c'est là mon huitième bivouac."

L'émotion n'est pas en reste, présente naturellement dans tous les récits et en particulier dans le chapitre "Adieu, alpinisme" dans lequel Walter Bonatti explique les raisons qui l'ont poussé à prendre la décision d'arrêter de grimper. Il ne va pas pour autant mener une vie de sédentaire, bien au contraire ! Il va parcourir le monde en tous sens et s'exprime ainsi : "Mon choix n'est pas une trahison envers la montagne, mais l'intégration de mon amour pour la nature tout entière."

Montagnes d'une vie est un livre magnifique, surtout dans l'édition Michel Guérin, dans laquelle le texte est enrichi de photos soigneusement choisies : Michel Guérin est allé lui-même chez Bonatti et le choix des photos s'est fait à deux.

Montagnes d'une vie est un livre-témoignage d'un alpiniste de légende.

Walter Bonatti a vécu une vie extraordinaire. Une vie pleine, riche d'aventures et de rencontres. Il a su tirer profit de chaque expérience, positive ou négative, pour apprendre, réfléchir et devenir l'homme rare qu'il était. Pierre Mazeaud dit de lui dans la préface : "Pour moi, Walter est sans doute un héros de légende mais c'est avant tout un homme de vérité qui a tout simplement du coeur."

Si vous voulez en apprendre plus sur Walter Bonatti, je vous conseille la video suivante : https://www.youtube.com/watch?v=5l6sB-WfoG8. Mauro Scardovelli y raconte d'une façon vivante (en italien) quelques anecdotes très révélatrices de la personnalité de Bonatti.
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Terres lointaines

"Mon choix n'est pas une trahison envers la montagne, mais l'intégration de mon amour pour la nature tout entière."

C'est avec ces mots (extraits de son ouvrage Montagnes d'une vie) que Walter Bonatti explique son choix de vie : après avoir brillé dans l'alpinisme extrême, le grimpeur italien décide d'arrêter de s'attaquer aux parois verticales pour se consacrer à l'exploration horizontale de la planète.



Pendant de nombreuses années, il va parcourir le globe, sillonner tous les continents, cherchant moins l'aventure que les rencontres et la communion avec la nature.

La quatrième de couverture nous informe que l'auteur "cherche à rétablir avec la nature une harmonie perdue, en faisant appel aux instincts primitifs de l’homme que la civilisation urbaine n’a pas encore totalement effacés" et c'est tout à fait ce que l'on va trouver dans ces pages.



Les sens toujours en éveil, Walter Bonatti est un fin observateur et il partage ici ses périples les plus marquants.

Intelligent, cultivé et l'esprit ouvert, il nous offre des récits riches et variés dans lesquels se mêlent géographie, géologie, histoire mais aussi émerveillement et admiration devant les beautés de notre planète.

L'aventurier italien raconte avoir toujours rêvé, devant les paysages de son enfance ou lors de nombreuses lectures effectuées à l'adolescence, et ses différents récits montrent qu'il a réussi à transformer ses rêves en réalité.



Volumineux, le texte n'est pas lassant du tout parce qu'il offre une alternance de narrations, de descriptions et de réflexions pertinentes.

Comme à son habitude, Walter Bonatti écrit très bien, dans un style assez soutenu mais pas lourd du tout. Il sait également faire preuve d'humour ou de poésie à l'occasion. Et d'originalité presque constamment.

Je vous laisse déguster ce passage dans lequel il raconte son séjour chez une tribu masaï : "Pour ne pas froisser [...] le chef de la tribu qui m'hébergeait, j'avais fini par me nourrir du même aliment qu'eux, à base de lait fermenté dans du sang de bœuf. Mais il ne me fut pas facile de m'en accommoder." Miam !



La variété des expériences est époustouflante et fait prendre conscience d'une façon tangible de la diversité des modes de vie sur terre ainsi que de l'extraordinaire richesse de la faune et de la flore.

Écrit en 1997, ce livre témoigne d'une conscience écologiste aiguë.

De l'écologie véritable, celle qui prône le respect de la nature et des êtres vivants qui l'habitent. Pas celle qui vous impose des voitures électriques dites "propres" dont les batteries sont de grandes consommatrices de métaux extraits grâce à l'exploitation d'enfants (voir premier lien en fin de critique). Pas celle qui couvre nos paysages d'éoliennes au rendement douteux (sauf pour les industriels qui les vendent et les implantent) et dont la fabrication n'est pas écologique du tout (voir second lien en fin de critique).



Walter Bonatti nous dit : "Je peux dire que j'ai passé une grande partie de ma vie au contact des plus authentiques et des plus fortes manifestations de la nature. Au cœur de l'action, affrontée le plus souvent dans la solitude, et toujours en tout cas en me tenant à l'écart d'une quotidienneté sociale chaotique et étouffante, j'ai souvent éprouvé la nécessité de m'interroger, de méditer sur certaines choses. Avant tout sur le besoin qu'a l'homme de retrouver sa dimension d'être humain, dont il est dans une certaine mesure sorti, et sur l'obligation, pour tous, d'adopter une attitude respectueuse face à la grandeur et à l'unicité de la nature. Tel est le message que je souhaite transmettre à travers le récit de mes expériences."



Message reçu !



Walter Bonatti décrit en ces termes la première ville rencontrée après de multiples jours passés dans le monde dit sauvage : "c'est le visage de la civilisation, séduisante et pourtant décevante. C'est le débarcadère du réel."

Voilà exactement le sentiment qui est le mien, de retour dans la "vraie vie" après avoir refermé ce livre enchanteur qui m'a fait voyager et voir tellement de merveilles !



Je recommande cet ouvrage à tous les amateurs d'aventures : il vous fera voyager et rêver, et vous donnera peut-être envie de partir à votre tour à la découverte (respectueuse) des richesses cachées de notre environnement.



https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/dossier-pour-nos-batteries-de-smartphones-ou-voitures-des-enfants-creusent-en-afrique-6971213



https://www.francebleu.fr/infos/environnement/les-eoliennes-sont-un-scandale-ecologique-et-financier-assez-grave-1571678618

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Montagnes d'une vie

Nastie92, Pierre Mazeaud, Michel Guérin et même Dino Buzzati sont enthousiasmés par ce livre et par Walter Bonatti.

Moi, un peu moins. Mazeaud écrit : « Que Walter Bonatti soit l'un des plus grands alpinistes de la lignée des Comici, Cassin, des Preuss, Heckmair, comme des Allain et Terray, personne n'en disconviendra. Mais pour moi, il est assurément le plus pur de tous. Ses réussites exceptionnelles, la joie et la fierté qu'il en retire ne sont rien aux côtés de ses échecs et de la douleur qu'ils ont entraînée, blessure qui ne cicatrisera jamais ». Et je suis complètement d'accord.

L'ennui, c'est que cette blessure, aggravée par les polémiques (certaines compréhensibles, d'autres créées par des incompétents et probablement par des malhonnêtes) aigrissent ce grand alpiniste et son livre.



J'ai vraiment aimé les descriptions des ascensions, qu'elles se soient terminées dans le bonheur ou la tragédie. Quelques pages de magnifiques descriptions m'ont également touché. Bonatti ne parle pas de sa vie (mais ce n'est pas son premier livre), mais ce qu'il dit de ces montagnes choisies et de la façon dont il les a vécues suffit à mon bonheur.



J'ai ensuite été perturbé par l'explication du renoncement de Bonatti à l'alpinisme de haute difficulté, à l'âge de 35ans. Il n'était pas tenu de justifier son choix, mais l'amertume de son explication m'a fait mal (pardon, Bonatti, bien moins qu'à vous, bien sûr) : « Je vis depuis des années dans une ambiance accablante, qui touche aux limites du supportable. Il n'y a pas autour de moi cette atmosphère amicale qui engendre la sérénité. L'autodéfense énervante à laquelle j'en suis réduit m'use et me démoralise. Je déteste jouer les victimes, mais c'est la vérité. En conclusion, ce n'est pas la montagne qui m'a déçu et lassé, mais l'opacité, la bêtise et l'étroitesse de vue d'un certain « clan » avec lequel j'ai toutefois essayé de maintenir des rapports au moins formels. Aujourd'hui cependant je ne suis plus disposé à le faire. »

Je suis gêné par ce sujet, et par ce qui est dit : pas de noms, peu de faits précis, et même si Bonatti était un pur, il a été lié à des drames, et à une certaine forme de compétition, à beaucoup de publicité. Il était un homme public, et c'était aussi son choix ; il critique le sponsoring, mais a aussi bénéficié du soutien des media.

Un autre aspect qui m'a gêné est sa défense, polémique, de son style d'escalade. Oui, il a voulu aller jusqu'au bout des moyens traditionnels, jusque dans l'escalade artificielle, et je comprends qu'ils soit choqué que l'arrivée en montagne du tamponnoir puis du perforateur fausse complètement les comparaisons. Faut-il pourtant rejeter tout ce qui n'est pas sa méthode ? La règle du jeu est arbitraire et évolutive, ses prédécesseurs ont refusé les pitons d'assurance, les crampons à pointes avant, la progression en s'aidant des pitons etc. Personnellement, une voie protégée en perçant des trous, mais gravie sans aucun point d'aide ne me choque pas plus que les lancers de corde de Bonatti. A condition bien sûr de ne pas comparer les exploits des générations différentes. Mais pourrait-on les comparer quand de toute façon la connaissance du terrain, l'amélioration des moyens de communication et de secours, et le matériel ont fait disparaître la prise de risque et l'aventure de nos aînés (sauf peut-être sur quelques parois au bout du monde (voyez ce film incroyable : Meru)).



Lisez pourtant ce livre (si possible dans la magnifique collection rouge des éditions Guérin, en grand format avec les photos ajoutées et quelques compléments), les premiers chapitres sont enthousiasmants, et il y a ensuite des pages tragiques, bien écrites et parfois même humoristiques, que je vous recommande chaudement. Faites confiance à la critique de Nastie, elle dit l'essentiel.

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L'affaire du K2

La montagne, l'air pur des sommets, les alpinistes nobles et passionnés, que c'est beau !

Sauf que, certaines fois, l'histoire n'est pas si pure, si noble et si belle. Et cette affaire du K2 en est une illustration.

"Cette nuit-là, j'aurais dû mourir..." écrit Walter Bonatti. Et il ne mâche pas ses mots : "homicide raté", "faux historique", mensonge d'État". Mais que s'est-il donc passé qui justifie une telle virulence ?

Ce livre n'est pas un roman, c'est une compilation de choses diverses telles que le récit de Bonatti, les éléments du procès (parce que cette affaire sordide a débouché sur un procès en diffamation, que Bonatti a gagné), puis différents documents, lettres, témoignages, qui donnent l'éclairage final. Ce n'est pas une histoire d'alpinisme, mais une affaire juridique, et surtout une lutte acharnée de la part de Bonatti pour faire éclater vérité.

Le début est un peu confus, mais les différents éléments qui suivent permettent petit à petit de bien comprendre l'affaire et de se faire une opinion.

Où ? Qui ? Comment ? Et surtout, pourquoi ? Bonatti raconte tout, explique tout. Et la vérité est saisissante. Mais attention, ce n'est vraiment pas beau à voir.

Où ?

Le K2 est la seconde montagne du monde par la hauteur, mais première par sa dangerosité. Située au Pakistan, sa géométrie en fait un sommet bien plus difficile à gravir que l'Everest.

Qui ?

Des Italiens. En 1954, soit un an après la conquête de l'Everest, une expédition menée par le géologue-alpiniste-explorateur Ardito Desio s'attaque au K2.

Comment ?

Après des semaines de travail acharné pour établir les camps I à VIII, Achille Compagnoni et Lino Lacedelli sont désignés pour l'assaut final. Pour cela, ils doivent établir le camp IX, et y attendre les grimpeurs chargés de leur apporter l'oxygène indispensables pour la dernière étape. C'est Walter Bonatti, et un porteur pakistanais, Mahdi, qui sont choisis pour monter les précieuses bouteilles. C'est une tâche essentielle pour la réussite de l'expédition, mais terrible : l'altitude rend les moindres mouvements épuisants, le terrain est particulièrement difficile, et la charge affreusement lourde.

Les deux hommes ne ménagent pas leurs efforts, et à la tombée de la nuit arrivent à l'endroit convenu. Et là, tout bascule. Compagnoni et Lacedelli ne sont pas là : pas de tente, aucune trace. Bonatti et Mahdi appellent, s'époumonent longuement, et finissent par obtenir une faible réponse venue de plus haut leur intimant de laisser sur place les bouteilles et de redescendre... puis plus rien. Injonction totalement insensée : il fait nuit, et la descente n'est pas envisageable, elle serait suicidaire.

Abandonnés par Compagnoni et Lacedelli qui restent cachés et muets dans leur tente, Bonatti et Mahdi n'ont pas d'autre choix que de rester sur place. Bonatti, à l'aide de son piolet, taille une minuscule plateforme où les deux hommes vont se poser et passer la nuit. Sans aucun équipement, sans aucune protection, sans vivres. Un bivouac forcé à plus de huit mille mètres, dans des conditions (température, vent) inhumaines.

Le récit de cette nuit est littéralement glaçant. C'est une lutte de chaque instant pour survivre. Il n'est pas question de dormir : tout endormissement serait fatal. Que les heures s'écoulent lentement ! Les deux hommes s'en sortent miraculeusement mais ne sont pas indemnes : Mahdi, victime de gelures, devra subir à son retour plusieurs amputations, quant à Bonatti, si sa constitution spécialement robuste et son entraînement hors-normes lui ont permis de s'en sortir sans dommages physiques, il restera marqué à tout jamais. On le serait à moins. "Un fait tel que celui-là marque d'une façon indélébile l'âme d'un jeune homme et déstabilise son assiette spirituelle encore insuffisamment affermie."

Pourquoi ?

Quelle raison a bien pu poussser Compagnoni et Lacedelli à abandonner Bonatti et Mahdi et à leur faire risquer leur vie dans un bivouac qui reste le plus (tristement) célèbre de l'histoire de l'alpinisme ? Aucune raison valable ! Rien ne peut justifier ces actes. On peut légitimement penser qu'ils voulaient être certains de ne pas avoir de concurrence pour l'assaut final : ils craignaient sans doute Bonatti, jeune grimpeur talentueux et plein d'énergie. On comprend bien que celui-ci parle d'homicide raté. Non, ses mots ne sont pas trop durs.

Je vous avais prévenus que cette affaire était bien vilaine... mais attention, ce n'est pas fini.

Les Pakistanais, furieux de voir ce qui est arrivé au porteur Mahdi, exigent des explications. Et c'est là qu'arrive le nauséabond.

Le succès de l'expédition (car Compagnoni et Lacedelli sont parvenus au sommet, grâce à l'oxygène apporté par Bonatti et Mahdi !) prime avant tout. C'est capital politiquement pour l'Italie qui sort de la guerre et doit redorer son image après les années de fascisme, et c'est important pour l'ego d'Ardito Desio.

La vérité n'est pas belle ? Eh bien, qu'à cela ne tienne : on va la maquiller. Le bivouac forcé, les gelures de Mahdi ? On va tout mettre sur le dos de Bonatti. Comme l'écrira plus tard Robert Marshall : "Pauvre Bonatti... [il] était le bouc émissaire idéal". Eh oui, Walter Bonatti était jeune, naïf et confiant. Il ne s'est pas rendu compte tout de suite de l'ampleur qu'allait prendre l'affaire, et quand il a ouvert les yeux, c'était trop tard. Et c'est ainsi que s'est établie une version officielle de l'ascension qui le mettait en cause, l'accusant d'avoir voulu doubler Compagnoni et Lacedelli dans la course au sommet, d'avoir volontairement bivouaqué loin des deux hommes et d'avoir lui-même consommé de l'oxygène des bouteilles qu'il transportait, mettant en péril le succès de l'expédition.

Ainsi, un jeune homme de vingt-quatre ans qui a tant donné pour la réussite de l'équipe italienne, se trouve doublement trahi : abandonné en pleine nuit par deux alpinistes de son équipe, le voilà ensuite publiquement couvert de honte.

Bonatti luttera sans relâche pour faire rétablir la vérité sur la conquête du K2 et pour faire changer la version officielle erronée. Ce sera le combat d'une vie. Un combat solitaire car Bonatti a été abandonné par tous. Physiquement sur la montagne, mais aussi moralement par ceux de son équipe, par le chef Ardito Desio, par le club alpin italien... par tous.

Quarante ans plus tard, devant des preuves irréfutables exhumées par un médecin australien passionné d'alpinisme (Robert Marshall), qui a voulu faire la lumière sur cette affaire, le comité alpin italien a, du bout des lèvres, consenti à admettre que Bonatti avait joué un grand rôle dans la réussite de l'expédition... mais c'est tout ! Point de révision de la version officielle, pourtant désormais ridicule et dont tout le monde sait qu'elle est fausse. Quant à Compagnoni et Lacedelli, ils n'ont jamais admis qu'ils avaient menti.

Il faudra attendre cinquante ans pour que la vérité soit enfin rétablie. Quel gâchis !

Walter Bonatti est décédé en 2011, à l'âge de quatre-vingt-un ans. C'était un alpiniste remarquable, qui aurai dû avoir une brillante carrière, mais certains en ont décidé autrement.

Son livre est un cri, un cri désespéré d'un homme a qui l'on a refusé la vérité, d'un homme qu'on a essayé de tuer moralement, après avoir essayé de le tuer physiquement lors de cette épouvantable nuit de juillet 1954.

RIP monsieur Bonatti, vous pouvez avoir la conscience tranquille... ce n'est pas le cas de certains autres protagonistes de cette affaire.



Si vous voulez en savoir plus, voici un excellent article paru dans le Monde du 28 août 2001 :

http://www.masse-fr.com/Folie%20du%20K2%20-%203.html
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La montagne étincelante

La Montagne Étincelante est le récit jusque là inédit de l'expédition pas si brillante du CAI (Club Alpin Italien, équivalent du CAF français et du Alpin Club anglais) sur le sommet du Gasherbrum IV, appellé GIV.

Bonatti, le grand alpiniste italien de sa génération et même plus, muselé par les contrats d'expédition, avait écrit ces pages mais ne les avait jamais publiées. Après sa mort et celle de sa femme, le musée d'histoire de la montagne de Turin a qui 250 000 pièces ont été léguées, dresse l'inventaire: stupeur, émerveillement, ces pages ressortent ! Et nous voilà devant.

Le récit est assez conventionnel pour ce genre d'expédition: préparatifs, départ, méandres de l'administration locale, officier de liaison horrible, longue marche pour atteindre le pied de la montagne, établissement des camps et du cheminement, tempête(s) , craintes de la mousson, dissensions dues à l'attente et la fatigue, assaut sommital, et hop, drapeau.

Walter Bonatti est très factuel dans ce récit, son style est remarquable de limpidité, avec quelques formules bien trouvées mais pas d'emphase ou de théâtralité surjouée. Il note et explique la souffrance occasionnée (et supportée) par la désorganisation de l'équipe et de l'expédition, mais relève aussi les efforts de ses camarades et les bons points de l'équipe dont il faisait partie. Pas de grandes disputes justement, simplement des assauts rendus pénibles voire dangereux par le manque de ravitaillement à tous les étages et l'accent mis sur l'apport en oxygène aux dépends de la nourriture !

La descente même est une épreuve puisqu'aucun camp de ne peut nourrir les hommes qui y passent, harassés par les efforts de l'assaut sommital.

Mais Bonatti ne s'érige pas en donneur de leçon et surtout ne jette pas la pierre individuellement, bien qu'à travers les lignes on comprenne que Cassin n'a pas été aux yeux de Walter à la hauteur de son statut.

C'est au retour que les malentendus commencent: articles de presse rédigés par le président du CAI, droits des images tournées cédées à une grande entreprise pour se faire de la publicité, etc, ...

Bonatti et son éthique ne peuvent s'en accomoder ; le contrat de départ l'empêche de dire sa vérité, il sera donc muet et cela brisera ses relations avec le CAI durablement...

Un grand récit donc, d'une ascension qui a mis 30 ans à être répétée tant elle été dure, et de ses suites, un peu minables et obscures dans la fin de l'époque des grandes conquêtes drapeau à la main...
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L'affaire du K2

Walter Bonatti a été marqué au fer rouge par cette ascension du K2 en 1954. De la viendra une des plus belles voies des Alpes jusqu'à son effondrement, le pilier Bonatti aux Drus.

Au K2, il était le plus jeune de cette formidable équipe italienne. Que c'est il vraiment passé? La seule chose certaine, c'est qu'il n'a pas fait le sommet et qu'il s'en sentait capable. Il a ressenti cela comme une injustice.

Walter Bonatti est un champion, un compétiteur. Il n'aime pas perdre. Ce n'est pas de l'orgueil, non, cela a un sens. Il a l'impression de s'être fait floué au K2. Un livre pour nettoyer ce passé douloureux, ce traumatisme.



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Montagnes d'une vie

Ce livre, publié dans la collection "Hors Limite" des éditions Arthaud, incarne à la perfection l'esprit aventureux. Walter Bonatti y partage quelques unes des ascensions marquantes qui ont jalonné sa vie d'alpiniste de l'extrême.

J'ai admiré l'engagement, la technicité, l'ingéniosité de son escalade du Grand Capucin. J'ai compati à sa douleur lors de la tragique retraite du pilier du Frêney. J'ai été impressionné au Mont Blanc, par la magie et la poésie de sa vision de la montagne.

Ces histoires ne dépeignent pas seulement une figure héroïque, malgré l'endurance et la force de caractère de Bonatti. Elles révèlent aussi les faiblesses d'un homme, son orgueil, son ego, que l'auteur laisse transparaître avec sincérité.

Animé d'une volonté remarquable, l'auteur nous invite à poursuivre nos rêves et à mener nos propres aventures, dans une quête peut-être intérieure.



Ce classique de la littérature alpine mérite sa renommée, de part sa dimension terriblement aventureuse, mais aussi par sa capacité à entraîner une réflexion qui depasse le cadre du sujet abordé.

À lire sans réserve, pour puiser de la force et se libérer.
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Montagnes d'une vie

Walter Bonatti, 1930-2011, est un alpiniste italien connu des années 1950-1965. Dans ce livre, il raconte ses ascensions depuis 1951 jusqu’à 1965 puis deux retours en montagne en 1984 et 1986.



Dès le premier chapitre, le ton est donné : Walter Bonatti a un caractère entier, il récrimine, accuse, se défend, se répète et écrit des paragraphes entiers qui dénoncent « ces gens-là », càd ceux qui dénaturent l’alpinisme en utilisant du matériel moderne comme le « spit ».

Ce ton vindicatif pourrait en décourager certains mais moi j’ai bien aimé. J’ai trouvé que Bonatti se livrait tel qu’il était, véhément, honnête, plutôt content de lui, un caractère fort qui cadre bien avec un passionné de montagne.



Il commence par sa performance sur le Grand Capucin. On l’a accusé d’avoir préparé la voie ?! d’avoir abusé des pitons ?! Il s’en défend, nous donne le nombre précis de pitons utilisés (cela m’a fait sourire) et nous décrit le peu de matériel qu’ils avaient à l’époque, lui et son compagnon, deux jeunes alpinistes avec cordes de chanvre et même pas un sac correct.

Quelques chapitres plus loin, rebelotte, Bonatti nous partage son amertume envers l’équipe nationale italienne envoyée au K2 en 1954. Alors qu’il remontait de lourdes bonbonnes d’oxygène à plus de 8000m pour les mettre à disposition des premiers de cordée, il ne trouve personne au rendez-vous et il est contraint avec son compagnon à un bivouac imprévu au péril de leur vie dans la tempête qui fait rage.



Bonatti est un puriste et il choisit de prendre ses distances avec les nouvelles façons de faire. Il fait de l’alpinisme une occasion de se surpasser soi-même, face à face avec la montagne, et non pas une compétition pour les médias. D’ailleurs les journalistes de l’époque ne l’aiment pas.



J’ai bien aimé ce livre, pour le caractère bien trempé de son auteur, pour les récits très détaillés de ses ascensions, pour les magnifiques montagnes qu’il m’a fait découvrir. Il m’a manqué un lexique pour la non-initiée que je suis (dièdre - et autres jolis mots inconnus…) mais en cherchant dans le dico, j’ai appris plein de nouveaux termes.



Chapitres et Ascensions :

1951 : face Est Grand Capucin

1953 : face nord Lavaredo

1954 : K2

1955 : Dru

1956 : Noël au mont Blanc (tragédie)

1958 : Cerro Torre

1958 : Gasherbrum IV

1959 : Pilier Rouge du Brouillard

1961 : Rondoy nord

1961 : Pilier central (tragédie)

1962 : Pilier d’Angle

1963 : Face nord des Grandes Jorasses

1964 : éperon Whymper

1965 : face Nord Cervin

(ainsi que deux autres ascensions en 1984 et 1986)





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Les grands jours

Bonatti arrive à la fin d'une histoire, celle de ses excursions dans l'alpinisme extrême. Il est au sommet de son art mais aussi au début de la courbe descendante. Un homme extrêmement intelligent et lucide. IL sait qu'il doit arrêter s'il veut rester en vie. Il sait qu'il doit en finir avec l'alpinisme extrême. Ce livre nous raconte ses derniers exploits. Oui, ce sont bien des grands jours, des jours qui valent des vies, des jours où l'on peut à chaque instant y perdre la vie. J'ai beaucoup aimé ce livre. Il est d'une grande sincérité.
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Montagnes d'une vie

Ouvrage un peu décousu qu'est ce livre de Walter Bonatti qui, certes, l'annonce dès le titre : il est là pour parler des montagnes de sa vie et donc des ascensions qui l'ont marqué.



Peu d'éléments donc sur sa vie entre 2 expéditions et focus sur les ascensions, sur le récit desquelles il excelle et, j'avoue, là où je l'attendais.



Walter Bonatti est une légende de l'alpinisme et sa "carrière" époustouflante, concentrée sur une durée de moins de 20 ans.

Sur cette relativement courte durée, on ressent bien d'ailleurs, tout au long du livre, les difficultés qu'il aura eu avec ses pairs et qui l'auront conduit à se tourner vers d'autres aventures.



Il est difficile, quand on est béotien comme moi, adepte de l'alpinisme par procuration, de se faire une religion quant aux polémiques dont Bonatti a été la cible.

Dans le même esprit, il n'est pas évident non plus de se positionner relativement à ses assertions sur la "philosophie" de l'approche de la montagne.

Et c'est un peu ce que je reprocherais à ce livre : trop de volonté de se justifier et pas assez d'éléments de contexte.

Le livre de Terray est, pour moi, plus abouti et plus homogène.



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Montagnes d'une vie

Cette biographie permet de mieux connaitre ce grand alpiniste, qui est vraiment un sur-homme ! On comprend un peu mieux ses motivations et ce qui le pousse là-haut. Il a vécu vraiment des choses incroyables, et sort indemne de situations extrêmes : épatant.
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Montagnes d'une vie

J’ai attaqué ce livre très rapidement après avoir refermé les Conquérants de l’Inutile de Lionel Terray qui m’avait émerveillé. Fort de cette découverte des grands récits d’alpinisme, je devais explorer d’autres sommets ou changer de cordée. Quelques rapides recherches sur Babelio et notamment dans les lectures de Nastie92 m’ont dirigé vers cet autre livre référence de Walter Bonatti. Et je rentre à nouveau ébloui par ce que j’ai vécu. Tant l’homme que ce qu’il raconte et la façon dont il le raconte m’ont envouté. Passion, situations épouvantables et fascinantes, drames, introspection, émerveillement, j’ai l’impression d’avoir été présent à certains moments. L’univers qui nous est décrit produit la même fascination sur moi qu’un univers de science-fiction imaginaire… étourdissant !

Au jeu des comparaisons avec Lionel Terray, que je ne vais développer que sur ce seul point, on sent chez Bonatti une rancœur à l’encontre de ses contemporains. Mais quand on découvre par quelle campagne de dénigrement il est passé dès ses plus jeunes années après l’expédition italienne sur le K2 en 1954, on peut comprendre qu’il ait perdu une sorte d’innocence.

Montagnes d’une vie se dévore comme un livre de nouvelles. Chaque chapitre raconte une expédition unique sur une montagne, avec très ponctuellement une petite lassitude devant cet enchainement de sommets. Il faut alors s’autoriser un bivouac avant de repartir. Au final les réflexions et la poésie de Bonatti font de cette grande course un moment de partage et de découverte inoubliables.

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A mes montagnes

Un livre que j'ai beaucoup aimé. La passion de son auteur Walter Bonatti pour l'alpinisme éclate à chaque page. Tous les récits sont plaisants, facile à lire, plein de vie. Un livre qui chasse les doutes et les nuages. Walter aime parcourir "ses" montagnes et il nous entraine dans ses escalades souvent extrêmes. C'est un héros, un géant, presque un demi dieu...non, je n'exagère pas. Il incarne comme une sorte de personnage illustre de la mythologie. Les épreuves le rendent plus fort, plus "pur", comme des coups de ciseaux pour tailler un diamant. Il semble invincible, indestructible et pourtant son cœur d'homme bat et souffre.

Si je devais décrire ce livre en un mot, je dirais "appel".
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Montagnes d'une vie

La première partie du livre n'est que critiques et justifications.

- Machin utilise telle technique, ça n'est pas très éthique.

- Bidule à dit ceci sur moi, ça n'est pas vrai ...etc.



Je ne doute pas qu'il fut un grand alpiniste, mais je n'ai pas du tout accroché à ses mémoires. Du moins, ce début à la saveur de règlements de comptes m'a découragée à poursuivre ma lecture. À réserver peut être à des ferrus d'alpinisme qui sauront aller au delà.
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Montagnes d'une vie

Les mémoires d’un alpiniste et quel alpiniste ! L’un des meilleurs de tous les temps. Ses récits d’ascension sont impressionnants et font froid dans le dos. Quelle audace pour le matériel de l'époque. Et toujours en quête du prochain défi, la prochaine paroi et en toute humilité. Une carrière courte mais fantastique, tous les problèmes de l’alpinisme de cette époque, des ascensions dramatiques aussi avec la perte de plusieurs compagnons de cordée après des bivouacs de fortune désespérés. Dans les Alpes et logiquement au-delà, un rêve en Himalaya inaccessible pour l’époque.



Bref à lire absolument pour tout alpiniste et tout un chacun qui veut découvrir une grande figure des montagnards, injustement mal-aimée et méconnue du grand public.
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