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Citations de Witi Ihimaera (118)


La mer pétilla de tendresse lorsqu'elle flotta vers son conjoint. Des méduses illuminées éclataient en poussières d'étoiles argentées à travers les profondeurs ténébreuses. Loin en contrebas, un fleuve phosphorescent projetait une lumière vacillante dans l'abysse, comme une marée au clair de lune. L'océan trépidait de bruits : bavardage de dauphins, chuintement de krills, ébats de calamars, remous de requins, cliquetis de crevettes et, toujours présents, les puissants accords crescendo des courants marins.
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- Je désire parler à mon mari, dit-elle avec douceur.
Puis elle s'approcha gentiment du vieux tohorā.
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Elle avait beau aimer son mari depuis de longues années-baleine, son amour ne l'aveuglait pas au point de ne pas voir ses défauts. Ces dernières années, en particulier, il déprimait de plus en plus; persuadé que la mort le guettait, il retournait dans les lieux chers à ses souvenirs. La péninsule Valdès. Tonga. Les Galapagos. Tokelau. L'île de Pâques. Rarotonga. Hawaiki, île des ancêtres. L'Antarctique. Et maintenant Whāngārā, où ils avaient manqué le perdre.
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Dans l'immense ciel fluide de la mer, les baleines descendaient en piqué, chutaient comme des rêves anciens. Le gardien et sa garde féminine étaient flanqués de guerriers, te hokowhituva Tū, robustes et véloces, toujours alertes, une véritable phalange de vélocité.
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- Ko Paikea, Ko Paikea, répondit-il et les basses fréquences de sa voix retentissaient comme un orgue à travers la cathédrale souterraine de l'océan. Je porte Paikea mon seigneur.
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Les eaux chantaient et pétillaient d'amour pour le doyen et, de temps à autre, la vieille mère baleine se rapprochait de lui avec tendresse et le frôlait, le caressait et l'embrassait, simplement pour lui indiquer à quel point il leur avait manqué.
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Dans l'océan privé de soleil, soixante tohorā plongeaient à pic en émettant des sons alanguis. Un ancien mâle de vingt mètres de long portant un moko sacré nageait au milieu du groupe. Il était flanqué de sept femelles plus petites de moitié, qui ressemblaient à des femmes drapées de noir et le guidaient tendrement dans l'abysse.
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Les vieilles femelles exprimaient leur bonheur par des cris stridents qui traversaient la mer. Les pulsations sonores de leur chef formaient des chants de plus en plus puissants. Elles lui fredonnaient en retour de tendres mélodies, puis communiquaient par vibration avec les jeunes mâles pour qu'ils aillent â l'aide de leur leader. Ils se disposèrent en une flèche qui perça les vagues déchaînées.
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Mais ensuite, l'homme se drapa d'arrogance et se plaça au-dessus des dieux. Il alla jusqu'à tenter de vaincre la mort, mais il échoua. Son arrogance suprême provoqua la fracture originelle de l'unité du monde. Au fil du temps il divisa le monde en deux moitiés : une en laquelle il pouvait croire, et l'autre en laquelle il ne pouvait pas croire. Le réel et le surréel. Le naturel et le surnaturel. Le présent et le passé. Le scientifique et le fantastique. Il érigea une barrière entre les deux mondes; tout ce qui était de son côté fut appelé rationnel, et tout ce qui était de l'autre, irrationnel. La croyance en nos dieux, nos dieux māori, souligna-t-il, est souvent considérée comme irrationnelle.
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Au sein des chambres cannelées, le groupe de cétacés se déplaçait en procession solemnelle avec une grâce infinie. Ce faisant, il adjoignait l'harmonie de son propre choeur à l'orchestration naturelle. Avec leurs mouvements langoureux et lyriques, les baleines semblaient démentir la réalité physique de leur taille; leur nageoire caudale caressait l'eau et les guidait toujours plus au sud. Autour d'elles et au-dessus d'elles, les lions de mer, les pingouins et autres hôtes de l'Antarctique fusaient, tournicotaient et plongeaient en une valse pleine d'élégance.
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L'Antarctique. Le puits du monde. Te Wai Ora o te Ao. A la surface, le continent blanc essuyait une tempête déchaînée, inhumaine. Dans les profondeurs hors d'atteinte des Furies, la mer était calme, comme détachée du monde. En jouant en douceur sur la couche glaciaire, la lumière irradiait le royaume sous-marin d'une lueur fantasmagorique. Les racines de glace géantes qui plongeaient de la surface vers le fond étincelaient, rutilaient, scintillaient et dardaient des prismes stroboscopiques dans la gigantesque cathédrale souterraine. La glace craquait, gémissait, frissonnait et susurrait en glissando, comme une symphonie titanesque jouée sur un orgue géant.
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Sous l'eau, un coup de tonnerre étouffé retentit comme un portail s'ouvrant dans le lointain. La mer s'emplit soudain d'un chant bouleversant, qui contenait l'éternité. Puis la baleine fendit les flots, l'homme à califourchon sur sa tête. Quelle vision extraordinaire que ce dompteur de tohorā !
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"Assieds-toi!", lui avait crié un chef furieux. Il y tenait, car les femmes n'étaient pas censées être debout et prendre la parole en terre sacrée. Mais Mihi lui avait répondu : "Non,c'est toi qui t'assieds ! Je suis d'un rang plus élevé que le tien ! "Et ce n'était pas tout, Mihi lui avait tourné le dos, s'était baissée, avait soulevé ses jupons et lui avait dit : "Tiens, voici l'endroit d'où vous venez tous !" Sa façon à elle de rappeler au chef que tous les hommes naissent d'une femme.
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- Tais-toi donc, lui renvoya Nani Flowers. Les filles peuvent tout faire de nos jours. Tu sais pas que c'est fini, la discrimination ?
- Je m'en bats l'œil, des femmes. Vous n'avez pas encore le pouvoir, que je sache.
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Dans ses missives suivantes,mon frère exposait les problèmes auxquels étaient confrontés notre peuple māori. Il avait accompagné Koro Apirana en pays Raukawa où il avait été impressionné par leur façon de préparer la jeunesse à assurer la transition avec le XXI° siècle. "Et nous, serons-nous prêts ? demandait-il ? Notre peuple sera-t-il préparé à relever les nouveaux défis et à s'adapter aux nouvelles technologies ? Et dans quelle mesure restera-t-il mâori ? ".Je me rendis compte que cette dernière question le préoccupait grandement. A cet égard, nous reconnaissions tous les deux que la réponse dépendait de la persévérance de Koro Apirana dans son instruction, car il était l'un des très rares à pouvoir transmettre son savoir sacré. Notre Koro était comme une vieille baleine échouée dans un présent étranger, mais c'était censé être ainsi : il avait aussi son rôle à jouer dans l'agencement des choses, dans les marées de demain.
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A de nombreux égards, le sort des Māori d'Aotearoa était comparable, sauf que nous n'avions pas eu à faire un tel bon en l'espace d'une génération. Notre cheminement avait toutefois ses difficultés propres, car il devait s'inscrire dans structure pākehā (9). Nous étions une minorité dans notre pays et notre progrès était largement dépendant de la bonne volonté européenne. Il n'en restait pas moins indéniable qu'en Nouvelle-Zélande aussi, le nationalisme nous galvanisait et que notre peuple aspirait à fonder une nation māorie.
C'est ainsi que lors de mon séjour en Australie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, je pris graduellement conscience de mon identité māorie et me préparai à mon rendez-vous avec le destin.
(9) Européen ou d'origine européenne. Blanc(he). Adjectif et nom.
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Par exemple, j'étais très admiratif du nationalisme qui enflammait la Papouasie-Nouvelle-Guinée, oú le gouvernement s'efforçait de transplanter l'identité nationale et la coutume dans la structure coloniale du nouvel Etat. Cet accomplissement se heurtait à un lot inouïe de difficultés : en premier lieu, le pays était fractionné en centaines de groupes tribaux qui parlaient mille langues différentes; ensuite, ses ressources étaient convoitées par de nombreuses puissances extérieures, y compris ses voisins frontaliers d'Irian Jaya (8); et enfin, le progrès exigeait que ce peuple évolue d'un millier d'années en l'espace d'une vie, un transition du pagne au costume trois-pièces et à l'informatique - du jour au lendemain.
(8) L'iris Jaya est la partie occidentale de la Papouasie, occupée depuis les années a960 par l'Indonésie. Elle s'appelle à présent la Papouasie Occidentale.
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Remettre l'exploitation sur pied était un défi de taille que la nature nous jetait : je n'ai jamais connu un pays aussi coriace que la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Je doute qu'on réussisse un jour à dompter ses températures extrêmes, ses redoutables incrustations de plateaux et de vallées, et son tribalisme.
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Son père ne put pas venir à Port-Moresby pour nous accueillir, mais sa mère Clara fit le déplacement. Jeff l'avait prévenue que j'étais māori, mais, quand elle me vit, il fut évident que j'avais le teint un peu trop foncé à son goût.
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J'ignorais que tant d'autres Maoris habitaient là-bas (je pensais que j'étais le premier !) , mais je compris bientôt pourquoi on surnommait la banlieue "la vallée des kiwis". Où que vous alliez -pub, spectacle, boîte de nuit, restaurant, cinéma ou théâtre-, vous tombiez toujours sur un cousin māori. Dans certains pubs, couvrant le brouhaha de la clientèle, vous pouviez être sûr d'entendre quelqu'un hurler : " Tiens, salut couz !"
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