AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Yasushi Inoué (418)


"Je ne peux plus aimer personne, j'ai une bonne raison pour cela." En cinquième année de lycée, mes amies et moi nous faisions souvent ce genre de confidence, avec le plus grand sérieux. Mais en ce qui me concerne, il ne s'agissait pas simplement d'un mensonge innocent tel qu'en inventent, à cet âge où l'on se veut le héros d'amours imaginaires, des jeunes filles au coeur pur. La vérité entrait au moins pour moitié dans mes paroles. Le souffle chaud de Niizu contre mon oreille, les mots qu'il avait murmurés en me prenant dans ses bras, cette nuit où il m'avait arrachée inopinément à l'enfer sans fond où je sombrais, ce sort terrible et tendre qu'il m'avait jeté et qui collait à ma peau avec une étrange force, cela resta marqué en moi tout au long de mes années de jeunesse, comme un bleu en forme d'étoile de mer.

Extrait du récit "Veillée funèbre"
Commenter  J’apprécie          40
J'avais seize ans, j'étais naïve et ne savais rien de la vie. J'étais vraiment pure et innocente, si bien que je ne compris pas clairement ce que Niizu et Hideya étaient en train de faire juste à côté de moi. Mais mon coeur battait à se rompre, et j'avais honte à en avoir le vertige. Tout autour de moi fusaient des feux d'artifice, je voyais tournoyer des tourbillons de feu aux couleurs de l'arc-en-ciel. Bientôt je me retrouvai la tête à l'envers, et me sentis sombrer ainsi, tête la première, dans une chute sans fin, au fond d'un insondable précipice aux ténèbres parcourues d'étincelles. Ma chevelure pendante flottait dans les airs tandis que je continuais à tomber sans fin au fond de cet abîme. Couverte de sueur, je suffoquais.
Je ne sais combien de temps cela dura, mais une main secourable vint inopinément arrêter cette chute sans fin. A peine eus-je le temps de sentir la main de Niizu, à qui je tournais le dos, se poser sur ma nuque, qu'il me fit habilement rouler vers lui d'un bloc. Hideya n'était plus à ses côtés.
- Quand tu seras plus grande, nous aurons une aventure tous les deux, tu veux bien, Kiyo-chan ?
Je sentais son souffle chaud sur mon oreille tandis qu'il murmurait cette phrase sur un ton mi-sérieux, mi-plaisant. Il prononça seulement ces mots, puis il écarta son bras, se tourna de l'autre côté, et peu après, sa respiration calme de dormeur s'éleva, comme s'il ne s'était rien passé.
Par la suite, je me demandai plusieurs fois si je n'avais pas rêvé. Cependant cet incident était d'une indubitable réalité. "Quand tu seras plus grande, nous aurons une aventure tous les deux, tu veux bien ?" Quel démon lui souffla ce soir-là la phrase qu'il murmura à mon oreille ?

Extrait du récit "Veillée funèbre"
Commenter  J’apprécie          20
Vous êtes l'épouse officielle de Niizu. Et moi, sa maîtresse, sa femme illégitime. Mais non, c'est faux. Nous n'avons eu qu'une aventure, qui a duré trois ans. Nous avons simplement échangé un long baiser glacé, dans l'attente de la mort, sur un sentier blanc de givre, dans le silence profond qui suit les terribles bourrasques d'automne.

Extrait du récit "Veillée funèbre"
Commenter  J’apprécie          40
Moi aussi ce soir, je crois pouvoir garder toute ma lucidité en dépit du cercle de carafes vides qui m'entoure. C'est la première fois depuis ma naissance que je bois pareille quantité d'alcool, pourtant je n'ai pas la moindre sensation d'ivresse. J'entends grincer mon coeur, dont la surface est toute lézardée. Par les fissures pénètre un vent glacé. Ah, quelle tristesse ! Mais peut-être ce sentiment ne mérite-t-il plus le nom de tristesse. Une démangeaison de la poitrine serait un terme plus exact. Quelque chose comme une marée noire et glacée déferle sur mon esprit tout entier, et la pensée fugitive que la mort serait une délivrance vient osciller de temps à autre à la surface comme une algue verte.

Extrait du récit "Veillée funèbre"
Commenter  J’apprécie          70
Aujourd'hui encore, il m'arrive de me rappeler la beauté des langues de feu dans lesquelles je vis se consumer Sannomiya. Des flammes hautes et basses léchaient le ciel noir, crachant de temps en temps des gerbes de petites étincelles tremblotantes, d'une beauté fugitive. Ce brasier dévorant engloutissait un monde : c'étaient les arbres qui bordaient nos rues, les toits et les fenêtres de nos immeubles qui s'effondraient. Et il se dégageait de ce magnifique incendie quelque chose qu'en cette époque sombre il était sans doute permis de nommer "beauté".

Extrait du récit "Sannomiya en feu"
Commenter  J’apprécie          100
La plus grande partie de Sannomiya semblait déjà calcinée, et on voyait s'embraser les bâtiments restants. L'incendie faisait rage, vomissant par endroits des volutes de fumée noire, dardant vers le ciel par intermittence ses langues de feu d'un rouge étincelant.
- Tout est fini maintenant, dit Oshina.
Je ne comprenais pas très bien ce qui était fini, mais cette phrase au sens nébuleux possédait un étrange écho de vérité qui me perça le coeur.
- Grande soeur, d'ici c'est formidable, on voit tout ! s'exclama Oryô du haut d'un arbre où elle avait grimpé je ne sais quand.
Au bout d'un moment je l'entendis dire :
- Ah, ça y est, Sannomiya a complètement brûlé. Adieu !
Puis elle redescendit, l'air relativement enjoué.
- Cette fois, on n'a plus nulle part où aller, vraiment plus nulle part !
- Oui, c'est vrai.
Oshina et Oryô restaient plantées là, échangeant ces propos, sans détacher les yeux des fumerolles noires qui réduisaient Sannomiya en cendres.

Extrait du récit "Sannomiya en feu"
Commenter  J’apprécie          00
Tout ce qui touchait Akino avait pour moi les couleurs de la solitude.
Certainement, le chagrin qu'il infligeait aux autres était pour lui une façon de se protéger. Quel idiot ! Mais c'était bien cela qui m'avait attirée de prime abord la première fois que je l'avais vu à Sannomiya. Il nageait à contre-courant du monde. Les heurts du courant contre son corps soulevaient des gerbes d'écume blanche.

Extrait du récit "Sannomiya en feu"
Commenter  J’apprécie          00
- Alors, tu lui as dit quelque chose ? demandai-je à Oryô.
- Je n'ai pas eu le temps, on était ivres tous les deux.
Ensuite, d'un ton insistant rare chez elle, elle ajouta :
- Ne te fais pas de souci pour moi, je le reverrai dans trois mois. Hélas, il sera revenu dans une boîte en sapin ! déclama-t-elle ensuite, d'un ton théâtral étrangement tendu.
Plusieurs passagers autour de nous se mirent à rire. Oryô, sans doute écoeurée par leur réaction, changea soudain de registre et se mit à discourir, comme si elle présentait ses salutations rituelles lors d'une réunion de yakusas :
- Je vous présente mes respects, je vous remercie de me prêter ce petit coin d'abri pour vous parler de moi...

Je viens de la région de Settsu mais elle est fort vaste.
Le vent qui souffle du mont Rokkô
Descend sur la baie de Kôbe
Aux vagues d'or et argent,
De là il suffit de longer
Le cours cristallin de la Shin-Ikuta
Puis de remonter un peu
Et l'on rencontre sept grands hangars,
Alors en tournant légèrement vers l'ouest
On arrive à Sannomiya, la cité des fleurs,
Le quartier où dit-on
Même les enfants ne ferment pas l'oeil de la nuit.
C'est là que je végète dans un poste subalterne,
Mon vrai nom c'est Reiko Kiyokawa,
Oryô est mon surnom,
Je ne suis encore qu'une débutante...

Tout en m'abandonnant aux secousses du train, j'écoutais la présentation rituelle d'Oryô, rythmée comme une mélodie. Dans le vacarme du train, sa voix cristalline résonnait tel un tintement de cloche.
Par gêne ou par dégoût, les autres passagers avaient détourné le regard de notre petit cercle, dont toute l'attention était concentrée sur Oryô. Tout en feignant de nous ignorer, ils paraissaient tendre l'oreille aux paroles de la présentation d'Oryô. Je m'étais aperçue depuis la moitié de son chant environ que cette gamine soûle faisait des efforts pour retenir ses larmes, tout en continuant à cracher ses phrases volubiles.

Extrait du récit "Sannomiya en feu"
Commenter  J’apprécie          50
Ne pouvant supporter davantage l'état de tension où je me trouvais, je relevai la tête. Ma vision de la scène se modifia, et la frêle silhouette de Chikako, dans une attitude implorante d'amour, et celle, maladroite, de Samio Egawa, raidi par la gêne, détournant le regard, m'apparurent alors ridiculement enfantines. Une émotion violente s'éleva en moi. Mais étrangement, ce n'est pas la colère que je sentis alors jaillir en moi. C'était un...─ comment dire ? ─ un sentiment de tristesse exaspérante et insupportable.
Tous deux restèrent ainsi sans bouger pendant un temps infini, ne sachant apparemment que faire ensuite. Leur inexpérience de jeunes gens les avait mués en une statue ridicule de niaiserie.
Ce n'est pas une femme lascive et infidèle que je voyais en Chikako. Bien au contraire, son air ingénu et enfantin, que je n'avais jamais encore eu l'occasion de contempler, me serrait le coeur, accompagné d'une pointe de douleur. C'était une scène étrangement pitoyable. Pourquoi se montrait-elle sous un jour aussi insupportablement niais ? me demandai-je. Cette manifestation de tendresse maladroite la faisait ressembler à une pucelle sans la moindre expérience.
Je crois qu'elle pleurait à ce moment-là. Toujours est-il que ces deux silhouettes enlacées, évoquant deux adolescents s'embrassant sur le trèfle d'une cour d'école, étaient à cent lieues de l'obscénité d'un couple adultère. Je me sentis à cet instant singulièrement déprimé, comme si je me trouvais soudain confronté à mes propres manquements. Je me rendais brusquement compte que je n'avais su faire évoluer ni le corps ni le coeur de ma jeune épouse au-delà de ces enfantillages. A la réflexion, je m'étais montré incapable de susciter le moindre mouvement de passion féminine dans le corps frêle de Chikako, et je n'avais pas davantage su combler son coeur en murmurant contre sa poitrine ces simples mots : "Je t'aime".
Et voilà que cette jeune femme de vingt-trois ans s'éveillait pour la première fois grâce à Samio Egawa. C'était lui, à n'en pas douter, son premier amant, et non moi.
Pourquoi cela, dites-vous ? Parce que, tout au long de ma vie commune avec Chikako, poursuivre les oiseaux m'avait paru de loin plus important qu'aimer ma femme.

Extrait de la nouvelle "La chasse dans les collines"
Commenter  J’apprécie          123
Tant que l'on se préoccupe exclusivement de sa technique à l'instant d'appuyer sur la détente, on peut considérer la chasse comme un sport. Mais quand la vie du volatile que l'on tient en joue se met à prendre une importance primordiale, au détriment de la technique, c'est alors, si toutefois c'était possible, qu'il serait juste d'abandonner son arme.
Car c'est alors que l'on fait le premier pas vers cet acte peu digne d'admiration qu'est la vengeance. Pour se venger de quoi, dites-vous ? Mais de soi-même, pardi ! De quelque chose en soi. Le chasseur vise, et tire sur son malheur, ou sa malchance, en tout cas quelque chose de présent en lui et dont il entend se venger.

Extrait de la nouvelle "La chasse dans les collines"
Commenter  J’apprécie          70
Jusqu'à la sortie du village d'Ichijôji, je pouvais apercevoir les lumières et, parfois, à l'intérieur de celles qui se trouvaient près de la route, des familles réunies. Mais après la dernière maison, je ne vis plus rien jusqu'à Shûgakuinguchi. Je marchais lentement, dans les ténèbres ; je suis habitué à ce chemin droit et plat : j'avançai donc sans crainte.
Commenter  J’apprécie          30
Je me suis souvent interrogée sur ce serpent que chacun, selon toi, porte en lui, et j'ai conclu tantôt qu'il symbolisait l'égoïsme, tantôt la jalousie, et tantôt le désespoir.
Même maintenant, je ne peux choisir entre ses diverses interprétations, mais il est sûr, comme tu l'as dit à l'époque, qu'un serpent habite en moi, et qu'il vient de faire son apparition aujourd'hui pour la première fois. Ce serpent, c'est cet autre moi que je ne connaissais même pas...
Commenter  J’apprécie          130
Grâce à Ye-liu Tch'ou-ts'ai, Gengis-Khan apprit que la foi permettait d'unifier les hommes beaucoup plus sûrement que le sentiment d'appartenance à un peuple, ou à la loyauté à l'égard d'un souverain. Il laissa donc toutes sortes de religions se répandre librement, interdisant les persécutions.
Commenter  J’apprécie          20
[...] à l'heure qu'il est, vous êtes, j'imagine, en train d'admirer les arbres dont l'Izu possède tant d'essences diverses. La région, je me le rappelle, est baignée d'une lumineuse clarté, mais, en un sens, elle évoque une froide et sobre image peinte sur porcelaine.
Commenter  J’apprécie          110
Puisque nous ne pouvons éviter d'être des pécheurs, soyons du moins de grands pécheurs.
Commenter  J’apprécie          100
Un amour qui ne peut survivre qu'au prix du péché doit être bien triste.
Commenter  J’apprécie          30
Il me semble qu'un homme est bien fou de vouloir qu'un autre le comprenne.
Commenter  J’apprécie          60
"Si tu ne peux pas dormir, je vais être obligée d'employer la magie", dit-elle en allant prendre une prune confite sur l'étagère. Elle la fendit en deux pour en extraire le noyau qu'elle appliqua sur son front.
"Tu vas dormir, tu vas voir. Essaie de fermer les yeux", dit-elle alors.
Il ne sut jamais si c'était à cause de cela, mais il se calma et plongea aussitôt dans un profond sommeil.
Commenter  J’apprécie          40
Quelle est donc cette écœurante, cette effroyable, cette triste chose que nous portons en-dedans de nous ?
Commenter  J’apprécie          40
...tu accentuas davantage encore ton attitude raide et, de fil en aiguille, nous avons atteint cet actuel degré de froideur, ce merveilleux esprit de famille, si glacial que l'un et l'autre nous avions l'impression que nos cils étaient raidis par le givre.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Yasushi Inoué Voir plus

Quiz Voir plus

Cartoons!

Ce pic anthropomorphe, doté d'un rire strident, créé dans les studios d'animation de Walter Lantz, apparaît pour la première fois en 1940. Il se nomme:

Sam le Pirate
Woody Woodpecker
Andy Panda

8 questions
23 lecteurs ont répondu
Thèmes : cartoon , dessins animés , humour , enfance , studios , animaux , hollywood , cinema , personnagesCréer un quiz sur cet auteur

{* *}