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Citations de Émile Zola (7530)


On frappait et Dubuche entra. C’était un gros garçon brun, au visage correct et bouffi, les cheveux ras, les moustaches déjà fortes. Il donna des poignées de main, il s’arrêta d’un air interloqué devant le tableau. Au fond, cette peinture déréglée le bousculait, dans la pondération de sa nature, dans son respect de bon élève pour les formules établies ; et sa vieille amitié seule empêchait d’ordinaire ses critiques. Mais cette fois, tout son être se révoltait, visiblement.
"Eh bien ! quoi donc ? Ça ne te va pas ? demanda Sandoz qui le guettait;
- Si, si, oh ! très bien peint... Seulement...
- Allons, accouche. Qu'est-ce qui te chiffonne ?
- Seulement, c'est ce monsieur, tout habillé, là, au milieu de ces femmes nues... On n'a jamais vu ça."
Du coup, les deux autres éclatèrent. Est-ce qu'au Louvre, il n'y avait pas cent tableaux composés de la sorte ? Et puis, si l'on n'avait jamais vu ça, on le verrait. On s'en fichait bien, du public !
Sans se troubler sous la furie de ces réponses, Dubuche répétait tranquillement :
"Le public ne comprendra pas... Le public trouvera ça cochon... Oui, c'est cochon.
- Sale bourgeois ! cria Claude exaspéré. Ah ! ils te crétinisent raide à l' École, tu n'étais pas si bête !"
C’était la plaisanterie courante de ses deux amis, depuis qu’il suivait les cours de l’Ecole des Beaux-Arts. Il battit alors en retraite un peu inquiet de la violence que prenait la querelle ; et il se sauva, en tapant sur les peintres.
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Claude, qui se reculait maintenant jusqu’au mur, y demeura adossé, s’abandonnant. Alors Sandoz, brisé par la pose, quitta le divan et alla se mettre près de lui. Puis tous deux regardèrent, de nouveau muets. Le monsieur en veston de velours était ébauché entièrement ; la main, plus poussée que le reste, faisait dans l'herbe une note très intéressante, d'une jolie fraîcheur de ton ; et la tache sombre du dos s'enlevait avec tant de vigueur, que les petites silhouettes du fond, les deux femmes luttant au soleil, semblaient s'être éloignées, dans le frisson lumineux de la clairière ; tandis que la grande figure, la femme nue et couchée, à peine indiquée encore, flottait toujours, ainsi qu'une chair de songe, une Ève désirée naissant de la terre, avec son visage qui souriait sans regards, les paupières closes.
" Décidément, comment appelles-tu ça ? demanda Sandoz.
- Plein air répondit Claude d'une voix brève.
Mais ce titre parut bien technique à l'écrivain qui, malgré lui, était parfois tenté d'introduire de la littérature dans la peinture.
- Plein air, ça ne dit rien.
- ça n’a pas besoin de rien dire…Des femmes et un homme se reposent dans une forêt, au soleil. Est-ce que ça ne suffit pas ? Va, il y en a assez pour faire un chef- d’œuvre.
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C'était une toile de cinq mètres sur trois, entièrement couverte, mais dont quelques morceaux à peine se dégageaient de l'ébauche. Cette ébauche, jetée d'un coup, avait une violence superbe, une ardente vie de couleurs. Dans un trou de forêt, aux murs épais de verdure, tombait une ondée de soleil ; seule, à gauche, une allée sombre s'enfonçait, avec une tache de lumière, très loin. Là, sur l'herbe, au milieu des végétations de juin, une femme nue était couchée, un bras sous la tête, enflant la gorge; et elle souriait, sans regard, les paupières closes, dans la pluie d'or qui la baignait. Au fond, deux autres petites femmes, une brune, une blonde, également nues, luttaient en riant, détachaient, parmi les verts des feuilles, deux adorables notes de chair. Et, comme au premier plan, le peintre avait eu besoin d'une opposition noire, il s'était bonnement satisfait, en y asseyant un monsieur, vêtu d'un simple veston de velours. Ce monsieur tournait le dos, on ne voyait de lui que sa main gauche, sur laquelle il s'appuyait, dans l'herbe.
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Rougon, qui venait d'être introduit avec le cérémonie d'usage, était déjà assis entre deux conseillers d'État, au banc des commissaires du gouvernement, une sorte de caisse d'acajou énorme, installée au bas du bureau, à la place même de la tribune supprimée. Il crevait de ses larges épaules son uniforme de drap
vert, chargé d'or au collet et aux manches. La face tournée vers la salle, avec sa grosse chevelure grisonnante plantée sur son front carré, il éteignait ses yeux sous d'épaisses paupières toujours à demi baissées ; et son grand nez, ses lèvres taillées en pleine chair, ses joues longues où ses quarante-six ans ne mettaient pas une ride, avaient une vulgarité rude, que transfigurait par éclairs la beauté de la force.
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Louis ne bouge pas, tout seul, buvant à une cruche, lorsqu'il a soif. il est comme un de ces vieux chevaux qui tombent de fatigue dans un coin et qu'on laisse mourir. Il a travaillé soixante ans, il peut bien s'en aller maintenant, puisqu'il n'est plus bon à rien qu'à tenir de la place et à gêner les enfants. Est-ce qu'on hésite à abattre les arbres qui craquent ?
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— Oh! c'est bête d'entrer comme ça! criait Nana cachée. N'entrez pas, vous voyez bien qu'on ne peut pas entrer !
Bordenave parut mécontent de cette fuite.
— Restez donc ma chère, ça ne fait rien, dit-il c'est son Altesse. Allons ne soyez pas enfant.
Et, comme elle refusait sde paraître, secouée encore, riant déjà pourtant, il ajouté d'une voix bourrue et paternelle :
— Mon Dieu ! ces messieurs savent bien comment une femme est faite. Ils ne vous mangeront pas.
— Mais ce n'est pas sûr dit finement le prince.
Tout le monde se mit à rire, d'uen façon exagérée, pour faire sa cour.
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Chaque soir, Nana recevait sa raclée. Quand le père était las de la battre, la mère lui envoyait des torgnoles, pour lui apprendre à bien se conduire.
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Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre.
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"Mais à présent, le mineur s'éveillait au fond, germait dans la terre ainsi qu'une vraie graine; et l'on verrait un matin qu'il pousserait au beau milieu des champs: oui, il pousserait des hommes, une armée d'hommes qui rétabliraient la justice. [...] Ah! ça poussait, ça poussait petit à petit, une rude moisson d'hommes qui mûrissait au soleil!" (p. 223 - Tome 1)
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"Le Voreux, au fond de son trou, avec son tassement de bête méchante, s'écrasait davantage, respirait d'une haleine plus grosse et longue, l'air gêné par sa digestion pénible de chair humaine." (p. 20 - Tome 1)

"C'était fini, la bête mauvaise, accroupie dans ce creux, gorgée de chair humaine, ne soufflait plus de son haleine grosse et longue." (p. 279 - Tome 2)
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Heureusement que je ne suis ni gauchère ni droitière, et que je brode des deux mains..
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un étalage, une profusion, un écrasement de richesses
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Duper les gens, leur en donner moins que pour leur argent, était un régal
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Plus d'un quartier va fondre, et il restera de l'or aux doigts des gens qui chaufferont et remueront la cuve.
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Aussi les dix paires de mâchoires, depuis la petite Estelle dont les dents commençaient à pousser, jusqu'au vieux Bonnemort en train de perdre les siennes, travaillaient d'un tel coeur que les os eux-mêmes disparaissaient.
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Et son intelligence n'allait pas plus loin, au père Quandieu, raidi dans son entêtement du devoir militaire, le câne étroit, l'oeil éteint par la tristesse noire d'un demi siècle de fond.
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Le dimanche, donc, Jules Vallès, Alphonse Daudet, Edmond de Goncourt, Maupassant, J.-K. Huysmans, Henry Céard, l'éditeur Charpentier, Cézanne quand il se trouvait à Paris, débarquaient en bas du jardin, " grand comme le champ d'un pauvre homme ", et découvraient l'architecture hétéroclite de la maison de l'auteur des Rougon. Contre la demeure primitive, chalet de banlieue non sans élégance, Zola, animé comme son père l'ingénieur du goût de la bâtisse, avait fait édifier, en brique et ciment, une énorme tour carrée qui écrasait complètement la maison première et que Maupassant comparait à un géant tenant un nain par la main. Nouveau bâtiment qui abritait la salle à manger au rez-de-chaussée, la chambre des Zola au premier et, au-dessus, un immense cabinet de travail pour le maître. " Construction à la tournure féodale, écrit Edmond de Goncourt, qui semble bâtie dans un carré de choux. "
D'ailleurs, les invités débarquaient chaque fois dans un chantier perpétuel. Dès l'acquisition, Zola avait fait venir à Médan une équipe d'ouvriers, qui n'en sortirent de quinze ans. Il faisait décorer ses pièces, méditait de nouvelles constructions et, lopin après lopin, agrandissait son terrain. Mme Zola dirigeait tout ce monde, ouvriers et domestiques, d'une main ferme, et assurait la paie du samedi.
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Je vais te démolir, numérote tes os.
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Depuis près de cinq ans le pavillon de la rue de Boulogne se trouvait inhabité. Guillaume n’avait jamais voulu le louer, comptant toujours y venir passer quelques mois d’hiver. Vers les commencements de son mariage, il s’était contenté d’y envoyer un vieux domestique de la Noiraude, à titre de concierge. Le bonhomme logeait dans une sorte de grande guérite de briques rouges, bâtie à côté de la grille, sur la rue. Toute sa besogne consistait à ouvrir, chaque semaine, pendant une matinée, les fenêtres des appartements, afin de leur faire prendre l’air. Ce poste était pour cet ancien serviteur comme une retraite gagnée par ses longs services.

Averti la veille de la venue de ses maîtres, il avait employé une partie de la nuit à épousseter les meubles. Quand Guillaume et Madeleine arrivèrent, ils trouvèrent du feu dans toutes les cheminées. Ils furent heureux de ces foyers ardents qui donnaient à leur ancienne solitude les tiédeurs de jadis. Pendant le trajet de Véteuil à Paris, leur cœur s’était serré secrètement, à l’idée de rentrer dans cette petite maison où étaient enfermés quelques mois de leur passé, ils se rappelaient les dernières semaines de leur séjour, les sourdes inquiétudes qu’ils y avaient éprouvées, et craignaient d’y venir éveiller l’amertume de leurs souvenirs, comme ils l’avaient déjà fait dans le pavillon voisin de la Noiraude. Aussi parurent-ils surpris et charmés de la gaieté du logis, que leur imagination fiévreuse s’était plu à revoir plus morne, plus désolé, à mesure qu’ils approchaient de Paris. Guillaume eut une seule angoisse : en entrant dans la chambre à coucher, il aperçut, pendu au mur, le portrait de Jacques que le concierge avait dû découvrir dans quelque coin. Il le décrocha vivement, le jeta au fond d’une armoire, avant que Madeleine ne l’eût rejoint.
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Un peu avant dix heures, la vieille dame se réveillait. On fermait la boutique, et toute la famille montait se coucher. Le chat tigré suivait ses maîtres en ronronnant, en se frottant la tête contre chaque barreau de la rampe.

En haut, le logement se composait de trois pièces. L’escalier donnait dans une salle à manger qui servait en même temps de salon. À gauche était un poêle de faïence dans une niche ; en face se dressait un buffet ; puis des chaises se rangeaient le long des murs, une table ronde, tout ouverte, occupait le milieu de la pièce. Au fond, derrière une cloison vitrée, se trouvait une cuisine noire. De chaque côté de la salle à manger, il y avait une chambre à coucher.

La vieille dame, après avoir embrassé son fils et sa belle-fille, se retirait chez elle. Le chat s’endormait sur une chaise de la cuisine. Les époux entraient dans leur chambre. Cette chambre avait une seconde porte donnant sur un escalier qui débouchait dans le passage par une allée obscure et étroite.

Le mari, qui tremblait toujours de fièvre, se mettait au lit ; pendant ce temps, la jeune femme ouvrait la croisée pour fermer les persiennes. Elle restait là quelques minutes, devant la grande muraille noire, crépie grossièrement, qui monte et s’étend au-dessus de la galerie. Elle promenait sur cette muraille un regard vague, et, muette, elle venait se coucher à son tour, dans une indifférence dédaigneuse.
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