Lectures authentiques d' Anne Calife
"Et la Guerre est comme ce Printemps , cette herbe qui sort partout. Une femme, une trop belle femme, tournoyant sur elle - même, ivre d'air et de mouvement.
Dans sa robe de velours, elle tourbillonne, tournoie, gorge en arrière , bras écartés , tête renversée, deux lèvres rouges, ouvertes sur ses dents blanches- ces dents que Paul ne possède pas encore.
La violence est une reine dans un manteau de velours émeraude.Bien trop belle. Qui aura toujours raison.
Les nuages dessinaient une masse noire contre le rouge du couchant- si fort qu'il semblait suspendu en l'air comme un cri.
Puis le disque rouge disparut.
Comme si toutes les Guerres étaient combattues"
De l’hiver lorrain on émerge avec un regard neuf. On n’a jamais vu de printemps aussi beau. Devant les cerisiers, pommiers, mirabelliers en fleurs, tous on attendra je ne sais quoi. On se dira que tout peut encore arriver.
" D'une ville, on croit tout savoir, connaître, comprendre du haut de sa fenêtre. Pourtant, existent d'autre êtres mal connus: ni rats, ni algues mais humains, ils vivent à mi- chemin entre l'algue, le rat et le vol du canard sauvage. Ce sont eux. Ceux de la rue."
Arrêter les images n’aurait jamais arrêté la Guerre. Car tout était Guerre. Le mois de mars avec les bourgeons visqueux qui éclataient de toutes parts. Elever un enfant, le baigner, l’habiller, travailler pour le nourrir en était encore une autre, de Guerre.
Mon père me manque. La cavité grandit en moi. Le trou s'étire, prend toute la place nécessaire à son épanouissement.
Je me remplis de vide.
Je suis du vide avec de la peau autour.
A cet endroit du texte, je me rends compte que j’emploie l’article défini « elle » pour désigner le chat. Je l’ai corrigé puis rétabli. Le "il" ne sonne pas. Le Chat était devenu féminin, non par une logique de reproduction, mais en raison de sa division, de son hésitation.
Dissociée, divisée, elle relevait de la Mère : partagée entre soi et d’autres êtres.
Je me rends compte que plus je décris les progrès de Paul, plus je me rapproche du cadavre. Comme les sépales a présent vides de leurs pétales, les bourgeons de leurs feuilles. La maternité à ceci de lucide et déroutant qu'elle permet de constater - rose sur rose - la brièveté de son existence.
Donc, j'ai mon papier à lettres, son mail. Je le connais déjà par coeur. lui, possède aussi le mien. Question : qui doit écrire en premier à l'autre? Quelles sont les nouvelles règles de politesse mailienne?
[...]Je commence. Je me lance vers cet inconnu. C'est un homme qui me fait "aller vers". Moi qui appelle, écris ; lui qui disparaît, qui raccroche.
Je clique "envoyer". Le mail s'envole comme un oiseau par la fenêtre.
Se prostituer, c’est avant tout une philosophie, un art de vivre, une ouverture vers les autres, vers le plaisir. Une pute, c’est l’abondance. De matières, de sensations, de sentiments. Du cuir, de la fourrure. Une pute, c’est des cris de plaisir, des chéris, c’est bon ; des encore encore, encore, toujours.
En Lorraine, on entre en hiver comme dans une grotte, une caverne, en pèlerinage : en baissant la tête et courbant le dos. Suffit juste de trouver la bonne position, se pelotonner. Et de bien se mettre en boule, parce qu’ici, l’hiver dure, dure.