La publication des actes de ce colloque tenu en 2017 permet d'établir un vaste panorama des archives laissées par les gens du commun. Les petites gens produisent durant leur existance quelques traces écrites qui passent à la postérité, et permettent de mieux comprendre le quotidien vécu. Ces écritures sont souvent brèves, banales, lacunaires et sont le fruit de deux sources principales, les archives privées et publiques. En découvrant les journaux de vignerons pendant la révolution l'on devine la révolte qui monte, en parcourant les listes des morts de froid d'un hiver au 18ème siècle l'on prend conscience des conditions de vie des précaires. Les archives des commerçants et artisans de Versailles, celles, diplomatiques, des Français de l'étranger, le récit autobiographique d'un patient Algérien parachuté en France, le courrier réceptionné par la délégation à la condition féminine entre 1976 et 1978 (dont la plupart évoquent les inquiétudes liées à la retraite), autant de documents à priori anecdotiques qui font état des us et coutumes d'une population sur un temps donné. L'ouvrage se termine sur deux études particulièrement étonnantes, l'une consacrée aux archives des enfants abandonnés, l'autre aux tatouages, traces écrites s'il en est.
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Pour attester de la vigueur exceptionnelle d'un hiver, les scripteurs notent que l'encre gèle au bout de leur plume, que l'eau gèle dans la cruche posée sur leur table de toilette, ou qu'il gèle même au coin des feux les mieux alimentés. Ce qu'ils nous donnent aussi à voir, c'est l'extrême perméabilité des habitations anciennes aux infiltrations du froid. Cet état de fait ne semble choquer personne. Henri IV, un matin de janvier 1608, annonce sur un ton badin à son entourage que la nuit a dû être bien froide puisqu'il s'est réveillé avec la moustache toute gelée. (p. 39)
La prédication, les écoles et la pratique de l'écrit permettent un élargissement culturel qui touche les couches inférieures de la société. [...] font reposer leurs sermons sur la diversité des états de la société et cherchent à ce que chacun de ces états du monde gagne son salut. Tous peuvent y parvenir par une meilleure éducation, tous, sauf les métiers illicites, par exemple les fabricants de dés ! (p. 109)
Les gens simples sont justement ceux pour qui l'hiver est source de difficultés. Ce sont ceux qui peinent à se chauffer, ceux dont le corps est marqué par le froid, ceux qui endurent avec une résignation qui nous laisse stupéfaits la mauvaise saison en attendant des jours meilleurs. De ce fait, la souffrance provoquée par le froid est consubstantielle de l'appartenance à cette catégorie sociale. (pp. 44-45)
Les pauvres gens, étrangers à l'écriture par ignorance, incapacité ou misère, ne conservent que les écrits que la société exige d'eux pour les autoriser à habiter un lieu, à circuler sur les chemins, à travailler dans de petits métiers ou encore à survivre de mendicité et de secours. [...]
Deux sortes de traces s'y distinguent, celles du souvenir et celles de la nécessité sociale. (p. 11)