J’en ai vu, de merveilleuses femmes, dans ma jeunesse, et me suis bien souvent laissé prendre au piège – encore qu’à présent un joli visage n’éveille plus rien en moi hormis une vague réminiscence et une émotion esthétique – mais les mots glissent sous ma plume, le vocabulaire n’est pas assez sûr, la stylistique, pas assez riche pour qui tenterait de donner ne fût-ce qu’une idée de l’éclat et de la splendeur qui jaillissaient de ces deux sœurs. Toutes deux étaient jeunes (vingt-cinq ans, à peu près), toutes deux étaient grandes et toutes deux avaient des formes parfaites, mais là s’arrêtait toute ressemblance.
La civilisation n’est que le vermeil de la sauvagerie. Une gloriole, sans plus, un rayon de soleil septentrional qui parvient sans plus à accroître, par comparaison, l’obscurité du ciel. Jaillie du sol de la barbarie, elle a crû comme un arbre et, j’en suis persuadé, comme un arbre, tôt ou tard, elle s’effondrera, comme se sont effondrées la civilisation égyptienne, la civilisation hellénique, la civilisation romaine et sans doute bien d’autres dont le monde n’a même plus conservé le souvenir.
J’évoquai, en admirant cette femme, une mer profonde qui, même les jours les plus calmes, les plus bleus, ne perd jamais de sa puissance dissimulée et dans le sommeil chuintant de laquelle se devine toujours l’imminence de la tempête.
Un seul regard de ces yeux éclatants, un seul sourire de ces douces lèvres et, aussi longtemps que le sang coulera dans les veines des hommes, pareilles créatures trouveront toujours des adorateurs prêts à se faire tuer pour elles.
L’homme blanc est formé des mêmes éléments constitutifs que le sauvage, avec ces différences que celui-là possède un sens de l’invention uni à une faculté de combinaison et que celui-ci, reste dans une grande mesure libéré des désirs de richesse qui, telles un cancer, dévorent le cœur de l’homme blanc. Conclusion bien démoralisante mais, je le répète, le sauvage et l’enfant de la civilisation ne sont, pour l’essentiel, guère différents l’un de l’autre.
Les Mines du roi Salomon (film) (King Solomon's Mines, 1950) Official Trailer - Deborah Kerr, Stewart Granger.