Aussi bien il avait quitté sa province pour aller étudier à Paris et maintenant qu'il s'agit de créer, il va y revenir, il rentrera en contact avec le sol natal. Il peindra les sites de la Franche-Comté, parce que devant eux il a éprouvé, dès sa jeunesse, d'intimes jouissances et de profondes sensations. Parce que chasseur, il a passé de longs jours à poursuivre les animaux et, enfoncé dans les bois, s'est ennivré de leur solitude. Il peindra les bourgeois d'Ornans, les paysans de Flagey, parce qu'il se sent rivé à eux par ses fibres. Ainsi son art ne va avoir rien d'artificiel, rien de conventionnel, il aura sa racine même dans la vie.
Le Salon de 1850 ouvert fort tard, à la fin de l'année, se prolongea pendant les premiers mois de 1851 et valut pour les deux années. Le jury de réception avait encore été nommé à l'élection. Mais Courbet n'avait plus à s'inquiéter des décisions du jury, ses oeuvres en étaient exemptes. La seconde médaille qui lui avait été décernée le plaçait parmi les Hors-Concours, ces privilégiés dont les envois étaient reçus obligatoirement au Salon. Il saura profiter de l'avantage pour exposer successivement de ses créations les plus originales et les plus osées.
En 1850 Ingres et Delacroix, au sommet de l'art, personnifiaient les formes classiques et romantiques, qu'on jugeait d'ailleurs exclusives et dont les partisans, artistes et critiques, se combattaient. Cependant le combat n'avait lieu qu'entre une minorité d'élite et se poursuivait au-dessus de la foule.
Horace Vernet a été fécond. Il peignait d'une manière facile. La foule ne s'intéressant dans les tableaux qu'au sujet, sans s'inquiéter des qualités
intrinsèques, prenait plaisir à voir les scènes anecdotiques qu'il lui présentait. Mais dans son art, dépourvu de force, n'apparaît le moindre sentiment.
Il existait ainsi de nombreux peintres ayant gagné la faveur publique, donnant des oeuvres que l'on s'empressait de voir au Salon et que la reproduction, telle qu'elle se pratiquait alors par la lithographie et la gravure, faisait partout connaître.