Le titre et la quatrième de couverture, « Ne pas baisser la tête. Jamais. » laissent entendre que les ados héros de ces nouvelles tentent de vivre, malgré tout, ils semblent induire un écho, une intention positive dans leur lutte pour vivre. Pourtant au début de ma lecture, j'ai d'abord été frappée, presque écrasée par le sombre, le rude, le violent de leurs destins.
Violence subie par Jessica, Eglantine, Nina, Vlad, Maria, Samira et les autres, violence qu'ils portent en eux aussi, violence des sentiments quand on aime trop et trop fort. Quand on n'est pas assez aimé aussi. Cette violence, elle a pour noms maltraitance, alcoolisme, viol, inceste, génocide, fuite, exil… mais elle n'est jamais clairement nommée, elle se dévoile au détour d'une phrase, dans un silence sur la page, dans un soupir noyé de larmes, dans un cri de souffrance aiguë. Comment pourrait-elle être nommée puisque, c'est bien connu, ces formes de violence se passent de mots, elles sont souvent sourdes et aveugles, elles ne voient pas l'autre, l'être en devenir comme une personne douée de parole. Heureusement, Margot, Léa, Louis, Julien et les autres essayent envers et contre tout de sortir du cercle vicieux, tentent d'exister face à des adultes souvent enfermés dans leurs certitudes, leur ordre (im)moral, quand ils ne sont pas défaillants, absents, voire inexistants. Car ce sont les ados qui sont les héros de ces nouvelles, avec leur désir de vivre ou d'en finir, leur fièvre, leurs questions, leur idéalisme parfois bien écorné, leur incapacité à prendre distance, leur vie dans l'instant, leur brûlure intérieure.
Pour évoquer ces vies d'ados,
Jacinthe Mazzocchetti emploie un style nerveux, à phrases courtes, parfois heurtées, un peu comme cette course contre le temps, cette lutte que mènent nombre de ses héros, une écriture qui rend bien le « à bout de souffle » vécu par certains. J'ai dû m'y accommoder, de même qu'au côté un peu mystérieux des textes qui ne révèlent jamais complètement les choses. Il faut lui reconnaître une grande sensibilité, une empathie envers ses personnages, de la pudeur aussi si elle en disait trop, elle briserait les secrets intimes de ces adolescents si fragiles, qui ont déjà vécu des expériences tellement difficiles. Les corps trinquent, les personnalités se construisent vaille que vaille. Certains sont sur le chemin de la résilience mais pour d'autres, la route est encore si sombre, si remplie de souffrance… on espère qu'ils ne seront pas lâchement largués au fossé.
Un recueil exigeant sur le plan psychologique.
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