Charmant roman que ces Bonheurs caducs, récit d'une descente au fond du baril qui fait étrangement du bien.
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C’était toujours une belle femme. Aux traits marqués de ce fer qui scandait : ancien mannequin. Ancien mannequin n’ayant jamais été mannequin vraiment. Son maquillage, ses vêtements, sa coiffure vendaient la mèche. Elle était habile avec la brosse et les pinceaux, cependant il y avait dans le résultat l’indice clair d’un effort superflu, d’une volonté d’un peu trop en faire. Ainsi elle n’avait pas trente-cinq ans mais se fardait tant qu’on l’aurait crue un peu plus âgée.
Il avait toujours envié les nomades, les vrais, ceux à qui attaches et assises ne manquent pas puisqu’ils ignorent ce que c’est, puisqu’ils sont nés sans. Il jalousait les artistes dont l’âme s’évade sans besoin de planifier le retour, ceux qui créent sans s’en rendre compte. Son tempérament bouillant aurait pu faire de lui un peintre formidable, un acteur splendide, avec panache il aurait envoyé chier le monde entier.
Mais il n’était ni nomade ni artiste. Lui manquaient l’insouciance, l’ouverture d’esprit, la liberté de pensée. L’émerveillement. Surtout, le talent. Et puis il aimait bien l’argent. L’amour et l’eau fraîche, très peu pour lui.
C’est comme après l’amour, après l’orgasme... quand le souffle et les battements de cœur reprennent un rythme normal. Alors on peut revivre les frissons d’amour. Et c’est encore mieux les jours d’après, quand on est traversé de spasmes au souvenir des caresses, mais à ce moment on est seul, le corps de notre partenaire n’est plus là pour distraire nos sensations. On peut les savourer sans entraves. Pleinement.
Autant d’occasions de se forcer le festoiement, de dépenser une fortune en alcool et en taxis, en petits cadeaux inutiles, durant le temps des fêtes il était défendu de croiser qui que ce fût sans l’encombrer d’une babiole, c’était la règle, et le sommeil comme c’était surfait, dormir, belle façon de gâcher un congé, à en croire les discours à la mode de la mi-décembre au lendemain du jour de l’An.
Tu sais, le travail, il ne faut pas trop s’y prendre les pieds… Et sans plaisir, c’est tuant. Moi, j’ai placé le plaisir au cœur de ma vie. Il n’y a pas d’autre façon de vivre. Le plaisir c’est le suc, c’est l’essence… C’est ce qui nous pousse à avancer, à faire de notre mieux. Et franchement, la vie est trop courte pour s’en passer.