AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9781092444026
209 pages
l'Atelier contemporain (03/02/2015)
4/5   2 notes
Résumé :
Illustrations de Monique Tello.

Dans ces plus de deux cents pages de vers libres et aériens, le lecteur circulera avec aisance entre monde des morts et des vivants, squelettes encore verts et filles bien en chair, monde du rêve et de l’éveil, fantaisie burlesque et cauchemar. Avec le narrateur, il traverse le temps vécu, tout à tour familial et mondain ; marche, danse, court, nage, vole presque.
Mais attention, tout ce qui est dit ici a été véc... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après L'île blancheVoir plus
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
La prière d’insérer de MARC WETZEL :

Qu’on suppose des esprits lointains : ils connaissent à peine le mot « Terre », savent vaguement qu’il y a là-bas le plus périlleux et contrasté des havres de vie connus, mais n’ont aucune idée de son contenu. On voudrait alors leur donner rapidement, précisément, idée de ce que peut bien être un séjour terrestre. Eh bien, il suffirait de leur tendre L’Ile blanche.
Son auteur, aventureux par principe, se parle à lui-même depuis quatre décennies. Somnolent hyperactif, il n’erre pas – se borne à habiter l’égarement du monde ; en rien solitaire – ne dispose simplement pas de corps de rechange ; perd tout (ses papiers, ses proches, ses espadrilles, ses animaux mêmes), mais retrouve tout au final – car il a l’inconscient prodigue, et jamais n’abandonne son inconscient. Il va partout (à vélo, en taxi, en tortillard, en vol plané, en ferry, en 404), et partout cherche, et dans toutes les langues, le moyen de continuer ailleurs. Il n’a pas seulement l’âme nomade – quelque chose de lui est né avant toutes les frontières.
On l’accuse d’avoir jeté dans un étang des enfants dévorés ; il constate pisser par l’anus ; sa partenaire change de sexe en cours d’étreinte ; il ne décolle d’un parc public, à la force de triceps ailés, que pour effleurer les pointes de ses grilles ; on sert du bouillon de moules dans les michelines qu’il fréquente ; une « fille-chien » aux moignons putrides saute sur ses genoux, exigeant qu’il lui « racle la plante ». Parfois, il encaisse le plus cinglant des encouragements : « Vous irez loin si vous n’y êtes déjà parvenu ». Il n’oublie pas même de devenir pape (puisqu’il lui faut tout devenir) ; mais c’est pour se plaindre alors des courants d’air et des fourmis qui lui mangent les fesses, se divertir à deviner les touffes intimes d’adoratrices, ou discrètement écraser son mégot sous sa semelle. Chaque fois, il garde bien davantage que son sang-froid – à la fois surexposé (car le sommeil le livre à tout), et surprotégé (car il se réveillera de tout), se faufilant partout, tout lui arrive, absolument tout, et donc, aussi, très régulièrement le pire du pire. Il gobe tout – avec le sens professionnel d’une éponge – absorbant, assimilant et recrachant, dès que le réveil l’essore, le tout sensible du monde. Il rend, il restitue comme personne la tiédeur d’un crachat, le parfum d’une impasse, les « dents dispersées » d’un ancêtre. Il fait danser le « squelette parfumé » de sa grand-mère ; il nous engloutit avec lui pour « finir en dauphin pris dans l’hélice » d’un tanker.
Et les morts ressuscitent, à force d’être sans cesse par lui autrement compris, mieux visités. Car ce styliste produit plus d’endorphines qu’un derviche tourneur, et le blâmer de son inépuisable faconde serait comme reprocher son tintamarre à Shakespeare, ou à Rembrandt son indiscrétion.
Quant à L’Île Blanche, je ne sais pas plus que l’auteur ce qu’elle est ; mais on la devine, assez distinctement, deux ou trois fois, depuis les vitres des vedettes où nous embarque le capitaine de cette Odyssée.
Commenter  J’apprécie          00
longues tables et nappes blanches
portes-fenêtres donnant sur le parc
voyage retrouvailles nous ont déjà si fatigués
alors quand arrive un premier plat
tarte au tourteau crème fraîche
personne n’a déjà plus trop faim
sur l’estrade on a dévoilé la pièce montée
grande rumeur puis silence
cousin et cousine très enjoués annoncent leurs fiançailles
le fiancé nonchalant ouvre sa braguette pantalon noir lustré
la fiancée en extrait un gros chibre bandé
gland rose pâtissier
puis en deux temps trois vifs mouvements de poignet
en extrait un furieux jet de semence
lequel au lieu d’arroser le gâteau comme prévu
j’imagine asperge le tableau de maître accroché en arrière-plan
une toile de mon père nombre d’or trois mètres sur quatre
barres schisteuses lignes turquoise alternées
tous nous observons ahuris la performance
le sperme qui redescend se ramifie peu à peu
dessinant son arbre généalogique
selon les accidents le grain de la matière

grand-père ne pipe mot bouche bée plisse le front
écarquillant les yeux derrière ses lunettes dorées
grand-mère près de moi émet un petit rire commente doucement
look at all the jism they’ve spitted on the painting
tout le foutre craché sur la peinture
son anglais lui revenant morte du college for girls de Scutari
ricane coquine en dépit de sa faiblesse et maigreur extrêmes
indigné je me lève et gravissant les marches
houspille cousins et neveux vous n’avez donc nulle honte
un tableau qui vaudra bientôt des millions un trésor national
votre héritage notre patrimoine à tous
ils contemplent la toile un peu gênés
ça représente quoi demande le plus jeune
et il s’appelle comment ce crétin j’enchaîne
à quoi un oncle me répond tristement
celui-là toujours son nom m’échappe
enfin l’aîné décrète pas grave on va lessiver au savon
un autre se récrie jamais le savon n’effacera le foutre
il faut du détachant boulangerie pas loin encore ouverte
elle fait droguerie également
quand la grand-mère soudain réagit fulminant
bande de chenapans et d’ingrats qui jamais ne venez nous visiter
elle parle de l’hôpital du mouroir où comme moi chacun se dit
qu’il y passera la semaine suivante
puis laissant passer les semaines et les mois
plus personne ne sait plus vraiment s’ils vivent encore
depuis le temps des années maintenant
Commenter  J’apprécie          00
mer frigide longue jetée noire
deux trois cargos amarrés
tendent leurs câbles

pâtés en boîte chips et petits pains
rayons obscurs javellisés on piétine
chacun déballe ses devises
les caissières sortent leurs calculettes
fin de journée elles aussi ont pris leurs billets
grand week-end et croisière en perspective

la passerelle mène droit au salon avant
plafonds bas il faut pencher la tête
les fauteuils les tôles tremblent par à-coups
le quai sa muraille s’écartent déjà coques et moules
longues guirlandes d’algues noires
tant de monde nos haleines embuent les vitres
je trébuche m’affale sur une fille entre ses genoux
glisse mes jambes puis mes fesses sur le siège mitoyen
les uns les autres s’interpellent momentanément séparés
la fille fait des mots croisés je m’y plonge aussi
la grille ses définitions
m’alourdissent les paupières
j’effleure son épaule du menton

l’île blanche à peine quitté l’estuaire on l’aperçoit
une haie de pins au sud file débordée
puis les roches rousses du cap
île blanche argentée
vagues brisées inaudibles
les machines labourent un courant ici plus sombre
l’île suspendue danse à l’horizon
rien d’autre après
juste le ciel les flots pailletés
et l’île recule brume légère se fond
s’efface indistincte
j’aurai pris le mauvais navire
des récifs passent livides sous le guano
la houle se creuse asperge les hublots
j’écluse un yaourt avec le doigt
épluche une orange m’essuie la main contre mon pantalon
mer trop forte à présent portes verrouillées
interdisent de gagner le pont
des religieuses papotent avec les caissières
je sors mon vieux policier pages jaunies pelucheuses
coups de théâtre sanguinaires règlements de compte
j’ai beau les connaître chaque fois sursaute

////////////
Commenter  J’apprécie          00
estomac noué
chacun attaque le soufflé langouste et grenade
grand-père somnole dans son fauteuil
le champagne détend les gosiers
grand-mère tricote frénétique
rires et bavardages ont repris
face au potiron flanqué de quatre homards givrés
grand-père d’un coup ranimé se redresse
et levant sa coupe qui tangue et déborde
félicite chaudement fiancés oncles tantes cousines et neveux
les remercie de leur affectueuse présence
les assure tous de son amour éternel
rince son champagne cul sec
puis se rassoit souriant doucement
à travers ses grosses lunettes embuées
Commenter  J’apprécie          20
beaucoup repartis nuit tombée
fenêtres grandes ouvertes sur la rivière
quelques invités conversent encore à voix basse
un homme s’assied devant moi croisant les jambes
semble lui aussi goûter le murmure qui remonte des flots
j’hésite un instant puis me penche timide
mister David Jones si je ne m’abuse
son œil vairon sans ciller me fixe
il porte une cigarette à ses lèvres la fait rougir
puis en évacue les cendres d’un coup de pouce
vous êtes un grand poète je murmure
I know me répond-il
quoique sans arrogance excessive
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : art contemporainVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (3) Voir plus



Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20201 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}