Lions, recueil posthume, réunit plusieurs textes, énigmatiques et pénétrants, qui prennent tous pour héros le roi des animaux.
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L’homme est l’animal qui possède d’autres animaux. D’abord comme animaux domestiques puis, beaucoup plus tard, comme animaux à contempler.
En matière de goût pour les animaux à contempler, on observe une prédilection frappante pour deux espèces, et telle que leur absence dans une exposition permanente – nommée jardin zoologique – lui ôte presque toute valeur. Tout zoo doit avoir des éléphants et des lions. Pour tout le reste, il existe une certaine tolérance.
À cela il convient d’ajouter que ces deux animaux-là justement ne se font rien l’un à l’autre, quoique l’un soit très avide de chair et l’autre bien en chair. Pourtant, on ne peut pas dire non plus qu’ils vivent en paix ni en bonne intelligence, ce que l’homme imagine bien volontiers.
S’ils ne se font rien, ce n’est donc pas par affection. Au mieux, cela peut se décrire ainsi : ils ne s’intéressent pas l’un à l’autre.
C’est la base la plus solide pour survivre l’un à côté de l’autre. En comparaison, toute forme d’ « amour » serait dangereuse.
Voilà qui donnera matière à réflexion à ceux qui ne se satisfont jamais du fait qu’ « il ne se passe rien ». Au lieu de dire qu’il ne doit rien se passer, le plus sûr est de dire qu’il ne peut rien se passer. Et pour garantir cela, le plus sûr, encore une fois, est la situation qui existe entre l’éléphant et le lion : l’un est absent pour l’autre.