J’arrive la nuit
Je respire
Iris déchiquetés, mes mots paralysés,
Ne disent que la mort où j’ai tenté de vivre
L’épouvante de plâtre et les feux dégrisés,
La solitude bue aux calices de givre
Je connais les longs dépouillements, acharnés
A briser les breloques, mais un rictus d’écume
Reste seul sur l’horreur des jeux abandonnés
Nudité, je te nomme amertume
Je sais les ongles plongés dans l’être, et la rage
De nouer les désastres, bouche criblée de terre
Pour que ne hurle plus ce carnaval sans âge
Passivité, mon roi, j’ai désiré la pierre
Lianes éclatées, le rire végétal
M’enlace d’aube pure et délace les fièvres
Le temps d’un mimosa j’oublierai bien le bal
Les éclaboussures du néant à mes lèvres ?
Je rassemble le sang, cherchant d’autres batailles
Mais le soleil se vide et je refais l’histoire
Car je me reconnais en ce dégoût d’entrailles
Dépossédées par les vautours de la mémoire
De la nuit lézardée quel cri n’a su jaillir ?
Déjà nous revenons aux soubresauts du vent
Nous avons vu les sables
Se fracasser
Et ce fut un abîme à gémir les étoiles
...
Mémoires sans visages
Extrait 7
Vois-tu, je n’ai pas de souvenirs
Je n’ai que cette dure lumière blanche qui découpe sur la mort
des ombres sèches
Cette longue mémoire d’eau morte où s’agitent les algues bleues
de la nuit
Je te parle, je ne sais qui tu es
Tu as pris déjà tant de voix
Tu as pris tant de fois ta voix de printemps noir
Je t’adresse ces lieux sans visages, ces branches abolies,
ces déserts de paroles
Mémoires sans visages
Extrait 1
J’ai les yeux hagards d’avoir trop regardé les soleils tristes des déserts
Et j’ai roulé dans une détresse de chardons
Le port, je le refuse
Si j’ai mené les barques noires sous la lune, c’était par pur délire
de naufrage
Rien n’a sombré, que moi-même, et ce centre brûlant du vide,
sphère de vent, géologie morbide
J’ai les stigmates de l’absence, je me cherche dans les varechs,
dans les cactus, les ammonites et le gypse
Quel geste me rendra le jeu de vivre parmi les coquelicots fragiles
Et les rires ?
Mémoires sans visages
Extrait 2
Je vire
Girouette brûlée,
Lacèrements de paille sèche
Je te lance une prière morne, mélopée lasse de l’automne
J’ai tant mordu la terre, dans ma rage d’or pur
et de cris sans mélanges
Je suis comme un long cyprès dressé vers l’au-delà de la souffrance
Qui donc accepterait de prendre la relève pour la dernière guerre ?
Est-ce toi ?
M’entends-tu ?
Mémoires sans visages
Extrait 3
Je dresse dans la nuit une cathédrale de silence et de peur où s’ensevelissent
les mémoires sans visages
Faites jouer les grandes orgues pour qui ne peut mourir une seconde fois
J’avance,
Limité,
Sarments desséché,
Dans une éclatante lumière de solitude et de sang
Festival Voix Vives 2022
Lecture et croissants : Colette Gibelin
Images et montage : Thibault Grasset
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