Nous, la particule et le monde est un ouvrage de référence pour comprendre l'approche transdisciplinaire et systémique, dans laquelle une nouvelle recherche est en train de faire son chemin, en créant des ponts entre les différentes disciplines fragmentées à l'extrême comme la
sociologie, la physique, la biologie, la diplomatie etc.
L'ouvrage fait la part belle à la recherche physique (
Basarab Nicolescu est physicien de formation) et contient de belles intuitions concernant les nouvelles théories comme le bootstrap, rejoignant en cela la notion bouddhique de coproduction conditionnée.
Outre la grande qualité du livre et de son contenu, j'ai trouvé que la conclusion tombait un peu à plat. Peut-être parce que je ne suis pas en grand accord avec. Peut-être parce que cette conclusion est le reflet d'un consensus qui date des années -80/-90, et qui consistait à voir dans l'homogénéisation des méthodes d'éducation, sur un modèle systémico-scientifique, la solution aux déséquilibres qui s'accumulent à l'échelle de la planète et de l'humanité. Mr Nicolescu a, semble-t-il, beaucoup été impliqué dans la définition des programmes de l'UNESCO. 30 ans après l'impulsion d'une telle démarche globale, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous des grands espoirs qui ont été placé par ceux qui, comme Nicolescu mais aussi
Edgar Morin, se sont lancés dans l'aventure.
Basarab Nicolescu dénonce à juste titre un effet de seuil de la fragmentation du monde, au-delà duquel celle-ci peut rentrer dans une phase de dangereuse accélération. Il cite notamment le risque nucléaire, et nous pourrions, trente ans plus tard, parler également du risque environnemental.
Le travail et l'éthique d'un homme comme Nicolescu s'inscrit clairement dans une action visant à combattre cette accélération dangereuse de la fragmentation de l'humanité dans tous les domaines, et conduisant selon un terme asymptotique à "la guerre de tous contre tous". J'aurais juste tendance à considérer que les moyens à mettre en oeuvre ne consistent pas à mener une action politique globale à l'image d'un schéma de type "
penser global", pour reprendre le titre du dernier livre d'
Edgar Morin. La solution consisterait plutôt et au contraire, à retrouver le sens de la mesure dans l'activité humaine, qui implique une réhabilitation de la notion de clôture opérationnelle et de respect des limites, dont la frontière ou la culture sont quelques-uns de ses avatars. Cette réhabilitation ne serait du reste pas incompatible avec le développement, sur un autre plan, de ce qu'on appelle parfois la noosphère, et qui est le partage et l'échange de la connaissance via la grande Toile de l'Internet.
La solution aux déséquilibres en cours serait donc, à l'exception notoire du développement de la noosphère, le contraire d'un nivellement et d'une homogénéisation des peuples, des territoires, des sociétés, des cultures et de leurs génies propres.