Au début des années 90,
MC Solaar fredonnait :
"Je suis la dame de pique qui trèfle ton coeur,
la dame de pique qui trèfle ton coeur,
Corinne."
Ou du moins quelque chose d'approchant.
Sur la magnifique couverture de
Quelqu'un comme elle, la dame de pique se retrouve coupée en deux.
La moitié supérieure, avec la petite tâche de sang, désigne Corinne, tuée à l'arme blanche. Un coup de couteau dans le dos et trois en plein coeur.
La moitié inférieure, chiffonnée, représente quant à elle Stéphanie, victime d'un grave accident de la route. Une BMW a en effet manoeuvré pour qu'elle chute d'une falaise.
"Il sursaute à la vue du corps disloqué et écrasé entre le fauteuil et le volant."
Les deux femmes ne se connaissaient pas. La première habitait la région lilloise, la seconde Perpignan. La première était directrice d'école privée, la seconde travaillait dans un centre de rééducation.
Elles représentent pourtant chacune le côté d'une même carte.
La seule chose qui les relie, c'est l'antipathie qu'elles provoquaient de leur vivant. Deux femmes absolument abjectes et manipulatrices, coupables de harcèlement. Stéphanie maltraitait sa fille de deux ans, Corinne mettait plus bas que terre les enseignantes de son établissement.
"D'après eux, cette nana était une plaie !"
Le nombre de personnes ayant pu souhaiter les tuer est donc impressionnant, pour l'une comme pour l'autre. Tout le monde semble ravi de leur disparition !
Et les capitaines de police en charge de ces affaires vont devoir vérifier un grand nombre d'alibis pour connaître l'identité du ou des coupables.
Eux en revanche se connaissent. le capitaine Laurent Pujadas enquête sur le probable crime ayant eu lieu à Perpignan, et l'une des pistes l'emmènera dans le Nord de la France où travaille son ancien collègue et ami Benoît Demazure, affecté quant à lui au meurtre de la directrice de l'école Notre Dame de la Paix.
"Leur amitié s'était renforcée durant leur cinq premières années en poste, passées en région parisienne."
Ils s'entraideront pour résoudre leurs enquêtes respectives, lesquelles finiront bien sûr par se rejoindre. Mais qu'est ce qui peut bien relier ces deux assassinats commis à deux jours d'intervalle en dehors des personnalités exécrables des victimes ? Je vous laisse le soin de le découvrir par vous même.
Avec ce flic des Pyrénées Orientales projeté dans le département du Nord, dont est originaire l'auteure, on a un petit côté "Bienvenue chez les Ch'ti" présent dans ce polar : choc des cultures, expressions patoises, spécialités culinaires régionales (notamment le potjevleesch flamand ).
"Imagine, une citadine et un montagnard ... une ch'ti et un catalan !"
Mais bon, heureusement le trait n'est pas trop caricatural et on ressent beaucoup de respect quand l'écrivain nous présente sa région.
"Lille est réellement une belle ville et la campagne flamande a beaucoup de charme."
Pour un premier roman,
Magali le Maître s'en sort honorablement. J'ai été pris d'emblée par l'histoire concoctée par ses soins, que j'ai dévorée en à peine plus de vingt-quatre heures. Comme il était question sur la quatrième de couverture de manipulation, je pensais avoir affaire à un thriller psychologique mais ça n'est pas le cas, même s'il évoque le sujet du harcèlement moral. On est bien dans un roman policier classique, avec des interrogatoires de suspects, des recherches de mobile, des vérifications d'alibi pour que puisse, suite à quelques rebondissements, enfin éclater la vérité.
Le roman est également intéressant par les sujets dont il traite. Il m'a appris la différence entre les romanichels, les gitans et les manouches alors que j'ignorais ces subtilités distinguant ces gens du voyage.
Il parle aussi des violences faîtes aux enfants, du rôle des enseignants lorsqu'ils découvrent qu'un de leurs élèves est probablement victime de maltraitance.
Plusieurs familles recomposées sont également présentes au sein de
Quelqu'un comme elle, en particulier celle du mari de Stéphanie ( la première victime ) qui devait affronter la jalousie de sa femme à chacune de ses conversations avec sa première épouse, qui concernaient pourtant leur fils. Ou celle du policier lillois qui souffre de ne plus pouvoir voir ses enfants, ni même leur parler, suite à une séparation particulièrement difficile. Comment composer avec l'éloignement géographique et les basses vengeances ? Pourquoi les enfants ont-ils à souffrir des mésententes qui règnent souvent dans ces familles qui se déchirent ?
En revanche, le roman de Magali le Maître souffre à mon sens de quelques imperfections. Malgré une construction en trois parties bien pensée, la trame est assez linéaire : Interrogatoire, alibi prouvé, autre interrogatoire, autre alibi et ainsi de suite...
Une fois tous les éléments en possession du lecteur, la solution de l'énigme n'a plus rien d'un mystère et quand elle est révélée l'effet de surprise tombe un peu à plat ( même si une fois la question du "Qui ?" résolue, il reste celle du "Comment ?" ).
Les personnages sont un peu trop nombreux à mon goût pour tous se les rappeler, et pas toujours suffisamment différenciés pour les identifier systématiquement avec aisance.
Quant au style, s'il est fluide, j'ai trouvé que les dialogues manquaient parfois de naturel et que les tentatives d'humour tombaient souvent à plat.
Pas totalement convaincu donc par ce premier essai dans lequel de bonnes idées côtoient de petites maladresses, je demeure cependant ravi de pouvoir retrouver les deux capitaines dans leur seconde enquête,
le bal de ses nuits, qui attise quand même fortement ma curiosité !