"J'étais un Trésor caché, j'ai voulu être connu; c'est pourquoi j'ai crée les créatures afin qu'elles me connaissent."
C'est en ces termes que l'une des traditions religieuses de l'islam fait parler Dieu. Cette parole que les penseurs de l'islam ont longuement méditée et abondamment commentée révèle que la création tout entière a pour finalité de faire apparaître et de connaître le Trésor caché qu'est le Créateur. Elle signifie aussi que toute la création n'est que la manifestation visible d'une réalité invisible et inaccessible aux regards. Mais elle suggère aussi qu'en tout être crée fut mis le potentiel de connaître son Seigneur afin que, ainsi chargé d'une connaissance substantielle, il puisse remonter vers Lui. L'ensemble de l'univers crée est donc le Livre de Dieu où chacun peut lire la splendeur des attributs divins.
Dans la classique opposition entre le zâhir (l'apparent, le visible), et le bâtin (le caché, l'invisible), les penseurs spirituels considèrent l'un comme insuffisant, voire illusoire, et l'autre comme la vraie réalité qui doit être recherchée dans la pure intériorité de l'esprit. S'il faut polir l'âme et le coeur par des exercices spirituels, c'est au bout du compte, pour devenir capable de refléter en soi et de contempler la lumière de la réalité invisible. Ainsi, dans sa théorie comme dans sa pratique, cette démarche est avant tout un mode de connaissance qui nécessite une radicale conversion du regard. Elle est aussi, non pas une opposition à la loi religieuse, qu'elle respecte, mais une invitation à regarder au-delà et à dépasser le stade de la loi qui n'est que le début dans le cheminent vers la connaissance et la perfection.
Contre l'obscurantisme, seules les lumières de la raison et de l'inspiration peuvent ouvrir l'horizon. Et faire se lever dans l'âme une connaissance qui est sagesse, méditation, respect et amour des autres.
Le Coran lui-même et tous les textes sacrés et spirituels ne sont que les miroirs réfléchissants de ce grand Livre des réalités divines. De même que les beautés du monde sont les signes visibles de la beauté de Dieu, les textes manifestent quelque chose de Sa vérité et contribuent donc à l'élaboration d'une science du dévoilement à laquelle conduit tout travail sur la dialectique du visible et de l'invisible, de l'apparent et du caché.
La littérature spirituelle de l'islam est généralement connue sous le nom de "soufisme", terme qui a fini par devenir l'équivalent de "mystique" et par traduire à la fois l'expérience de l'infini, l'amour de Dieu et la quête d'un au-delà de la lettre sacrée, articulée autour d'un sens profond inaccessible aux non-initiés.