Ce bref roman d'Éliette
Abécassis a la violence d'un uppercut. le décor est planté en quelques lignes, Jérusalem, le quartier de Méa Shéarim où vivent les Hassidim, ces juifs ultraorthodoxes qui attendent la venue du Messie en se consacrant à l'étude des textes religieux et en refusant la modernité. Une jeune femme de vingt-six ans vit les derniers jours de son mariage avec Nathan, le fils du Rav qui dirige la communauté. Les époux s'aiment profondément, mais leur union doit prendre fin, aucun enfant n'étant né au cours de leurs dix années de mariage. le Rav exige la répudiation de Rachel, accusée de stérilité, et projette le remariage de son fils avec Léa, la fille de son disciple.
La force du livre réside dans son économie de mots et sa force poétique. Que donne-t-il à voir ? L'angoisse, puis le désespoir d'une femme éprise de l'homme à qui elle a été donnée et qui se voit rejetée et privée de tout en raison de la loi talmudique. La noblesse de ses sentiments, sa soumission sans faille, son humilité se fracassent sur les certitudes des religieux qui se retranchent derrière la sainteté, la pureté, la tradition.
Au-delà du drame vécu par Rachel, se déploie l'enfermement sous toutes ses formes qui règne dans cette microsociété et constitue une sorte de fil rouge du livre. Repli de la communauté sur son quartier et rejet de la société israélienne, stricte séparation des sexes, assujettissement des femmes au foyer et à la maternité, dissimulation des corps sous d'épais vêtements... l'atmosphère est étouffante. Il faudra la détermination de Naomi, la jeune soeur de Rachel, et de son amoureux Yacov pour briser le carcan de l'obéissance sans condition.
Les spectateurs qui ont vu le magnifique film Kadosh d'
Amos Gitaï ne seront pas surpris d'apprendre qu'Éliette
Abécassis en était l'une des scénaristes ; il ne raconte pas autre chose que cette histoire.